Rencontre avec Pierre Carles, le trublion des médias

Rencontre avec Pierre Carles (en mai 2014), franc-tireur du journalisme depuis les années 1990 et dont l’actualité nous rappelle son rôle de « poil à gratter »médiatique, avec la défense de positions journalistiques radicales fàce aux grands groupes de communication français ou internationaux.  Rappel du parcours étonnant de ce journaliste et documentariste indépendant, développant sens de l’absurde, happenings médiatiques et mise en scène frontale audiovisuelle dans ses sujets. Originalité des positions qui se retrouvent aussi bien dans le choix de ses documentaires que dans les procédés de production ; volontés de résistance dans les thèmes abordés mêlant sujet altermondialiste, choix de vie et personnalités politiques internationales. Le tout formant une oeuvre documentariste et de production unique en France, et dont d’autres sites audiovisuels ont copié le modèle. Entretien avec un résistant assumé de « la société du spectacle » qui a su se faire une place à part dans le monde médiatique français.

DV: Vous connaissez bien Nantes?

Pierre Carles: Oui, un peu. Je suis venu il y a 3 ans au cinéma Bonne Garde pour une rétrospective de mon travail. J’avais passé 3-4 jours à Nantes et j’en garde un très bon souvenir. La famille Clochard, qui tient le cinéma de quartier le Concorde, a toujours défendu mes films. J’ai aussi un peu suivi les dernières manifestations contre le projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes. Certaines personnes s’étaient déguisées en légumes, en patate notamment, et déambulaient Place du Commerce au milieu des manifestants cagoulés qui résistaient aux CRS. On ne voit pas trop ça ailleurs.

Afficher l'image d'origine

Afficher l'image d'origine

Les débuts dans la carrière journalistique

DV: Au début de votre carrière, vous avez commencé à « L’Assiette anglaise » avec feu Bernard Rapp, où vous jouiez un peu le rôle de journaliste-trublion.

PC: J’y faisais des détournements d’images et des reportages plutôt loufoques sur des événements médiatiques ou surmédiatisés. On a été, me semble t-il, des précurseurs sur ce créneau-là.

DV: Certains reportages tiennent encore le coup, comme le voyage de Mitterrand à Solutré.

https://www.pierrecarles.org/Mitterand-et-les-journalistes-a

PC: C’était tabou à l’époque, lorsqu’on suivait François Mitterrand lors de son ascension annuelle de la roche de Solutré, d’enregistrer quoi que ce soit en audio ou en vidéo. Gravitait autour de Mitterrand toute une cour de journalistes et il n’était pas question de transgresser la sacro-sainte règle du « off the record». Mitterrand pouvait engueuler des journalistes ou en flatter certains, c’était le monarque parlant à ses sujets, à ses subordonnés. De manière générale, ces journalistes politiques  étaient fascinés par Mitterrand et perdaient tout esprit critique si tant est qu’ils en avaient. On a retrouvé cela plus tard avec Chirac, Sarkozy, DSK et maintenant Manuel Valls : une fascination pour le pouvoir, que ce soit le pouvoir politique ou économique.

https://www.dailymotion.com/video/x35n5oq

Dans une autre émission de Bernard Rapp à laquelle j’ai collaboré – « Tranche de cake » – je m’amusais à filmer  les intérieurs des domiciles de personnalités invitées sur le plateau de l’émission. Le fabriquant de best sellers Paul-Loup Sulitzer avait très mal pris le fait que je livre à l’antenne le code du système de sécurité de son grand appartement bourgeois qui donnait sur les jardins de Matignon. Il pensait qu’on allait le cambrioler après ce reportage (rires). Bernard Rapp s’est toujours bien comporté avec moi. Avec, les producteurs de « Strip-tease », c’est l’un des rares hommes de TV à m’avoir protégé.

DV: Vous avez aussi travaillé quelque temps à « Canal plus »?

PC: Oui, ça n’a pas duré longtemps. Juste le temps qu’ils censurent un reportage qu’ils m’avaient commandé  (rires). Alain De Greef, le directeur des programmes de l’époque, n’avait pas apprécié « Pas vu à la télé », mon enquête pour « La Journée de la télé » sur la proximité entre certains hommes politiques et responsables de l’information. Il l’a purement et simplement censuré. Lui et son acolyte Pierre Lescure, qui dirige aujourd’hui le festival de Cannes, claironnaient à l’époque que leur chaîne était la plus libre, la plus impertinente.  Canal + continue aujourd’hui d’entretenir cette illusion. C’est du pipeau, bien entendu.

DV: Actuellement, vous habitez dans l’Hérault?

PC: Oui, prés de Montpellier. Je ne suis pas mécontent d’avoir quitté « le marigot » audiovisuel parisien et d’être retourné en province.  A Montpellier, on peut louer des locaux moins chers qu’à Paris, par exemple pour y installer une société de production. Des amis et des techniciens ayant participé à l’aventure de mon premier film « Pas vu pas pris », ou producteurs indépendants, comme Annie Gonzalez et Geneviève Houssay, ont créé C-P Productions en 1998. Quelques années plus tôt, j’avais tourné un documentaire à Montpellier sur Jacques Blanc, à l’époque président du conseil régional de Languedoc-Roussillon. Un drôle de personnage, hyperactif, un véritable drogué de la politique. C’était mon premier contact avec la région. Et C-P Productions est venu s’installer ici au début des années 2000.

Afficher l'image d'origine

Jacques Blanc

Afficher l'image d'origine

Le conseil régional de Languedoc-Roussillon à Montpellier

DV: Et vous êtes sur quoi actuellement?

PC: Je réalise un reportage sur l’omerta de la presse audiovisuelle française à propos de la politique économique et sociale du président équatorien Rafael Correa.  Ça s’appelle « Les ânes ont soif ».  Correa est venu en visite officielle en France en novembre 2013 et personne n’a eu l’idée de l’inviter. Les seuls journaux français qui ont couvert sa venue à l’université de la Sorbonne où il a donné une grande conférence sont « le Monde diplomatique » et… « Le Figaro ». Le journaliste du « Figaro » a raconté à Aurore Van Opstal, qui a fait la plupart des interviews, qu’il était obligé de parler de Rafael Correa en raison de ses incroyables performances économiques. Le taux de chômage de l’Equateur est en effet de 4 % et la dette publique du pays représente aujourd’hui moins de 25 % du PIB, des chiffres meilleurs que l’Allemagne. Pourquoi les Yves Calvi, David Pujadas, Christophe Barbier, Claire Chazal, Laurent Delahousse et cie n’ont pas proposé à Rafael Correa d’expliquer sur leur plateau ses recettes anti-crise ? Probablement parce que ça ne correspondait pas avec le discours pro-austérité et anti-étatiste ambiant…

Autre video que je viens de tourner, avec Nina Faure et Brice Gravelle cette fois-ci : la journée du livre politique à l’Assemblée Nationale en février dernier. A cette occasion, nous avons interpellé Frédéric Mitterrand, Christophe Hondelatte et d’autres journalistes vedettes. On leur a demandé quel était le journal français le plus influent à l’étranger, celui qui avait le plus grand nombre d’éditions étrangères, en nous faisant passer pour un organisme de promotion de la presse française à l’étranger. Nos interlocuteurs ont été surpris d’apprendre que « le Monde diplomatique » était la publication française disposant de plus d’éditions étrangères. Ils se sont retrouvés à faire la publicité pour ce journal à l’insu de leur plein gré (rires). La plupart d’entre eux ce sont prêtés au jeu, alors que normalement, ils détestent ce journal et les idées qu’il véhicule, trop à gauche pour eux.

DV: Vous n’êtes pas à votre coup d’essai de « poil à gratter » journalistique.

PC: Non, ce n’est pas la première fois. Lors du tournage de  « Fin de concession », nous avions repeint en doré le scooter David Pujadas. Il s’agissait de rendre clair le fait que Pujadas se comportait en laquais du pouvoir, notamment lorsqu’il sefait convoquer par Nicolas Sarkozy au palais de l’Elysée pour une interview cire-pompes. Il devrait assumer publiquement ce rôle de laquais du pouvoir et, par conséquent, rouler sur un scooter doré. Il n’y avait rien de gratuit dans cette action, ce n’était pas un happening à la « Rémi Gaillard ». Il s’agissait, par le biais de cette imposture, de rendre visible l’engagement politique de ce journaliste qui se prétend neutre d’une point de vue politique. Maintenant, dans ce registre-là, certains sont allés beaucoup beaucoup plus loin que nous, je pense notamment aux « Yes Men ».

Un ostracisme revendiqué

DV: Et donc vous êtes ostracisé au niveau des médias,  même sur les émissions consacrées aux médias?

PC: Parce que je ne respecte pas les règles non-dites du système. Un journaliste spécialisé dans la critique des médias comme Daniel Schneidermann passe, lui, dans les émissions de télé ou de radio, notamment sur Canal +, parce qu’il respecte la loi du milieu audiovisuel, notamment celle qui consiste à ne pas trop critiquer la puissance invitante ou au moins à se fixer des limites en matière de critique de l’émission qui vous invite. Alors qu’en ce qui me concerne, je ne me sens pas tenu par ces règles tacites. Les gens de télévision sentent probablement cela. Autre chose qu’il faut respecter à la télé : ne pas utiliser de moyens non-orthodoxes, de caméras cachés, de systèmes d’enregistrement de conversations avec les puissants. Si l’on fait cela, c’est plutôt à l’encontre des « petits » ou des « moyens », pas des « gros ». Ceux qui se disent libres, indépendants et impertinents comme « Le petit Journal » de Canal Plus le savent parfaitement. Ils respectent ces règles-là. Ils ont toujours épargné Michel Denisot, l’animateur du « Grand journal », l’émission phare de la chaîne.  Ils n’ont jamais montré que Michel Denisot avait fait de la pub pour la candidature DSK puis pour celle de Hollande, tout en ménageant Sarkozy et même Marine Le Pen, ou bien  que le rédacteur en chef de son émission avait réalisé un publi-reportage pro-DSK honteux avant l’affaire du Sofitel. Et les vrais candidats de gauche, eux, ont été ignorés ou méprisés par Apathie, Denisot et son équipe. Yann Barthès et  son « Petit journal » se sont bien gardés de raconter tout cela. Ça serait intéressant aussi qu’ils indiquent au spectateur leurs salaires astronomiques. Ils risqueraient de se  prendre des tomates dans la figure ou se retrouver enduits de plumes et de goudron, ils ont donc raison de ne pas le faire. Nous, en revanche, nous ne respectons rien, nous ne fixons pas de limites et… pouvons donner nos salaires, proches du SMIC quand ce n’est pas en dessous.

