AAARG: crac, boum, hu!!

Rencontre avec Pierre Starsky, un des rédacteurs de « Aaarg », une revue à 75% BD et pour une culture populaire de masse (c’est eux qui le revendiquent). Pour paraphraser notre super-héros préféré, Superman, s’agit-il d’un fanzine? S’agit-il d’une revue BD? S’agit-il d’un OVNI culturel?
Revue aaarg n.10 - Revue Aaarg - Aaarg! - Revue - Le Hall du Livre ...
Un peu tout cela à la fois, voilà une revue qui vient de la planète Mars…eille et qui « casse » tous les clivages bien balisés du monde de la BD et donc de la culture populaire. Une revue où l’on retrouve de l’humour, de la BD policière et du roman noir. Voilà aussi une revue sans publicité, ce qui suppose  une bonne intégration dans le monde du livre. Bref, un modèle d’édition BD et de culture de masse. Entretien réalisé en août 2014.
« Aaarg » est donc aussi bien une revue qu’un site Internet.
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Oui, la revue étant le vrai moteur de notre activité, nous avons à cœur de diversifier les plaisirs. Ainsi, on peut trouver une pléthore de bonus sur le site : des vidéos, des séries hebdomadaires, des articles, des suppléments de la revue papier, etc… On voudrait développer d’autres choses, notamment AAARG ! TV, en 2015… En Octobre de cette année, on va fêter notre premier anniversaire. Donc, on va sortir un numéro spécial de la revue, presque double (près de 300 pages) et au même prix. Pour l’occase des un an, on va aussi organiser un festoche à Marseille et des événements ici et là. Marseille, capitale de la culture populaire… Ca tombe bien, non ?
En même temps, il y a des précédents, je pense aux éditions « Soleil » basées sur Toulon.
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Oui, même si sur le plan éditorial, on est très éloignés d’eux. Disons que c’est de la bande dessinée aussi, mais plus mainstream que populaire ; bien qu’avec les années, leur ligne éditoriale se soit diversifiée. La définition de culture populaire varie selon qui en parle, hein… Ni élitiste ni mainstream, la culture populaire est l’opposé de la culture produit. Par le peuple pour le peuple. Marseille donne souvent l’impression qu’il ne s’y passe rien, parce que la culture institutionnelle a l’air moins implantée qu’ailleurs, Lyon par exemple. Pourtant, c’est un vivier immense culturellement parlant, d’un point de vue alternatif. Oubliez marseille 2013, vaste bouffonnerie organisée pour les promoteurs, antithèse de ce que doit être la culture ; un outil de révolte, de réflexion, de diversité, d’expression, et non pas un éclaireur de la gentrification. A ce titre, et pour revenir à l’édition, nous sommes plus proches d’autres éditeurs, à Marseille, comme les Editions Même Pas Mal, sans oublier le Dernier Cri qui sont là depuis plus de 25 ans…
Peut-on dire que votre revue reste un fanzine?
Notre revue n’a jamais été un fanzine. Le fanzinat est important, et c’est un medium libre, c’est l’ouverture à tous. « Do It Yourself ». J’ai commencé par le fanzinat quand j’étais au lycée avec une pauvre photocopieuse, et ça a duré longtemps. Pas dans le milieu de la BD, mais celui du punk… J’en ai créé pas mal, qui n’ont jamais dépassé le numéro 1. Ca me permettait d’aller aux concerts gratuits , de rencontrer des zicos, de dire ce que j’avais envie de dire et d’ouvrir le parole aux autres. Plus tard, j’ai monté un groupe, c’était plus pratique, puis j’ai fait de la radio. Avec mon second groupe, Bimbo Killers, et sur le deuxième album, on a monté un fanzine avec de très nombreuses contributions… qui s’est transformé en livre. Première experience d’éditeur. Ce bouquin, plus un fanzine de luxe pour le coup, pour le côté parfois très amateur, a été un coup d’essai. Puis les éditions « Même Pas Mal », que j’ai quitté au bout de 5 ans pour fonder AAARG !
Qui donc n’est pas un fanzine ; et je n’y vois rien de péjoratif. C’est une revue professionnelle, tirée à près de 10 000 exemplaires, qui paye ses auteurs et est bien distribuée (dans le reseau du livre, pas celui de la presse). L’objectif de base étant de permettre à des auteurs de croûter tout en éditant chez des indés et en gardant une certaine liberté de ton.
On y trouve aussi bien du polar que du fantastique, de l’humour, de la culture bis. Puis des nouvelles, des dossiers, des interviews… La culture populaire, ça veut tout et rien dire. Nous, on développe une revue que l’on a envie de lire ; le mauvais genre, la BD radicale, et mille autres choses encore. On aime briser les clivages, aller là où l’on ne nous attend pas. C’est vrai qu’on est parfois radicaux dans nos positions éditoriales. On cherche pas à créer des niches éditoriales, on fait confiance à l’intelligence du lecteur qui peut sortir du produit estampillé à « un genre » pour cibler une niche  . Le problème étant qu’en France, nous avons 2 ou 3 grands groupes qui ont phagocyté le marché du livre, qui l’ont saturé et et qui font de l’édition comme s’ils vendaient des savonnettes ou des bagnoles.
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Vous faites de l’édition aussi.