Afficher l'image d'origine

Yann Barthes et le Petit Journal

Dans « Fin de concession », nous nous sommes amusés à rendre visite au directeur du « Figaro » Etienne Mougeotte déguisés en journalistes uruguayens (le fameux « Pedro Carlos », NDLR). Et Mougeotte l’a cru ! Cela montre l’égo de ces journalistes-vedettes. Ils pensent qu’ils sont célèbres, y compris en Amérique Latine où personne bien entendu ne les connait. On peut les piéger avec des ruses aussi minables que celle-là.

De manière plus générale, nous agissons en « kamikaze », en nous en fichant de nous griller avec tous ces grands médias. Passer à la télévision ou à la radio nous importe peu. Ce système médiatique est une des composantes essentielle du système capitaliste que nous combattons. Il faut forcer ces grands médias à révéler leur véritable nature, dévoiler leur fonction première : faire en sorte que rien ne change, perpétuer l’ordre établi, maintenir les relations de dominations dans nos sociétés…

DV: Vous n’êtes plus présent sur les médias dominants, mais vous donnez toujours des interviews pour des blogs ou sites internet…

PC: Oui, je m’exprime plutôt chez les « petits ». Mais mon moyen d’expression, c’est d’abord et avant tout la réalisation de films. Et même si ceux-ci ne passent pas à la télé, il existe toujours un réseau de salles de cinéma indépendantes susceptibles d’accueillir mes réalisations comme « le Concorde » à Nantes, « Le Diagonal » à Montpellier, les Utopia à Avignon, Bordeaux ou Toulouse… En quinze ans, j’ai eu le temps de faire le tour des salles « Art et essai ». Le problème, c’est que tout une partie du public ignore ces lieux : les jeunes, les classes populaires…  Le public de ces salles est plutôt un public de retraités ou de profs lisant « Télérama », des gens comme ça, vous voyez.

Les films du Funambule | Diffusion de courts métrages et documentaires,  soutien à la création et à la production

DV: Certaines personnes ou journalistes considèrent que vous prenez trop la pose de martyr médiatique.

PC: Si vous le dites… Mais je ne crois pas que ce soit le cas. J’ai été objectivement confronté à des actes de censure sur toutes les chaînes ou presque. Dès que l’on exerce le métier de réalisateur de de manière indépendante à la télévision, on est confronté à des réactions brutales. Etienne Mougeotte, l’ancien n° 2 de TF1, m’a traité de « petit merdeux » du  temps de l’émission « Ciel mon mardi ». En même temps, c’est souvent un honneur de se faire traiter de « merdeux » par ces gens-là pour lesquels je n’ai aucune estime, de se faire menacer d’un procès par des gens comme Jean-Michel Apathie, Laurent Joffrin ou Renaud Dély au moment du tournage de « Hollande, DSK, etc. ». Parfois, on va un peu les provoquer un ces responsables de l’information, on cherche à les pousser au procès. Ce fut le cas avec Pujadas et son scooter : on aurait bien voulu aller devant un tribunal expliquer pourquoi, de notre point de vue, le présentateur du JT de 20h00 de France 2 était un laquais du pouvoir. Mais il a senti le piège et n’a pas porté plainte contre nous.

Sur les documentaires

DV: Vous avez réalisé divers documentaires, comment les classeriez-vous?

Ni Vieux Ni Traîtres - [Librairie Publico, spécialisée en livres ...

PC: Certaines personnes considèrent que l’un de mes meilleurs documentaires serait « ni Vieux, ni traîtres », coréalisé avec Georges Minangoy, sur le groupe de lutte armé Action Directe ». Or quand je le revois aujourd’hui,  je suis catastrophé : je ne vois que les défauts, les séquences qui manquent, les erreurs historiques…

Je suis plutôt critique à l’égard de mon boulot mais même avec leurs faiblesses ces documentaires ont le mérite d’apporter un autre son de cloche que le discours ambiant, me semble t-il.

DV: Un de vos reportages les plus radicaux, c’est celui sur « Attention danger travail », voilà un vrai documentaire « alter ».

Attention danger travail - film 2003 - AlloCiné

PC: Avec Christophe Coello et Stéphane Goxe, nous avont été parmi les premiers à interviewer des « déserteurs du marché du travail », des personnes habituellement invisibles dans les granss médias. Le documentaire a surpris les spectateurs, car on se demandait d’où  sortaient ces gens-là. C’est sûr que ce ne sont pas les chaînes de télévision qui vont raconter ce genre de choses. Pour elles, il est impensable qu’un chômeur ne puisse pas accepter n’importe quel boulot pour pouvoir consommer et ainsi trouver les moyens d’être heureux. Car c’est cela le discours dominant :  le bonheur passe par la consommation ou la surconsommation et donc le travail salarié, quel que soit sa nature. C’est sûr que l’on est dans une société où la valeur travail est très importante, est centrale même, mais on devrait admettre aussi que certains ne veuillent pas adhérer à ce système de valeur. Notre boulot, c’est de donner la parole à ces minoritaires, à ces hérétiques, à ces irrécupérables…

DV: Lequel de vos documentaires a le plus marché en terme d’entrées?

PC: « Pas vu, pas pris » qui a fait près de 170 000 entrées. Le deuxième en terme d’entrées c’est « La sociologie est un sport de combat » avec 100 000 entrées, un score remarquable pour un documentaire plutôt austère, pas très rigolo. Le troisième c’est « Attention danger travail » avec 75 000 entrées.

DV: Avez-vous fait des progrès sur le plan réalisation?

PC: Oui, je crois, en terme de montage notamment, ou même sur le plan narratif. Entre « Pas vu, pas pris » (1998) et « Fin de concession » (2010), il y a un sacrée différence. « Fin de concession » était plus désenchanté, moins jubilatoire  que « Pas vu, pas pris » mais beaucoup plus intéressant du point de vue de la réalisation, plus «  expérimental », disons. Le scénario initial a pris des directions inattendues et en raison de la manière dont la productrice Annie  Gonzalez conçoit la production d’un film. Nous avons pu intégrer certaines péripéties de tournage alors que ce n’était pas prévu initialement. C’est le cas par exemple de la séquence avec Jean-Marie Cavada où ce dernier arrive à retourner à son profit l’entretien dont il aurait dû sortir ridiculisé. Avec Bernard Sasia, l’un des monteurs, et Annie Gonzalez, on a regardé les rushes et on s’est dit que ce serait intéressant que mon personnage incarne plutôt l’échec ou le doute dans ce film. Il finit par se poser un certain nombre de questions sur l’efficacité de son travail de contestataire et sur les limites de l’action individuelle, ce qui ne m’empêche pas de repartir à l’attaque mais à plusieurs cette fois-ci. Ce « Carlos Pedro » montrait une certaine impuissance alors qu’au même moment des millions de  personnes défilaient dans la rue contre la réforme des retraites sans rien obtenir du gouvernement. La « fiction » rejoignait d’une certaine manière la réalité. Mais on ne peut faire cela qu’à condition de s’inscrire dans une démarche artisanale, ce qui exclue de travailler pour la télévision qui privilégie, elle, des scénarios pré-établis.

DV: Vous avez des retours par rapport à vos documentaires?

PC: Vous voulez parler des gens à qui l’on s’en prend ? L’avocat de Charles Villeneuve nous avait interdit d’utiliser des images de son client dans « Fin de concession ». On a filmé le moment où l’on lisait cette lettre d’avocat, un courrier qui nous faisait plutôt rire, et on a gardé cette séquence dans le film. C’était une manière de leur dire « même pas peur ! ». En revanche, ces gens de télévision doivent avoir, eux, un peu peur de nos films puisqu’aucun d’entre eux n’est passé sur le petit écran en France. Sept longs-métrages sortis en salles non diffusés à la télévision, c’est un cas unique je crois ces dernières années.

DV: Et avec « Choron dernière », vous vous attaquez frontalement à Philippe Val.

PC : Philippe Val, on s’est vite aperçu que c’était quelqu’un d’autoritaire et sûrement pas de libertaire, à l’inverse de ce qu’il faisait croire jusque là, notamment dans le duo Font & Val. C’était quelqu’un qui ne supportait pas la contradiction en tant que rédacteur en chef de « Charlie ». Il était aussi grandiloquent et pontifiant que BHL, un personnage aurait été la risée du « Charlie hebdo » 1ère période, celui des fondateurs. Bref, il avait trahi l’esprit «  Charlie hebdo » en y introduisant un discours de curé insupportable, tout le préchi précha que l’on retrouve chez les socialistes de droite actuellement au pouvoir. Ce documentaire réalisé avec Eric Martin se voulait d’abord un hommage au professeur Choron. Il montrait la grandeur et le panache de Choron, y compris vers la fin de sa vie, face à la petitesse des dirigeants du nouveau « Charlie-Hebdo ». A l’époque de  Choron et Cavanna, les rédacteurs et les dessinateurs de « Charlie-Hebdo » ne s’auto-censuraient pas. Choron leur disait  « allez-y, foncez, ne vous bridez pas, je vous couvre en cas de procès ». C’est pour cela que Choron a fini ruiné à la fin de sa vie.

DV: Dans « Les nouveaux chiens de garde », le documentaire montre comme vous les relations incestueuses entre journalistes et hommes de pouvoir, comme pour le « dîner du Siècle ».

Les nouveaux chiens de garde - YouTube

PC: Ils ont tourné avant nous mais leur film est sorti après le nôtre. Dans « Fin de concession », nous manifestions devant le « dîner du Siècle » pour que les journalistes « retenus en otage »  soient relâchés. D’où les slogans comme « Libérez Arlette Chabot ! ». On essayait de faire passer l’idée que les journalistes qui fréquentaient le « dîner du Siècle », les Pujadas, Field, Chain et cie, avait été contaminés par les idées néo-libérales omniprésentes dans ce cercle, avaient subi un lavage de cerveau, et il fallait les empêcher de propager ces idées néfastes à l’ensemble de la population française. Voilà pourquoi nous voulions les empêcher d’entrer, les « libérer ». Pour les aider, pour les décontaminer. Inutile de vous dire que ça ne les faisait pas rire du tout. Ils nous ont d’ailleurs envoyé les CRS et ça a failli mal se terminer.

DV: Dans « Fin de concession », vous revenez sur les conditions de la privatisation de TF1 en 1987. Certaines images font froid dans le dos à postériori.

PC: En 2010, Arnaud Montebourg présentait comme une grave erreur cette privatisation de la 1° chaîne française. On va voir si, à présent qu’il est pouvoir, il propose la nationalisation de TF1 ou, au moins, le non-renouvellement de la concession de TF1. Le réseau hertzien appartient à l’Etat et l’on peut fermer une chaîne ou la réattribuer, ça s’est déjà fait. La meilleure solution ce serait de fermer toutes celles qui propagent la même vision du monde, non ? Il n’en resterait que deux ou trois et ce ne serait pas plus mal.  C’est seulement à partir de ce moment-là que l’on pourra peut-être créer de vrai médias alternatifs, adoptant des points de vue anti-libéraux, marxistes, anti-productivistes, décroissants…

L’autoproduction

DV: Sur le plan de la formation initiale, vous avez fait l’école de journalisme de Bordeaux ; à l’époque, c’était Pierre Christin le directeur?

Afficher l'image d'origine

Photo de DARGAUD Edition

PC: Oui, il dirigeait l’école de journalisme et y enseignait. Je suis passé par cette école à la fin des années 1980, après avoir fait une formation d’animateur socio-culturel, en même temps que Gilles Balbastre, le futur réalisateur des « Nouveaux chiens de garde ».  Cette école de journalisme ouvrait son recrutement à des profils un peu atypiques, comme le mien. Ça m’a permis de me former à la caméra et au montage, d’acquérir ma carte de journalisme et d’intégrer en franc-tireur la télévision.

DV: On vous demande pour des conférences?

PC: Quelque fois. L’an dernier j’ai été invité par l’IUT de journalisme de Tours, mais plutôt à la demande des élèves que de la direction. L’école de journalisme de Bordeaux m’a aussi fait venir une fois, il y a longtemps. Je ne suis pas vraiment le bienvenu là-bas. Les écoles des Beaux-arts de Grenoble, de Lyon et de Perpignan m’ont aussi fait intervenir ces dernières années.

DV: Dans le prolongement de vos documentaires, vous écrivez des livres ou des articles?

PC: Des livres non, des articles parfois. Mon travail est avant tout de nature audiovisuel. On aura prochainement une bonne vue d’ensemble de ce travail grâce au site internet <www.pierrecarles.org> en chantier. C’est Alexandre Borrut, un militant de l’ « internet libre », qui est  à l’initiative de ce projet.

DV: Vous êtes dans l’autoproduction? Vous avez un site qui vend vos propres DVD?

PC:  Certaines de mes réalisations sont des autoproductions mais la plupart d’entre elles ont produites par Annie Gonzalez et C-P Productions (cf lien http://www.cp-productions.fr/).  C-P ne produit pas seulement mes documentaires mais également ceux d’autres réalisateurs. C’est le cas de « Squat, la ville est à nous » de Christophe Coello ou « André et les martiens » de Philippe Lespinasse. On édite aussi en dvd les documentaires de Gilles Perret (« De mémoire d’ouvriers », « Les jours heureux »), d’Elvira Diaz. On ne roule pas sur l’or mais on reste indépendant et cela n’a pas de prix.

media

 Propos recueillis par Dominique Vergnes
Vidéos reprises de You Tube, Dailymotion et C-P Productions

Les comédies à la française

Voilà un livre (« Les comédies à la française », éd. Fetjaine, 2011) qui nous fait la liste des principales comédies françaises des années 1950 à nos jours. Spécificité bien française qui fut et est toujours grosse pourvoyeuse d’entrées, générant de gros blockbusters comme « La grande vadrouille » ou la série des Charlots.

Dans cet ouvrage, les deux auteurs (Christophe Geudin et Jérémie Imbert) revisitent les répliques cultes des comédies françaises, cela va des films de Jacques Tati, George Lautner, Claude Zidi ou Gérard Oury.

Résultat de recherche d'images pour "livre les comedies à la francaise"

Travail de compilation étourdissant avec affiches de film de l’époque, nombre d’entrées et anecdotes de tournage.

Afficher l'image d'origine

Livre passionnant et dictionnaire amoureux pour un genre souvent méprisé mais gros pourvoyeur d’entrées des années 1950 à nos jours, n’oublions pas que certains films avec Louis de Funès ont allègrement et systématiquement dépassé les 5 millions de spectateurs que ce soit « le petit baigneur », « Oscar », « Fantômas » ou la série des « gendarmes à Saint-Tropez »

.Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine

Livre qui est donc un recueil de ces comédies mais aussi de ces réalisateurs, ces « faiseurs » (selon la Nouvelle Vague) comme Jean Girault, Robert Dhéry, Philippe de Broca ou André Hunebelle. Livre parsemé d’anecdotes et de citations de tournage (notamment des interviews de Pierre Richard ou de Jean-Marie Poiré). Les deux auteurs s’intéressant d’abord aux comédies à succès les plus pourvoyeuses d’entrées et sociologiquement les plus intéressantes. Exemple de film-culte comme « le Père Noël est une ordure », « Les Bronzés » ou les films de Chatiliez comme « la vie est un long fleuve tranquille » ou « Tanguy » (titres de film qui deviennent expression courante de la langue française).

Afficher l'image d'origine

Film-culte avec surtout des répliques cultes à savoir : « je ne vous jette pas la pierre, Pierre », « c’est fin, c’est très fin, ça se mange sans faim » (« Le Père Noël est une ordure »(1981)) ; « je peux vous offrir un petit cigare », « pourquoi petit ? » (« Les Ripoux »(1984) ; « un barbu c’est un barbu ; trois barbus c’est des barbouzes ! »(« Les Barbouzes », 1964).

Livre qui montre aussi l’évolution du rire à travers les époques et les périodes. D’un genre plutôt sous-estimé et méprisé, on va vers des comédies à gros budget pour effectivement toucher un maximum de gens dans les années 1990 ; cas flagrant de Jean-Marie Poiré qui se lancera, à partir des années 1990, dans la série des « Visiteurs » après l’échec (plutôt injuste d’ailleurs) de « mes meilleurs copains » (1989)). Pour lui, il fallait vraiment faire du box-office et en finir avec les comédies sociologiques lourdaudes comme « les hommes préfèrent les grosses »(1981) ou « les petits câlins »(1977).

Ces comédies ont ainsi révélé de véritables auteurs de génie comme Michel Audiard, Francis Véber, Martin Lamotte, Pierre Tchernia ou même Jean Poiret (un film comme « la gueule de l’autre »(1979) est un sommet de drôlerie et de finesse d’écriture).

Comédies à la française qui ont aussi généré de véritables stars comme Pierre Richard, Michel Galabru, Louis de Funès, Bourvil, Fernandel mais aussi plus récemment Gérard Depardieu, Francis Perrin, Coluche ou Daniel Auteuil première époque (avec la série des « Sous-Doués » ou les films de Lauzier). Ainsi, certains films ne se faisaient que sur les noms de ces vedettes ou duos de stars (Pierre Richard-Gérard Depardieu, Bourvil-Louis De Funès, Noiret-Lhermitte, Jean Réno-Christian Clavier…).

En tournage, Gérard Depardieu pousse un coup de gueule, Pierre Richard  raconte

Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine

Pour finir, ce livre montre aussi qu’à partir des années 1990, les sources et les auteurs comiques se diversifient ; finie la grande époque du café-théâtre avec l’équipe du Splendid dans les années 1970, voilà des auteurs comme Alain Chabat ou les Inconnus venus directement de la télévision, profitant du soutien de chaînes puissantes comme Canal Plus ou TF1.

Résultat de recherche d'images pour "la cité de la peur-film"

Souffrance en France: les films sur le monde du travail (1).

Certains films français nous montrent bien les différentes formes de souffrance au travail. En effet, pour bon nombre de médecins (généralistes ou du travail), il arrive que les tensions au travail deviennent tellement insupportables qu’elles aboutissent à de réels problèmes psychiques, de stress, de découragement, de crise et de conflit pour aboutir à des passages à l’acte traumatisants (accidents ou suicides) et détruisent peu à peu la personne dans son entité et son statut personnel.

Afficher l'image d'origine

La sortie le 5 octobre du film de Jean-Marc Moutout « De bon matin » avec l’excellent Jean-Pierre Darroussin nous montre bien ce passage à l’acte d’un chargé d’affaires dans une banque qui décide de se venger des malversations de ces supérieurs. Film impressionnant mais qui en rappelle beaucoup d’autres. Petit tour d’horizon (subjectif et incomplet) donc des films français liés au monde du travail et à ses souffrances :

Le monde du travail inréformable ? Penchons-nous d’abord sur « Ressources humaines » (2000) de Laurent Cantet. Film à thèse sur deux mondes irréconciliables. Le pitch : Franck (Jalil Lespert), tout juste sorti d’école de commerce, fait son stage à l’intérieur d’une PME de sa région natale la Normandie, à la direction des ressources humaines. Entreprise où travaille son père comme ouvrier spécialisé depuis 30 ans.