Editer une revue est par définition un travail d’éditeur. Mais effectivement, on se diversifie avec des livres . Pour l’instant on a édité ainsi un roman, des compilations de chroniques du site. Et dans les tuyaux, on a pas mal de bouquins en préparation : Bandes Dessinées, romans, et encore d’autres surprises… 
Et donc votre pseudonyme vient d’où?
Ah, ce n’est même pas un hommage (Rires),c’est une longue histoire.. Un hommage à mes parents plutôt. Pour en revenir au fanzinat, il y a longtemps que j’ai laissé tomber. Pendant 6 ans, j’ai été éditeur à la maison d’édition « Même pas mal », les fanzines sont dans un autre réseau de distribution alternatif ce qui n’est pas le cas de nous. Nous, encore une fois, on paie nos auteurs. Moi, personnellement, je continue toujours d’en acheter des fanzines.
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Sur le plan des festivals, vous êtes présent partout?
Non, pas vraiment, on était, au départ, présent à beaucoup de festivals. On en fait beaucoup moins, car indépendant que nous sommes, cela nous coûte très cher ; on préfère faire des soirées « Aaarg ! » avec nos auteurs qui rencontrent les lecteurs, et un côté festif… On préfère mettre notre énergie là-dedans. L’an dernier, on était présent sur une dizaine de festivals, à Angoulême bien sûr, d’autres petits festivals. C’est trop pour nous. En tant que revue, on n’y a pas automatiquement notre place, s’il n’y a pas un truc fait autour de la revue (expo, rencontres, etc…). On a fait plus de soirées « Aaarg » que de festoches, je pense.
Vous avez des aides publiques?
Oui, on a des aides pour payer l’équipe éditoriale, sachant qu’on est 3 personnes à plein temps, qui faisons le travail de 10, et qu’on a deux salariés au SMIC sur les trois ; Même si on est trois fixes, heureusement, notre équipe est à modulation variable, et d’autres membres se joignent à nous quand ils ou elles ont le temps, par exemple Sandra side, qui est là depuis le début sur nos vidéos, et avec qui on va développer AAARG !TV . Nous avons reçu des stagiaires, aussi, l’Adeline et Maelle, qui se sont incorporée à l’équipe et sont là sur les événements. Il Gato, le graphiste et maquettiste, qui est externe à la structure, sur le papier, compte aussi des nôtres. Donc, pour revenir à la question, deux emplois sont salariés grâce aux subventions sur les trois personnes à plain temps ; les auteurs et intervenants extérieurs sont rémunérés grâce aux ventes.
Votre ambition, avec cette revue, n’est-il pas d’être « le Métal Hurlant » des années 2010?
C’est sûr que « Métal Hurlant, « Pilote » et « A suivre » sont de véritables références pour nous. On en a d’autres encore, et si tous ces magazines ont été des modèles, notre projet en diffère cependant. On a digéré pas mal de choses en terme de cinéma, BD, musique ou litterature. Et notre ambition et d’avoir notre personnalité et de devenir la référence de demain.
Je pose la question car je considère que « Métal Hurlant » était bien plus qu’une revue pour l’époque, mais aussi un objet culturel ; ils avaient rencontré plein d’auteurs BD, d’écrivains et de cinéastes, ils en avaient loupé aussi…le phénomène culte qu’est devenu cette revue est intéressant en ce sens.
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Oui c’est vrai ; ils ont été innovant et courageux dans leurs démarches éditoriales. En ça, c’est une référence pour nous. Ils ont pris des risques à tous les niveaux afin de créer ce type de journal. Nous aussi on veut faire bouger des choses, sortir du marasme dans lequel s’empêtrent la presse, la BD. On a lancé un projet original avec « Aaarg ! », et ce qui est étonnant, c’est que la même année, 5 revues sont apparues presque en même temps. Il y a des réactions, c’est bon signe. Et chacune a son identité. En leur temps, « Métal Hurlant », « Pilote » ont eu aussi l’utilité de faire sortir la BD d’un ghetto infantile. Nous, on veut montrer un panorama utile des auteurs de demain. D’ailleurs, Jean-Pierre Dionnet nous lit à chaque numéro et nous envoie des mails pour nous encourager, nous complimenter, et ça nous fait un immense plaisir. C’est gratifiant d’avoir des retours positifs, comme tous ces mots de lectrices et de lecteurs, régulièrement, c’est un vrai moteur pour nous.
C’est vrai qu’avoir un retour positif de Jean-Pierre Dionnet c’est plutôt gratifiant.
Ah oui c’est clair, je matais « Cinéma de quartier », gamin, je lisais Metal Hurlant… Joie.
Et au festival BD d’Angoulême, vous faites partie du OFF?
Non, non on fait partie du off du off (rires). Que ce soit à Avignon (pour l’adaptation de notre roman JOBLARD), ou à Angoulême, on a le même slogan:
« Ni IN, Ni OFF ! Bien au contraire… » (rires)
Ce qui, soulignons le, n’a pas pour le coup une réelle vocation politique. Même si on aime bien faire notre truc à nous comme on l’entend.
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Peut-on vous comparer à « Fluide Glacial »?
Magazine Fluide Glacial T517 - Fluide Glacial - à lire en ligne