Le Franck est ainsi chargé de mettre en place la modulation du temps de travail dans cette entreprise suite à la loi relative aux 35 heures. Il décide, pour cela, d’interroger directement les ouvriers de l’usine, dont son père, très fier de son savoir-faire d’ouvrier spécialisé et de sa machine plus précisément. Le Franck pense ainsi qu’il peut faire la liaison sans problème entre cadres/ouvriers, mais doit peu à peu tomber de haut lorsqu’il se rend compte que son enquête ne sert que de paravent pour un plan de licenciement à grande échelle. Le film se veut très pessimiste sur le sort des ouvriers, des vieux ouvriers spécialisés notamment (le père va peu à peu découvrir que son fils a honte de lui et de son statut). Opposition père/fils, ouvrier/cadre, jeune génération/vieille génération pour une description très noire du monde de l’entreprise.

Autre description très pessimiste du même cinéaste : « L’emploi du temps »(2001) de Laurent Cantet. Le film part du fait divers lié à l’affaire Jean-Claude Romand, ce faux médecin qui a fait croire à ses proches, à ses enfants, à sa maîtresse qu’il travaillait pour une instance médicale de l’OMS. Film qui rejoint celui de Nicole Garcia « L’adversaire »(2001), tiré du même fait divers mais plus centré sur le caractère tragique de celui-ci.

Afficher l'image d'origine

Pour ces deux films, les problématiques présentes sont les mêmes : la place du travail dans la vie d’un homme, son statut afférent et les supposées obligations ou privilèges adjoints. Comme l’écrivait déjà la romancière Annie Ernaux, l’important c’est « la place » et la position liée ou supposée dans la société (elle prenait comme exemple dans son roman ses parents et surtout son père, tenancier de bar ; le choc des cultures entre elle, enseignante et romancière, et ses parents). Les deux personnages principaux de ces deux films s’inventent donc un métier, un emploi du temps imaginaire, un statut ; imaginaire qui aura des conséquences sur la vie familiale, amoureuse jusqu’à la tragédie finale.

Deux films passionnants pour passer à un autre stade de la représentation supposée du travail ; en effet, lorsque le travail est invisible, opaque, tertiarisée ; comment traduire une position sociale occupée ou les rapports au quotidien avec ses proches, ses parents ou ses amis. Il faut bien comprendre que pour bon nombre de personnes (les seniors ?), le vrai travail est celui sur lequel « on peine, on gagne son pain à la sueur de son front » ; ce qu’appelait le sociologue américain Alvin Toffler avec humour la culture « métallo-macho » et pour lui, il faut dépasser ces schémas de pensée et bien comprendre que nous sommes dans un monde du travail principalement lié aux services et aux nouvelles technologies donc les tâches au travail ne sont pas les mêmes et la pénibilité aussi ; il prend souvent comme exemple le poste si primordial d’une standardiste qui fait ainsi passer les divers appels et fait circuler l’information dans les services ou structures de son lieu de travail ; elle occupe ainsi une place centrale dans l’organisation et la répartition même du travail.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18650244&cfilm=20496.html

Aliénation donc dans le travail pour nos sociétés postmodernes, postindustrielles (post je sais pas quoi d’ailleurs…) dans le film « extension du domaine de la lutte »(1999) de Philippe Harel. Dans la logique houellebecquienne du film et du roman, non seulement le travail, le salariat sont anxiogènes en soi mais ils ont aussi un impact très lourd sur la vie intime et la sexualité des gens. Pour lui, le libéralisme, idéologie insidieuse qui accompagne le capitalisme, affecte non seulement le monde du travail mais aussi l’intime, la vie sexuelle. Toujours selon lui, il existerait ainsi des exclus du vaste marché sexuel, mais aussi des gagnants, tout comme dans le monde néo-libéral avec ses riches et ses pauvres. Extrait prenant du livre de Michel Houellebecq :

Extension du domaine de la lutte - film 1999 - AlloCiné

« Dans un système économique où le licenciement est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver sa place. Dans un système sexuel où l’adultère est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver son compagnon de lit. En système économique parfaitement libéral, certains accumulent des fortunes considérables ; d’autres croupissent dans le chômage et la misère. En système sexuel parfaitement libéral, certains ont une vie érotique variée et excitante ; d’autres sont réduits à la masturbation et la solitude. Le libéralisme économique, c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. De même, le libéralisme sexuel, c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. Sur le plan économique, Raphaël Tisserand appartient au camp des vainqueurs ; sur le plan sexuel, à celui des vaincus. Certains gagnent sur les deux tableaux ; d’autres perdent sur les deux. »

Souffrance néolibérale tellement délirante qu’elle engendre des passages à l’acte brutaux, comme le film de Costa-Gavras « Le couperet »(2004). Film adapté du romancier américain Donald Westlake, « le couperet » nous narre le parcours d’un cadre supérieur licencié d’une usine de papier pour cause de délocalisation après 15 ans de bons et loyaux services, et qui est prêt à toutes les extrémités pour retrouver du travail dans son secteur.

Cadre interprété avec folie et déraison par José Garcia qui se transformera peu à peu en sérial killer pour arriver à ses fins (éliminer ses concurrents directs sur le poste qu’il convoite). Film qui se veut une satire grotesque du monde du capitalisme et de la sauvagerie néo-libérale ; le film demeure trop outrancier et caricatural dans sa démarche (comme trop souvent chez Costa-Gavras). Le propos et la thèse du film sont louables, mais le film penche trop vers le grotesque et la farce (notamment dans les meurtres par leurs gestes saccadés et répétés) pour être véritablement crédible, au contraire du film de Philippe Harel (qui montre l’aliénation en soi par le contexte même du film).

Grand moment ainsi dans le film « extension du domaine de la lutte » où les deux héros (José Garcia et Philippe Harel), consultants en informatique, se rendent en province pour former des employés de la Chambre d’Agriculture à La Roche-sur-Yon (Formation qui ne servira à rien d’ailleurs). Ville considérée dans le film comme « le trou-du-cul du monde », ville impersonnelle (on filme pour cela les bâtiments cubiques de la Courtaisière) où l’on ne peut rien faire le soir (il vaut mieux donc aller aux Sables-d’Olonne pour se rendre en boîte et espérer « tirer son coup »(véridique !!)). Ah la vie trépidante des cadres !!

BATIMENTS de la Courtaisiere à la Roche-sur-Yon:

Résultat de recherche d'images pour "batiments de la courtaisiere"

Résultat de recherche d'images pour "Allée de la Courtaisière, La Roche-sur-Yon"

Le monde du travail et le salariat marquent donc les statuts des personnes et des travailleurs : il peut sous-entendre le respect du travail bien fait, l’acquisition d’un savoir-faire et le volet entraînant de tout manager ou direction.

Le monde du travail ce ne sont pas seulement des luttes sociales, des gens qui se détestent mais aussi des personnes qui ont choisi leur boulot et qui s’y épanouissent pour un projet commun. On peut le voir, par exemple, dans un film pas très connu de Pierre Granier-Defferre « Une étrange affaire »(1981), où Michel Piccoli (Bertrand Malair) joue avec délectation un nouveau PDG d’un grand magasin de détails, du type « La Samaritaine ». Il arrive avec son staff, dont le génial Jean-Pierre Kalfon, réorganise l’organigramme de l’entreprise, rencontre les chefs de service, repère les « bras cassés » ou les employés à modeler, dont le jeune Gérard Lanvin (Louis Coline) issu du service publicitaire.

Afficher l'image d'origine

Le Gérard Lanvin, tout d’abord intrigué par ce nouveau patron, va être peu à peu « boosté » par celui-ci au détriment de sa vie personnelle (il est en couple avec Nathalie Baye). Il sera ainsi plus ou moins « obligé » de quitter sa copine, d’installer ses affaires chez son nouveau boss, de laisser tomber ses anciens copains (trop ringards !) et connaissances pour s’occuper à plein temps de son boulot et d’être au service de son boss machiavélique (fabuleux Michel Piccoli), ambigu à souhait, qui appelle sa garde rapprochée « ses enfants » et n’hésite pas à s’installer pour dormir chez Gérard Lanvin : « tu comprends, Louis à l’hôtel, on ne se sent pas chez soi ». Film sur la fascination d’un PDG, son aura et son magnétisme, jusqu’à la folie. Film ambigu sur des gens faciles à influencer ou à modeler (victime consentante ?) ; film tiré du livre de Jean-Marc Roberts « Affaires étrangères », éd. du Seuil. Bon, dans ce film, le harcèlement est plutôt feutré et basé autour de « cols blancs » ; voyons des cas où les pressions se font plus directes.

Fascination et malaise jusqu’à la violence sourde et le harcèlement moral dans l’étonnant « Trois huit »(2001) de Philippe Le Guay. Film sombre, véritablement centré sur le harcèlement moral. Le pitch : dans une usine de fabrication de verre, Pierre (Gérald Laroche) est ouvrier à la vie bien réglée entre son travail, sa femme et son fils. Il décide de travailler la nuit et intègre l’équipe de nuit (comportant en son sein un certain Fred, le génial Marc Barbé). Fred repère très vite le nouveau, prétend d’abord qu’il est son ami mais en fait d’abord son souffre douleur et ne rate pas une occasion pour le brimer ou le ridiculiser (« Ici les mecs qui n’ont pas de couilles, on les bousille », « je vais vraiment te faire chier »).