Non, je ne crois pas. Pourtant, on a des auteurs en commun « Fluide Glacial » est spécialisé dans l’humour, format court, et c’est un journal de presse. De notre côté, on propose des BD dont le format varie de une page à 40 pages, de tout styles, avec une ligne assez différente, même dans l’humour, à part quelques exceptions. Et nous sommes dans le réseau du livres. Nous, on est vendu 14 euros 90 et on s’approche du livre, avec pas loin de 200 pages, un papier épais, « Fluide » moins de 5 euros pour un format magazine. Disons qu’on est complémentaires.
Je trouve intéressant par exemple que l’auteur « Pixel Vengeur » fasse aussi bien de l’humour chez « Fluide Glacial » et du fantastique chez nous.  Il a un espace pour le faire.
Les auteurs BD aiment bien finalement toucher à plusieurs genres.
PIXEL VENGEUR:
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Le vrai:
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Et les influences ciné sont lesquelles?
Pour parler en mon nom, elles sont vastes. Ca va du cinéma bis, de genre, aux grands classiques. Ca peut être aussi bien Carpenter que Fellini, Malick à ses débuts, les premiers Spielberg, Corneau, Kubrick, Herzog, les frères Coen, Audiard, Verneuil, Jarmush, Bergman, Delepine et Kervern…
Vous faites de l’édition politique, ou sociale?
Notre démarche est en politique, notre existence est politique aussi, mais de façon ostensible, le contenu n’est pas politique ; sauf si on sait lire entre les lignes. On s’est créé en réaction, et après longue réflexion, vis-à-vis ce que devient le monde de l’édition, nonobstant les foyers de résistance chez certains éditeurs. La politique est, de toute manière, présente dans notre manière de vivre, individuellement, dans le projet, et même dans le choix d’être restés à Marseille et d’y monter le bureau éditorial pour une revue à diffusion Française et internationale ;  malgré les portes qui nous sont fermées en n’étant pas sur la capitale.
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Le collectif BD « Vide-cocagne » à Nantes fait de l’éducation populaire que ce soit en école primaire, en collège ou dans des médiathèques, c’est votre cas?
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A l’époque où j’étais à  « Même pas mal », je faisais des interventions en prison ou avec les jeunes ou les deux à la fois. Quand j’étais pion, aussi, j’essayais de monter des ateliers. Pour « Aaarg ! », je le fais plus ; on n’a pas vraiment le temps, on reste un modèle d’édition fragile d’un numéro à l’autre. AAARG ! est sorti du modèle associatif pour devenir une SCOP, et il faut dire que Même pas mal continue ces activités d’intervention sur Marseille. On essaie d’être actifs, au-delà d’individuellement, en soutenant des causes, ci et là, et on est en train de réfléchir à un système de gratuité d’abonnement pour les taulardes et les taulards.
Pour les auteurs publiés, vous avez le choix de l’embarras?
On a une base d’auteurs fixes solides. On reçoit chaque semaine une centaine de propositions BD et nouvelles à publier. Sur ces 100, il y en a moins du quart de publiable, d’autres qui ne correspondent pas à notre ligne éditoriale.
Je vois sur votre site internet que vous avez même distribué un prix à Angoulême, les « Aaarg d’or » (Rires).
Ah oui, on a même distribué un prix à un bouquin de « Vide-cocagne ». Ce festival reste un supermarché géant de la BD, Je considère tout de même qu’il y a des prix de qualité à Angoulême. D’une année à l’autre, d’un président à l’autre, c’est changeant. Mais les problèmes persistent : entrées hors de prix, les éditeurs (je pense aux petits) qui raquent une fortune, et les auteurs qui ne touchent rien sur les entrées alors que sans eux… pas de festival
Vous pensez quoi de cette surproduction BD actuelle?
C’est problématique en un sens, si l’on a pas les épaules pour truster, un nombre important de BD de qualité passent inaperçu. Une part de la surproduction est liée à une politique de trésorerie de certains éditeurs qui veulent, grâce aux offices, générer de la trésorerie avec de l’argent fantôme, sur des livres qui ne sont pas travaillés donc pas vendus. Au-delà de ça, entre les blogs, et la montée de la BD alternative, il y a un phénomène de démocratisation de la pratique de la BD, qui me rappelle, dans une certaine mesure, l’arrivée de la photo numérique, qui a révélé certains talents qui n’avaient pas ou peu de connaissances techniques. Cela élargit le nombre d’auteurs. Le fait est qu’il y a un très grand nombre d’auteurs talentueux, un nombre croissant, mais qu’on publie un nombre incroyable de merdes qui n’ont pas leur place en librairie… Au final, la demande ne croît pas aussi vite et tout ce système va encore faire le jeu des gros… Donc, grosso-modo, la surproduction me pose problème, mais il est intéressant de voir la pratique d’auteur se démocratiser. Après, ce n’est pas parce qu’il y a plus d’auteurs que tous sont bons.