Résultat de recherche d'images pour "trois huit film"

Harcèlement jusqu’à la fascination, relation amour-haine qui va peu-à-peu toucher aussi la famille de Pierre, dont son fils qui cherchera à ressembler au dit Fred. Film sur la perversité de personnes à l’amoralisme prononcé et revendiqué (ce qui met à mal les soi-disantes solidarités ouvrières ou de classe).
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18652872&cfilm=29372.html

Pour une autre lecture « du silence des agneaux »

Rappelons l’année 1991 et la sortie en France du « Silence des agneaux » de Jonathan Demme, tiré du roman éponyme de Thomas Harris paru en 1988. Le succès-surprise du film aux USA et en Europe a mis en relief un thriller assez fidèle au roman. Succès critique et public du film dont les Oscars en 1992 sont venus récompensés la maestria (Oscar de la meilleure actrice pour Jodie Foster, meilleur acteur pour Anthony Hokins, meilleur réalisateur et film pour Jonathan Demme et scénario pour Ted Tally). Le succès du film peut s’analyser de plusieurs manières :

 Ainsi, tout d’abord, la qualité des romans de Thomas Harris qui s’est basé sur les histoires vraies et la description de plusieurs sérial killers très célèbres aux Etats-Unis comme Ted Bundy ou Gary Heidnik pour décrire et mettre en forme un tueur composite de ces personnages (un tueur homosexuel qui cherche par tous les moyens à changer de sexe).

Autre figure récurrente de cette tétralogie, le psychiatre cannibale Hannibal Lecter, véritable démiurge, enfermé depuis 8 ans dans un hôpital psychiatrique à Baltimore sous la tutelle non-bienveillante du bon docteur Chilton.

Afficher l'image d'origine

Clarice Sterling, agent-stagiaire du FBI, jouée par la fragile (ou non ?) Jodie Foster représente une étudiante typique en formation, qui aura affaire à bien plus forte et malin qu’elle (Hannibal Lecter et le sérial killer Buffalo Bill) et un chef de service au FBI Jack Crawford qui saura la guider (voire la manipuler ?) dans cette enquête tortueuse, révélatrice de ses traumas enfantins (le fameux silence des agneaux) et propice aux découvertes les plus noires et macabres de l’âme humaine ( symbolisées à la fin par le puits et la cave où sont retenues les victimes du sérial killer Buffalo Bill).

Résultat de recherche d'images pour "le silence des agneaux film"

Tout le film est ainsi composé de figures dichotomiques : hommes-femmes, criminels-policiers, malades-infirmiers, mal-bien, déviance-ordre.En outre, l’enquête est menée tambour battant dans des lieux improbables des USA, souvent des lieux paumés comme la ville de Belvédère dans l’Ohio avec des rednecks très conservateurs. Le film montre ainsi une autre Amérique (l’Amérique profonde des farmers et des petites gens des zones rurales). Hannibal Lecter joue ainsi la face cachée du mal absolu, sorte de Pygmalion diabolique de Clarice Starling, l’autre versant étant la figure du bien symbolisée par son chef de service Jack Crawford ; deux figures symboliques, deux versants opposés d’une même face. L’enjeu de cette enquête : retrouver grâce à l’aide de Hannibal Lecter la fille du sénateur Martin enlevée par le sérial killer (sérial killer qui fut anciennement un patient de Hannibal Lecter).

Trouver cette fille c’est ainsi neutraliser le sérial killer et retrouver une situation normale, apaisée et socialisée. Le film fait aussi le tour d’horizon des déviances (?) sexuelles (homosexualité, transsexualité…), le personnage du sérial-killer se sert de la peau de ses victimes pour en faire un manteau humain (afin de faciliter sa transformation en femme). Déviance condamnée par le moralisme de la fin du film (sérial killer neutralisé avec en arrière-fonds un petit drapeau américain). Beaucoup de critiques à l’époque ont salué la prestation et la photogénie de Jodie Foster, elle représente l’innocence dans un monde en perdition. On peut y voir aussi un règlement de comptes avec son passé et l’affaire liée à la tentative d’assassinat sur le Président Reagan en 1981 par John Hinckley qui vénérait le film « Taxi driver » et adulait (à la folie ?) précisément le personnage joué par Jodie Foster. Par ce rôle, Jodie Foster exorcisait son passé ou utilisait ce passé, sa réputation plus ou moins sulfureuse au service du film et de sa symbolique. Ce film peut se comprendre aussi comme une longue analyse (et guérison) du personnage et de ses traumatismes enfantins.

Ce film est habile, bien plus profond qu’il en a l’air et utilise des figures mythologiques, symboliques américaines bien réelles (la recherche de l’innocence perdue, le puritanisme américain ou la figure du Père…). A l’époque, la mode des livres était aussi aux sérial killers américains (avec des films aussi horrifiques que « Henry portrait of a serial killer »(1986) de John Mac-Naughton). Il est toujours étonnant de constater comment les Etats-Unis sont toujours fascinés par leurs bandits, leurs gangsters (n’oublions pas le mot de Godard, « les USA : un pays qui n’a pas d’histoire, la preuve : ils n’ont pas de nom »), comme s’ils faisaient partie intrinsèquement de leur mythologie, de la construction de leur Nation.

Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine

Master Class avec Michel Ciment

Michel Ciment nous a accordé humblement une interview dans le cadre du festival Premiers Plans d’Angers en janvier 2013. Pour la rétrospective John Boorman, Michel Ciment venait donner une master class sur ce cinéaste, avec extraits de films à la clef et commentaires éclairés de John Boorman lui-même. Grand succès auprès du jeune public scolaire et des cinéphiles avides de connaissances. Pour preuve, la mini-émeute dans le grand hall de la cité des Congrès causée par sa séance de dédicaces Michel Ciment avec John Boorman.

Voilà donc the master pour une interview sans faux-fuyant et toujours pleine d’allant d’un maître de 74 ans.

Afficher l'image d'origine

 Dans quel cadre intervenez-vous pour le festival Premiers Plans d’Angers ?

Résultat de recherche d'images pour "festival premiers plans"

Michel Ciment : C’est le directeur du festival d’Angers qui m’avait demandé d’intervenir pour ce festival à Cannes, sachant que j’avais déjà écrit un livre sur John Boorman.

Vous intervenez aussi dans le cadre des 60 ans de Positif. Revue créée en 1952 à Lyon, qui se définissait, à l’origine, comme provinciale et beaucoup moins parisianiste que Les Cahiers.

M.C : En effet, son créateur Bernard Chardère constatait pour l’époque que le cinéma n’était pas considéré comme un art majeur ou sérieux ; on parlait d’ailleurs de vieux films en termes péjoratifs. On ne dit pas, par exemple, un vieux tableau de Velasquez ou une vieille symphonie de Mozart. Bernard Chardère et ses amis voulaient donc mettre à l’honneur les films et le cinéma au même niveau que les autres arts. On a été ainsi les premiers à faire un dossier sur Jean Vigo (avec des correspondances ou des témoignages) ou à saluer de nouveaux cinéastes comme John Huston ou Jerry Lewis.Positif a été donc précurseur dans beaucoup de domaines cinématographiques.

Peut-on dire que Positif se porte bien actuellement, comme revue papier ?

Positif n°725 & 726 Tome 725 - broché - Collectif - Achat Livre | fnac

M.C : Oui. On ne peut pas comparer cela avec les tirages d’il y a 30 ou 40 ans. On tirait alors seulement à 3000 exemplaires. Depuis un an, depuis que Acte Sud et l’Institut Lumière ont repris la revue, on tire à plus de 10 000 exemplaires.

Et cela met donc à mal l’idée que les revues papier cinéma sont vouées à disparaître face aux critiques et sites Internet.

M.C : Oui, je crois que l’on va vers deux phénomènes. D’un côté des critiques ciné liées à des news-magazine ou des sites web — critiques faites à la va-vite, sans véritable réflexion critique. De l’autre, des revues beaucoup plus spécialisées qui proposent des dossiers plus thématiques, très pointus et que l’on ne retrouve pas sur Internet. Par exemple, dans Positif, on a fait 26 pages sur l’Opéra au cinéma ou alors le cinéma de René Clément ou même le cinéma muet américain des années 1920.

Afficher l'image d'origine

Pour en revenir aux 60 ans de Positif, vous étiez finalement présent partout en France.

M.C : On était partout en effet. On était à des festivals comme Amiens, à Arras, à Annecy, à Montpellier, à La Rochelle. On a été à San Paolo au Brésil, à New York, à Brooklyn (à l’académie de musique), à la Cinémathèque suisse de Lausanne, à la Cinémathèque d’Athènes, au festival de Turin, à la Cinémathèque belge de Bruxelles, à la villa Médicis à Rome, à Barcelone. Revue qui est aussi très connue aux États-Unis.

Même aux États-Unis ?

M.C : Absolument. La revue est connue de beaucoup de gens, des metteurs en scène, des directeurs de théâtre, de cinémathèque ; ils sont abonnés. Même s’ils ne comprennent pas le français, ils la regardent, regardent les sommaires et apprécient les images.

J’ai remarqué que ce qui faisait l’originalité et la spécificité première de Positif, c’est qu’il n’y avait pas de rédacteur en chef, c’est vraiment la collectivité qui décide.

M.C : Absolument, on se réunit tous les dimanches après-midi depuis 60 ans, car les rédacteurs sont bénévoles ; les gens travaillant la semaine, on ne peut pas faire de réunion avant. En semaine, il y a aussi des séances, des projections le soir, donc on n’a pas trouvé mieux que de se réunir le dimanche et toutes les décisions sont prises collégialement. On discute des films, on organise des projections pour nous, on recommande tel opéra, on décide de tel ou tel article sur tel film.

On connait l’opposition historique entre Les Cahiers du cinéma et Positif. Vous auriez dit lors d’une interview, que Les Cahiers engendraient des auteurs et Positif plutôt des écrivains, vous confirmez ?

M.C : Oui, c’est vrai, Positif n’a pas engendré beaucoup de cinéastes. Il y a eu Ado Kyrou qui a réalisé deux films.

Et Bertrand Tavernier ?

Complices. Bertrand Tavernier (a droite), realisateur, avec ses acteurs Harvey Keitel et Romy Schneider et Bertrand Tavernier, sur le tournage de La Mort en direct (1980).

M.C : Bertrand Tavernier était d’abord attaché de presse, il a beaucoup écrit à Positif, mais pas exclusivement. Il a aussi écrit à Présence du cinéma, aux Cahiers du Cinéma. Bertrand Tavernier a réussi à rentrer dans toutes les rédactions de l’époque et ainsi défendre les cinéastes, les films qu’il préférait. C’est vrai qu’à Positif, nous avons eu des rédacteurs de talent, de futurs écrivains, de futurs poètes aussi. Je peux citer des gens comme Emmanuel Carrère, Patrick Rambaud, Gérard Legrand ou même Frédéric Vitoux, membre de l’Académie française…

Ce qui fait aussi la richesse de Positif, c’est que vous n’avez pas été dans les dérives négatives des Cahiers, à travers l’histoire, que ce soit le structuralisme ou le maoïsme des années 1970.

Afficher l'image d'origine

M.C : Ce qui se passe, c’est que Positif a toujours réagi à la notion de plaisir. Les films qui nous donnent du plaisir, on va écrire dessus. Nous réagissons d’abord à des films et à leurs propos. On écrit sur des films par plaisir. Or, il n’y a aucun plaisir à faire de la sémiologie ou du structuralisme. On est passé par toutes les modes (idéologiques ou politiques) et Positif a su dépasser cela. On a, par exemple, défendu le cinéma américain du début des années 1970, alors que le cinéma américain, à l’époque, était ostracisé du fait que les USA faisaient la guerre au Vietnam. Alors que bon nombre de cinéastes américains n’avaient rien à voir avec cette guerre. Je pense à Coppola, Scorsese ou Robert Altman. Ils étaient même très critiques vis-à-vis de cette guerre.

Il y avait chez les Cahiers de l’époque l’idée que le cinéma américain était d’abord un cinéma impérialiste.

M.C : Pas du tout, le grand cinéma américain n’est pas du tout impérialiste. Nashville d’Altman ou La Ballade Sauvage de Terrence Malick sont d’abord des films critiques sur les USA, ils critiquent la CIA, le machisme américain, le comportement à l’égard des Noirs, l’esclavage… Il est impérialiste peut-être, car il est joué dans beaucoup de salles à travers le monde ; le cinéma russe se voulait impérialiste aussi, mais personne n’allait voir ce type de films dans les salles des pays de l’Est, car ils étaient foncièrement mauvais.

Ce que l’on peut dire aussi sur Positif, c’est que la revue a su diversifier ses supports papier avec la publication de livres d’entretien avec les auteurs, des documentaires ou des collections de films.

Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine

M.C : On a fait effectivement publier des anthologies de textes parus dans Positif et des livres d’entretien.

Ce que j’aime aussi dans cette revue, c’est que vous n’avez jamais ostracisé des cinéastes ou oublié des cinéastes « au creux de la vague » ou ne pouvant pas tourner. J’aimerais revenir sur l’accueil critique de vos livres cinéma ; êtes-vous surpris par cet accueil ?

M.C : Je n’ai pas eu à me plaindre ; j’ai toujours eu un très bon accueil des médias. Je n’ai pas eu d’attaque directe sur mes livres sur Rosi, Kazan ou Kubrick. Au contraire, j’ai polémiqué avec les critiques, ce que j’appelais « le triangle des Bermudes » c’est-à-dire Les Inrocks, Le Monde et Libération, une sorte de doxa, de « prêt-à-penser » de l’époque. C’est plutôt moi qui ai engagé le fer, on n’a pas engagé tellement le fer contre moi.

Les Inrockuptibles Mensuel N°10 - Spécial Cinéma - Mai 2022 - POLLEN DIFPOP

J’ai lu une critique des Inrocks sur votre KubricK qui était très louangeuse

Afficher l'image d'origine

M.C. : Oui, oui absolument, je n’ai pas eu à me plaindre pour le Kubrick.

L’article en question considérait que votre livre Kubrick, on pouvait le prendre ou le lire sous plusieurs facettes ou sens, tant sur le plan des images, des décors ou du jeu des acteurs.

M.C : Les cinémas de Kubrick et de Boorman sont très polysémiques. Je pense qu’un critique doit avoir la culture générale d’un bon cinéaste. Si vous parlez de Kubrick, il faut connaître l’histoire du XVIIIe siècle avec le film Barry Lyndon, il faut connaître la cybernétique pour 2001 ou les futures technologies. Il faut soi-même faire ses propres recherches. Là, je vais faire une conférence sur l’esclavage pour le musée du quai Branly, je vais donc faire des recherches sur ce thème, ça me passionne. Je crois que l’on reste éternellement étudiant. J’ai été pendant 30 ans professeur, d’abord en lycée puis à l’Université ; je n’ai pas changé, je suis resté éternellement un étudiant. Je prépare mes articles exactement comme lorsque j’étais étudiant où je préparais une dissertation. C’est, je pense, la même chose pour les bons metteurs en scène.

Avez-vous eu des échos sur l’accueil de vos livres par ces cinéastes ?

M.C : Ils ne m’en ont pas parlé directement. Je sais que Kubrick a aimé mon livre, il en aurait commandé 450 ouvrages pour son entourage. Ça m’a fait très plaisir, son beau-frère m’a confirmé qu’il avait apprécié mon livre. Il ne m’a tout de même pas dit qu’il avait découvert des choses sur son oeuvre grâce à moi. Le critique est là aussi pour donner des connaissances, des lumières sur une oeuvre, pour enrichir la vision des téléspectateurs sur l’œuvre d’un cinéaste. On lit une œuvre, un livre pour enrichir ses connaissances sur ce cinéaste. Souvent, les critiques actuels font du ressenti : je me suis ennuyé, j’ai aimé ou pas aimé, je donne des étoiles dans une revue… Ce n’est pas ça un critique. Pour moi, être un bon critique, c’est de donner les raisons d’aimer ou alors donner aux cinéastes les clefs pour mieux comprendre un de ses films. Exemple de Chabrol qui avait lu une critique de Jacques Demeure dans Positif qui lui avait fait comprendre pourquoi son film « le sang des autres » était raté. Un cinéaste peut donc apprendre des choses des critiques.

Revenons en 2013, on peut constater pour cette année que bon nombre de films américains qui sortent comme The master de Paul-Thomas Anderson, Django Unchained de Tarantino ou Lincoln de Spielberg ; ce sont des films qui interrogent à la fois l’histoire et l’état actuel des USA.

THE MASTER : ANALYSE D'UNE SEQUENCE" !!! - Le blog de christianbalefanDjango Unchained Streaming VF 2012 Regarder Film-Complet HD Film Comédie, Film Documentaire, Film Sympa, Films Cultes, Meilleurs Films, Affiche De Film, Film Complet, Quentin Tarantino, Film Movie

M.C : Absolument, c’est la grande tradition du cinéma américain. Je viens de faire un éditorial sur le cinéma américain à paraître dans le prochain numéro de Positif ; ce que j’écris c’est que ce qui est frappant pour tous ces films récemment sortis c’est que les Américains s’interrogent beaucoup sur leur passé. Un passé violent souvent. Les Français font plutôt des films patrimoniaux sur leur passé et c’est beaucoup moins critique, et pas le même genre de film. Ce sont souvent des histoires personnelles qui se passent dans le passé. Les films américains traitent directement d’Histoire avec un grand H ; ce sont des films qui interrogent l’Amérique que ce soit Zero Dark Thirty sur la traque de Ben Laden… The master, c’est l’Amérique de l’après-guerre et la naissance de la scientologie… Django Unchained c’est l’histoire de l’esclavage à coupler avec le film de Spielberg.

C’est vrai que, par exemple, dans les films de Malick, on retrouve l’individu face à la grande Histoire

M.C : Absolument, on le voit bien dans La Ligne Rouge.

https://www.youtube.com/watch?v=y4ChQPbqlKw

Propos recueillis par Dominique Vergnes

Les films sur la passion amoureuse (1).

Tout comme les thèmes de survie ou de vengeance, le septième art met en exergue l’amour ou la passion entre 2 êtres, passion amoureuse transcendée par certains metteurs en scène et qui se développe fréquemment dans un milieu hostile, conformiste ou conservateur. Dans ces films, les amoureux sont le plus souvent seuls au monde ou seuls contre tous. Ainsi, certains cinéastes sont spécialisés, après étude de leur filmographie, dans cette figure de style et plus précisément les auteurs de la Nouvelle Vague comme F.Truffaut, Claude Chabrol ou Eric Rohmer mais dans des registres et des thématiques différents: le mélo balzacien pour  Chabrol ou les vertus du mariage, de la fidélité pour Rohmer.

Intéressons-nous d’abord donc à Truffaut avec deux de ses films très emblématiques comme « l’histoire d’Adèle H. » (1975) et surtout le superbe et anxiogène « La femme d’à côté »(1981).

Afficher l'image d'origine

GERARD DEPARDIEU, FANNY ARDANT ET FRANCOIS TRUFFAUT:

Résultat de recherche d'images pour "la femme d'a cote film truffaut"

« L’histoire d’Adèle H »  de François Truffaut nous relate la passion dévorante d’Adèle Hugo pour un beau lieutenant anglais (le bien-nommé Albert Pinson). Deuxième fille de Victor Hugo, la dénommée Adèle souffre de l’indifférence de son père et de la mort prématurée de sa soeur aînée. Elle reporte son manque d’affection sur un beau lieutenant anglais qui l’ignore superbement. Elle finira seule, isolée et à demi-folle dans un asile (c’est ça l’amour!!). Film sur une passion à sens unique, marquée par l’interprétation baroque comme souvent d’Isabelle Adjani.