Des auteurs BD avec une meilleure formation initiale d’ailleurs.

Pas toujours. Il y a beaucoup d’écoles de BD, il y a beaucoup de dessinateurs de qualité. Mais la BD c’est aussi un scenario, un découpage, une lisibilité… Je préfère une BD avec un dessin peu attractif et une super histoire, un super découpage, qu’une coquille vide.
Vous connaissez les combats et revendications du SNAC-BD ?
Je connais pas mal de gens syndiqués au SNAC, dont certains fondateurs.  Je suis ce qu’il s’y passe, notamment dernièrement, avec les reformes liées aux complémentaires et au statut d’auteur. Il faut dire que c’est un milieu de précaires, majoritairement. Si l’on excepte les gros éditeurs, les gros vendeurs ou les gros diffuseurs, tout le monde suce des cailloux. Éditeurs compris. Les auteurs ne cotisent pas au chômage, en sus. C’est un statut peu reconnu, même au quotidien ; pour beaucoup de gens, ce n’est pas un vrai travail.
Pour en revenir à la surproduction, il y a en plus un réel problème d’offre et de demande, qui n’arrange rien. Concrètement, si les prix des planches ou les avaloirs augmentent, il y aura plus de moitié moins d’auteurs rémunérés et les petits éditeurs sauteront en partie. Mais dans l’état, une majorité d’auteurs survivent.
Il y a eu beaucoup d’échanges, notamment grâce au SNAC, concernant la reforme. Je suis assez chagriné par le manque de convergence des luttes au sein même des auteurs (BD, roman, scenars, etc…). Il me semble qu’il y a un vrai problème de méthode militante. D’autant que les auteurs ont peu de poids en termes de revendication. A part sur les festivals.
Il y a beaucoup de personnes qui ne s’intéressent à la politique que lorsqu’elles se sentent individuellement en danger, mais c’est globalement qu’il faut lutter pour être un jour efficace. On ne peut se battre pour ses droits si on ne se bat pas pour les droits de tous. C’est le sens même de la lutte. Ceci dit, il est important et intéressant de voir que les auteurs se syndiquent et luttent aussi à leur niveau.
Le mot de la fin…
Le numéro 5 de « Aaarg » sort fin Août et clos une première année réjouissante. On en est très content, vous allez vous régaler ; Puis mi-Octobre, le numéro 6 pour les un an, il fera près de 300 pages. On fera des événements pour cette sortie, donc rendez-vous sur notre site pour plus d’infos. Et merci.
Interview © Dominique Vergnes 2014
Images © Aaarg 2014

La Revue Dessinée: une autre forme de BD

Rencontre avec Sylvain Ricard, journaliste et scénariste BD, mais surtout membre fondateur de la « Revue Dessinée » ;  journal BD, né en 2013, qui traîte de l’information brûlante dans le monde et de sujets fort contemporains. Revue avec des choix éditoriaux pointus dans leur analyse du monde actuel,  qui fait aussi intervenir journalistes et dessinateurs de talent, que ce soit Etienne Davodeau, Carlos Nine ou Emmanuel Lepage…des dessinateurs au graphisme fort et à l’univers original. Enième revue BD? Pas du tout, d’abord une revue qui traîte de sujets contemporains par le biais du médium BD.

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Un assemblage donc de journalistes, scénaristes, dessinateurs et éditeurs pour une revue trimestrielle de qualité et en constant renouvellement. Entretien réalisé en septembre 2014.

Pouvez-vous nous parler du concept de « la Revue Dessinée »?

http://www.larevuedessinee.fr/

Le concept de « La Revue Dessinée » est de proposer une grosse revue trimestrielle (près de 230 pages) qui traite d’actualités en bande-dessinée, avec pour ligne éditoriale de proposer un éclairage sur le monde contemporain et mieux faire comprendre la société dans laquelle nous vivons.

J’ai lu quelque part que votre revue est née de frustration d’auteurs, de journalistes, de dessinateurs pas contents de leur sort et surtout du monde de l’édition.

C’est un peu ça, oui. Faire un livre, ce sont des mois de travail (s’il est publié), et seulement quelques semaines dans les rayonnages de librairie. C’est effectivement un peu frustrant. La frustration est venue aussi de ne pas pouvoir faire de la BD comme on le voulait en faire ou très difficilement. Enfin, frustration de ne pas pouvoir lire la revue que l’on voulait lire. Nous avons donc agi en conséquence…

Vous êtes passé par le crowfunding pour le lancement de la revue?

Pas exactement. Nous avons créé une société qui édite le titre. Nous sommes passés par le site « Ulule » pour une campagne de pré-abonnement.

Vous êtes content des premiers tirages?

Couverture de La revue dessinée -2- #02

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On a imprimé le numéro 1 à 15000 exemplaires et au bout de 15 jours, on en a réimprimé 6000 puis 3000 exemplaires. Les autres numéros sont imprimés à 20000 exemplaires. Nous sommes distribués dans le réseau des libraires et sur abonnements.

Le lancement du journal s’est bien réalisé et l’accueil fut bon d’ailleurs.

Oui c’est vrai, on était assez content du lancement.

Vous fonctionnez avec les mêmes dessinateurs?

On a travaillé jusqu’à présent avec près de 50 dessinateurs. Nous collaborons essentiellement avec des auteurs concernés par le monde qui les entoure. On veut aussi des dessinateurs qui nous apportent leurs points de vue sur les sujets traités. Seules les chroniques thématiques voient les mêmes auteurs revenir.

Je vois que vous avez travaillé avec Etienne Davodeau. D’autres aussi?

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Pour les plus renommés des dessinateurs, il y a Emmanuel Lepage, Carlos Nine,  Nicoby, Daniel Casanave, Benjamin Adam, Thibault Soulcié, James et tant d’autres. Pour nos diverses couvertures on a eu Gipi, Mattoti, De Crécy entre autres. Ce qui nous intéresse ce sont des auteurs BD qui ont une vraie intelligence, un sens critique et qui, bien entendu, savent dessiner. C’est vrai que l’on peut considérer que nos dessinateurs ont un univers parfois « arty » et moderne, mais cela nous convient très bien. Certains auteurs publient pour la première fois, même chose pour les journalistes.

Vous êtes trimestriel ; à terme, vous voulez être mensuel?

Non, nous resterons sur un rythme trimestriel.

Vos reportages BD sont beaucoup liés à l’état du monde, aux guerres, aux problèmes environnementaux.

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On est très fiers de nos numéros ; on a travaillé sur les nationalismes en Europe. On commence à travailler sur la ville, l’urbanisme. On travaille aussi sur beaucoup de domaines politiques, économiques et artistiques. On essaie de faire une revue variée. Nous souhaitons être présents dans l’espace médiatique, sociologique, journalistique et non dans l’espace BD. Je tenais à préciser que ce n’est pas une revue BD mais qui se sert du format BD pour traiter de l’actualité, ce qui est différent.