Autre film sur une passion (simple?), « la femme d’à côté »(1981), film traumatisant de Truffaut (vu à l’âge de 10 ans…). Le pitch est simple : Bernard et Arlette Coudray mènent une vie bien tranquille dans une commune proche de Grenoble ; tranquillité bientôt dérangée par l’arrivée de nouveaux voisins les Bauchard, Philippe et Mathilde (Henri Garcin et Fanny Ardant). Bernard et Mathilde se connaissent déjà (ils ont vécu une aventure tumultueuse par le passé). Sans le vouloir (surtout pour elle), ils vont revivre leur ancienne passion. Chacun cherchera à fuir cet amour trop envahissant qui leur fait perdre leurs repères trop marqués (famille, travail, enfants…).

Passion simple jusqu’à la folie et la tragédie finale (le meurtre et le suicide du couple illégitime). Comme souvent chez Truffaut, le sentiment amoureux ne peut être que passionnel (au contraire d’un Chabrol où il participe d’un mélo balzacien, voire d’une satire sociale) et vécu sans demi-mesure.

Film plus contemporain sur la passion amoureuse : « A corps perdus » (2004), film italo-espagnol de Sergio Castellito, tiré du best-seller de sa femme écrivaine, l’Irlandaise Margaret Mazzantini (livre paru en 2002, édition Laffont). Film vraiment mélo, gros succès en Italie mais ignoré en France car très mal (et peu) distribué en France (par EuropaCorp, société de Luc Besson). On a affaire ici à un véritable mélo cinématographique italien, un grand film « malade » (comme dirait Truffaut).

Afficher l'image d'origine

L’histoire : un médecin italien Timotéo Rossi (Sergio Castellito) est contraint de se remémorer son passé amoureux alors que sa fille est hospitalisée après un accident grave de circulation routière (le trauma initial fait remémorer un événement douloureux). Film fait de flashbacks entre passé et présent. Le Rossi en question avait en effet entamé une relation passionnelle et charnelle avec une femme de ménage d’origine albanaise(!), interprétée par l’excellente Pénélope Cruz, alors qu’il était déjà marié avec une journaliste. Femme pauvre et inculte, dénommé Italia face au jeune médecin aisé et instruit, passion dévorante à la fois physique et charnelle. Les deux amants ne peuvent se passer l’un de l’autre ; scène édifiante où le médecin participe à un colloque, fait un discours sur un ton monocorde sur un sujet quelconque (tout en se remémorant les bons moments au lit avec son amante, et surtout la manière dont il lui fait découvrir la jouissance…). Film étonnant, mélo au premier degré et qui finira aussi en tragédie (amante qui mourra à la fin d’une hémorragie interne lors d’un voyage sur sa terre natale). Gros succès en Italie mais peu vu en France.

Autre film passionnel mais sur un autre continent : « Chungking Express » (1994) de Wong Kar-wai. Premier film distribué en France par un cinéaste promis à un grand avenir (et reconnaissable à ses fameuses lunettes noires).

Afficher l'image d'origine

Film en deux parties : l’histoire de deux flics lâchés par leur petite amie respective dans cette immense métropole qu’est Hong-Kong. Deux flics, deux matricules (223 et 663) qui vivent des histoires d’amour parallèles dans un Hong-Kong au climat moite et tropical. Film sur la solitude dans une énorme métropole, avec une superbe photographie (par Christopher Doyle et Andrew Lau). Les deux personnages de flics solitaires se mouvent au sein d’une métropole sans âme et tombent amoureux, l’un d’une tueuse mystérieuse (Brigitte Lin), l’autre d’une serveuse d’un « Chungking express » ouvert toute la nuit, qui décide de s’introduire par effraction dans la vie de ce flic (joué par Tony Leung).

Film superbe aux images rapides, montrant un Hong-Kong aux rues surpeuplées et sombres. Film fait à l’arrache pour Wong Kar-wai en parallèle de son autre film en costume « Les cendres du temps »(1994) ; premier succès international de ce cinéaste. Atmosphère irréelle que l’on retrouvera pour l’un de ses films suivants « In the mood for love »(2000).

Première cinéaste-femme à obtenir une Palme d’Or à Cannes en 1993 pour son film « La leçon de Piano » (1993). La néo-zélandaise Jane Campion incarne bien par sa filmographie une artiste anglo-saxonne très au fait du romantisme gothique du XIXème siècle (représenté, par exemple, par les soeurs Brontë).

Afficher l'image d'origine

« La leçon de Piano »(1993) incarne bien ce mélange néo-gothique entre un romantisme échevelé des sentiments et la nature luxuriante de la Nouvelle-Zélande de l’époque. Film bien anglo-saxon dans l’esprit et la mythologie (on passe ainsi de l’Ecosse à la Nouvelle-Zélande au début du film), l’histoire étant : au XIXème siècle, Ada MacGrath, muette depuis l’âge de 6 ans, est mariée de force par son père à un colon Alistair Stewart (Sam Neill) basé en Nouvelle-Zélande. Sur place, un autre colon, Baines, (incarné par Harvey Keitel) commence à être très intrigué par cette femme et sa passion pour son piano (seul moyen pour elle de communiquer et transmettre ses émotions à son entourage). Le Baines en question va acquérir le piano et l’Ada du même coup pour une relation troublée face à un mari impuissant (sexuellement et maritalement). Jeu sexuel qui va aboutir à une passion assumée.

Résultat de recherche d'images pour "la leçon de piano film"

Mélange de sentiments baroques, morceaux de musique de Michael Nyman (compositeur aussi des films de l’anglais Peter Greenaway), végétation luxuriante, présence constante des Maoris, esprit colon de ces Anglais (incarné par l’esprit possessif du mari). Film parfait produit à l’époque par des Français (Ciby2000, boîte de Bouygues, aujourd’hui disparue).

Film qui montre d’abord, selon la cinéaste, que la passion amoureuse n’est pas du tout aimable, qu’elle provoque des violences et des humeurs terribles dans une nature considérée comme hostile (figure de style qui rejoint des courants littéraires comme les romans gothiques ou romantiques du XIXè siècle).

Film envoûtant qui, à titre d’anecdote, a « scotché » des élèves de sixième en collège (vu, à titre d’excuse pédagogique fumeuse, pour l’analyse de paysages tropicaux…). Jane Campion, par ses films suivants, restera bien, par d’autres genres cinémas (le thriller urbain, historique ou rural…), dans cette veine passionnelle entre deux êtres ; c’est particulièrement vrai pour son dernier film « Bright Star »(2009).

Afficher l'image d'origine

Autre film envoûtant, le méconnu film américain « A propos d’hier soir »(1986) d’Edward Zwick, film urbain se passant à Chicago, inspiré de la pièce de David Mamet. Pitch assez simple : Dany et Bernie sont deux célibataires endurcis et collègues de Chicago, mais lorsque Dany (Rob Lowe) rencontre la belle Debbie (Demi Moore) après une soirée dans un pub ; d’une aventure d’un soir, le Dany ne voudra plus se séparer de sa belle au détriment de sa relation amicale d’avec son pote (le délirant James Belushi), de son boulot…

Résultat de recherche d'images pour "a propos d'hier soir"

Com’rom’ à l’américaine qui se détache des films habituels par l’intensité charnelle qui unit les deux personnages (superbes images de Demi Moore et de Rob Lowe nus enlacés chez eux…). Film sur deux êtres imparfaits mais aussi sur leurs difficultés à rester ensemble du fait des pressions de toute sorte (pressions professionnelles, amicales ou familiales…). Demi Moore y est superbe dans sa jeune beauté (et sa voix très grave et masculine), elle restera, par la suite, dans cette veine très romantique dans « Ghost »(1990) de Jerry Zucker, film plus sirupeux et mielleux au succès international (film culte pour de nombreuses femmes d’ailleurs…).

Autre film, plus improbable celui-ci, « Backtrack »(1989) de Dennis Hopper (mais désavoué par celui-ci, donc sous la signature d’Alan Smithee). Une femme, Anne Benton (Jodie Foster), est témoin à son corps défendant d’un crime perpétré par des mafieux à Los Angeles et est donc obligée de se cacher à travers les Etats-Unis pour échapper aux tueurs mafieux et aux flics lancés à ses trousses, dont un certain Milo (Dennis Hopper).

Résultat de recherche d'images pour "backtrack film hopper"

Celui-ci, au cours de son enquête, va peu à peu tout connaître de la vie de cette femme (c’est aussi une artiste conceptuelle), en tomber amoureux, l’enlever et une étrange relation va se nouer entre les deux (au départ répulsion puis fascination pour finir en passion amoureuse).

Drôle de film, voué à la beauté de Jodie Foster, road-movie amoureux sous la menace de mafieux improbables (joués par John Turturro et Joe Pesci). Film imparfait (les scènes de violence sont ridicules) et l’on sent trop les raisons pour lesquelles Dennis Hopper a voulu réaliser ce film (mélanger film noir et passion amoureuse).

Ainsi,  établir une passion amoureuse, c’est aussi mettre en avant une critique sous-jacente de l’ordre établi et de ses composantes (travail, famille, situation professionnelle…). En ce sens, ces films et ces sentiments se révèlent souvent utopiques dans un monde rationalisé et étant donné la diversité des longs métrages sur le sujet, commençons, de manière arbitraire, sur le film de Louis Malle (« Fatale », 1992).

Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine

Film sous-estimé à sa sortie mais qui a toute sa place dans la filmographie de Louis Malle et de ses thématiques. Ici, nous sommes dans la « upper class » britannique avec la description d’un secrétaire d’Etat anglais, Stephen Fleming (Jérémy Irons), à la carrière bien remplie et toute tracée : un conservateur bon teint, bien marié et des enfants modèles avec une femme qui le soutient et gère même sa carrière (cela ne vous rappelle rien ?). Cette vie parfaite va être mise à mal avec l’arrivée soudaine dans cette famille d’une certaine Anna Barton (Juliette Binoche), nouvelle fiancée du fiston journaliste.