Vous avez donc un an d’existence

Oui, un an de publication. Tout juste avec ce numéro 5 qui sort le 12 septembre.

Vous êtes diffusés partout en France?

Oui, dans le réseau spécialisé et dans le réseau généraliste, les relais H, les grandes enseignes etc. Nous sommes également présents en Belgique, Suisse et Canada.

Vous allez faire de l’édition?

Plutôt de la co-édition, avec « Futuropolis » probablement.

Vous êtes passés par le fanzinat?

Non du tout, qu’il s’agisse de moi ou des autres auteurs de la revue.

Peut-on vous comparer à « l’Association »?

Non, je ne crois pas. C’est une petite structure avec des actionnaires, des journalistes et auteurs fondateurs, des budgets, une trésorerie, c’est une société par actions simplifiées et non pas une association. De plus, nous éditons une revue, on ne fait pas de livres. La même année de notre naissance, on a vu se créer, outre « La Revue Dessinée », les revues « Professeur Cyclope », « Mauvais Esprit » (malheureusement finie) et « Aaarg! » mais nous n’étions pas des revues sur les mêmes créneaux. Nous, nous sommes la première revue entièrement destinée à l’information en BD.

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Je me souviens bien, vous aviez eu un très bon retour des médias pour votre lancement.

Oui mais le problème, ce n’est pas le lancement mais de durer. C’est maintenant que c’est difficile. Pour les tirages, on en est à peu près au même niveau, mais nous espérons évidemment progresser sur la seconde saison.

La revue « Aaarg! » se définit comme une revue BD alternative, est-ce votre cas?

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Non, non on n’est pas alternatif, mais on est complètement indépendant. On ne dépend pas de subventions, ni de publicités. La revue tient des ventes en librairie et par abonnements. On a eu des aides essentiellement pour la partie I-PAD, mais rien d’autre.

Que pensez-vous de la surproduction BD actuelle?

http://www.acbd.fr/category/les-bilans-de-l-acbd/

Sans doute que l’on y participe indirectement. Je ne sais pas trop. Ce qui est sur, c’est que la surproduction, j’en ai été moi-même victime. Ce fut toujours difficile de trouver un éditeur et les avances sur droit sont beaucoup moins importantes. Il existe actuellement une véritable paupérisation des auteurs BD.

Vous connaissez les combats du SNAC-BD?

http://www.syndicatbd.org/

Oui bien sûr, j’ai été vice-président du SNAC pendant quelques temps. J’ai été dans le comité de pilotage, je connais donc bien ce syndicat. Je suis solidaire avec les combats de ce syndicat, trop d’auteurs ne sont pas adhérents, pourtant ce syndicat est bien utile pour les auteurs et il publie chaque année un rapport d’activités qui montre à quel point ce groupement est très utile.

Et pour « la revue dessinée », vous avez réalisé une étude de marché?

Non, on s’était dit, les revues marchent, une revue sur l’information en BD va donc sûrement marcher. Voilà notre étude de marché (rires). Mais c’est vrai que l’on a besoin actuellement de plus d’abonnements pour la revue. C’est une revue qui coûte très chèr à fabriquer, on paie tous ceux qui participent à cette revue. On a quand même des seuils de rentabilité et des coûts de production assez hauts.

Envisagez-vous un peu de publicité dans la revue?

Non, on ne veut pas en mettre pour l’instant. Pour en revenir à la revue numéro 5, revue qui est donc sortie  le 12 septembre 2014, il y a le sujet de Etienne Davodeau et de Benoit Colombat sur la mort du Juge Renaud, il y a un grand sujet sur les emprunts toxiques de la banque Dexia (de Catherine Legall et Benjamin Adam), un autre sujet de Carlos Nine sur Pierre Etaix, et un sujet sur le nationalisme écossais (de gauche) avec le prochain référendum du 18 septembre en Ecosse.

Ce sont les journalistes qui vous proposent ces sujets?

Oui le plus souvent, et on les met en relation avec des dessinateurs. On veut avant tout éviter les sujets tout faits du journal télévisé, permettre aux journalistes de bien raconter les choses avec de belles perspectives, avec intelligence. Nous misons sur la qualité des articles et l’intelligence de nos auteurs et des lecteurs.

https://www.youtube.com/watch?v=nYxpvaFuYJg

Propos recueillis par Dominique Vergnes

Images © La Revue Dessinée