Ordonnancement du couple, de l’homme politique, conservatisme de bon aloi dérangés par la venue de cette femme à la beauté fatale. Monde souterrain des sentiments mis à mal par la passion (simple ?) entre ces deux êtres, entre ces deux chairs jusqu’à la tragédie finale (comme dans tout mélo). Film terrible avec une fin de même, le Stephen Fleming en question démissionne de tout ses postes et se retrouve isolé dans un visage du sud de l’Italie à se remémorer son amour perdu. Film passionnel face à un homme organisé, qui passe son temps à donner des ordres, à ordonnancer, à compartimenter sa vie et dont le carriérisme va « voler en éclat » devant une femme fatale. Comme souvent chez Louis Malle (cf « les Amants »(1958)), les valeurs bourgeoises s’effondrent face à la pureté des sentiments.

Passion amoureuse présente aussi (c’est ça le cinéma, on est tous égaux!) chez les gens ordinaires, les gens de peu (!). Exemple du film américain du belge Ulu Grosbard : « Falling in love »(1984)  qui nous narre la romance new-yorkaise entre deux êtres que tout opposent (Molly et Frank, Meryl Streep et Robert de Niro). Deux personnes mariées qui s’aiment, qui ont des métiers prenants (lui est architecte, elle graphiste). Le film est intéressant car il décrit avec minutie la quotidienneté des personnages, leur travail (on les voit souvent voyager, prendre le train pour aller vers New-York comme tout bon banlieusard), leur famille et l’impossibilité d’exprimer à fond ses sentiments. Les personnages mènent une vie assez banale, s’occupent de leurs familles respectives, vont dans les mêmes magasins pour acheter des cadeaux de Noël. Ce côté réaliste et non-spectaculaire du film est plutôt inhabituel dans un film américain.

En France, bon nombre de films ont exalté le sentiment amoureux comme transcendance des valeurs établies ou bourgeoises. Prenons comme exemple le film d’Andrzej Zulawski, « l’important c’est d’aimer »(1974) avec Romy Schneider, Fabio Testi et Jacques Dutronc. Film baroque sur le monde des acteurs, de l’Art en général ; rencontre aussi entre des acteurs géniaux, un réalisateur polonais (avec cette idée : je suis slave, je suis un artiste et je suis polonais donc je fais des films hyper-baroques) et un scénariste remarquable (Christopher Frank, cf hommage sur ce site).

Film sur le monde des artistes, un reporter photographe (Servais) tombe instantanément amoureux d’une actrice (obligée de tourner dans des pornos pour subsister) lors d’un reportage sur un tournage de film. Il cherche à la revoir et s’immisce dans sa vie privée (elle est mariée avec un histrion (Jacques Dutronc), un Pierrot lunaire coupé des réalités). Pour elle, il va commander une pièce à un metteur en scène de renom (l’obligeant, par la même occasion, à engager cette jeune femme). Film sur la mécanique des acteurs, du film ou de la pièce en train de se faire (monde interlope que Christopher Frank décrit souvent avec minutie dans ses romans). Film où réalité et fiction se rejoignent dans une même passion. Long métrage qui a beaucoup influencé un cinéaste comme André Téchiné.

Afficher l'image d'origine

Si, concernant André Téchiné, Jean-Luc Godard a cette maxime définitive et cruelle (« le Jean-Paul Le Chanois de notre époque »), force est de constater que Téchiné s’est souvent confronté avec le baroque et les affres de la passion amoureuse dans ses films, notamment avec « Rendez-vous » (1985) avec Juliette Binoche, Lambert Wilson et Wadeck Stanczak. Nina (Juliette Binoche), apprentie-comédienne monte à Paris pour devenir actrice, elle y rencontre deux hommes à la personnalité complètement opposée, un acteur (Lambert Wilson) qui la rattache au monde de la création et Paulot (Wadeck Stanczak), plus terrien et secret, travaillant dans une agence immobilière et qui l’aime en secret. Sorte de décalque, dans l’hystérie amoureuse, du film de Zulawski, « Rendez-vous » se veut un film paroxystique où les affres de la création, des Arts ne laissent personne indemnes et rendent les personnes vulnérables. L’amour et les actes sexuels y sont très crus pour des passions par trop dévorantes. Juliette Binoche, dans sa carrière d’actrice, continuera dans cette voie baroque avec les films de Carax (comme « Mauvais sang »(1986), véritable déclaration d’amour du réalisateur à cette comédienne), avec cette idée plus ou moins cliché : regardez-moi, je suis comédien ou comédienne, et je me perds dans mes rôles jusqu’à l’hystérie et la provocation.

Résultat de recherche d'images pour "rendez vous film-téchiné"

https://www.youtube.com/watch?v=thweaZDUTU0



Absurde Séance du Katorza: Nuit fantastique du 12 mars

Samedi 12 mars à partir de 22h30 NUIT FANTASTIQUE :

I AM A HERO 2015 / Japon / durée : 2h10 / VO st Français / int-16 ans

Un film de Shinsuke Sato (Gantz – Death Note 2016)

RESUME:  adaptation du manga culte du même titre (I am hero)Hideo Suzuki n’est pas du tout ce qu’on pourrait appeler un héros. Il ne mène pas la grande vie, a peur de tout et se méfie de tout le monde, a des hallucinations et sa copine ne cesse de lui vanter les mérites de son ex — petit copain. Pourtant, en rentrant un soir chez sa copine, sa vie va basculer… Le jeune homme découvre les ravages d’une épidémie nationale, voire mondiale, qui décime la population et change les humains en créatures sanguinaires.

Avec : Yô Ôizumi (Le voyage d chihiro), Masami Nagasawa (Godzilla: Final Wars), Kasumi Arimura (Souvenirs de Marnie)

 

Samedi 12 mars à partir de 22h30 NUIT FANTASTIQUE :GREEN ROOM (Usa) 2015 / durée : 1h34 / int-16 ans

Un film de Jeremy Saulnier (Blue Ruines – Murder party)FILM SUFFOQUANT, INTENSE, VIOLENT, GORE ET HARGNEUX. (Avant-première)

RESUME: Après avoir assisté à un acte de violence horrible, un jeune groupe de punk rock se retrouve piégé dans un lieu isolé. Pour survivre, ils vont devoir lutter contre une bande de skinheads bien décidés à éliminer tous les témoins.Après un premier essai horrifique concluant (Murder Party, 2007) et un succès critique quasi unanime (Blue Ruin, 2013), le réalisateur et chef-opérateur new-yorkais Jeremy Saulnier persiste dans un cinéma radical et agressif avec Green Room (sélectionné à Cannes lors de la dernière Quinzaine des Réalisateurs 2015)

Avec : Anton Yelchin (Star trek) – Imogen Poots (Centurions) – Joe Cole (Pressure) – Patrick Stewart (X-men)

Samedi 12 mars à partir de 22h30

NUIT FANTASTIQUE :SENDERO 2015 / Chilli / durée : 1h25 / VO st Français / Int-16 ans

Un film de Lucio A. Rojas (Zombie dawn)PREMIERE EN FRANCE

RESUME: Ana est une jeune femme qui vient d’obtenir une bourse pour étudier dans un pays étranger. Elle décide de célébrer avec ses amis hors de la ville. Sur la route, le groupe tombe sur ce qu’ils pensent tous être un accident, ils sont enlevés par une famille barbares tous plus désaxés les uns que les autres. Dans leur tentative d’évasion, ils seront contraints de franchir toutes les limites connues dans un combat pour survivre à la violence, même si cela signifie que pour s’en sortir, ils devront se trahir entre eux…

 

Samedi 12 mars à partir de 22h30

NUIT FANTASTIQUE :LAZER TEAM 2015 : Usa / durée : 1h40 / VO st Français

Un film de Matt Haullum

RESUME: Travaillant dans le secret le plus total, le gouvernement américain a entraîné un Champion sur Terre, en guerrier aux capacités incroyables, doté de pouvoirs hors du commun conçus par de nouveaux alliés extraterrestres en préparation de la bataille pour la survie de l’humanité face à une diabolique race d’extraterrestres. Malheureusement, le costume n’est jamais arrivé à sa destination prévue. A la place, d’un sauveur solitaire, quatre idiots ont trouvé le costume et se lancent à corps perdu dans une folle aventure qui les dépasse totalement…

 
 

 

 

 

 

 

 

 

Christianisme et cinéma

Les références du cinéma au christianisme et à la Bible sont bien plus nombreuses et explicites actuellement au cinéma que dans les autres formes d’art visuel (dans les arts picturaux par exemple), ce qui fait la dangerosité de celui-ci en tant que médium intellectuel et influence des esprits. Les films au cinéma s’inscrivent ainsi dans une double temporalité (le temps du film et le temps du récit du film). Comme pour le culte chrétien, la temporalité du film ouvre ainsi à la spiritualité (cas typique du film de Beauvois « Des dieux et des hommes » où le spirituel et le temporel se mélangent à foison).

Un film raconte le plus souvent une histoire, possède un scénario ou des personnages typés. Un film cherche à aller au-delà de la vie le plus souvent, vers une forme d’universalisme (comme toute forme de religion d’ailleurs). Les films ouvrent à une dimension autre, quasi-invisible. C’est ainsi que le cinéma explore les symboles, les mythes ou les épopées humaines (s’approchant en cela des chapîtres de la Bible et donc de la religion) pour établir soit une morale, une parabole ou une démonstration.

Une curiosité de qualité: Jésus de Montréal

 

 

 

Au cinéma, les vies sur Jésus et le christianisme d’ailleurs sont foison, il n’est qu’à remarquer un des plus connus, « Jésus de Montréal » (1989) de Denys Arcand, qui n’hésite pas à faire de la vie de Jésus un spectacle, tandis que l’amitié d’une équipe d’acteurs est racontée comme une parabole évangélique, jusqu’à symboliser la vraie vie de Jésus. Le vrai Jésus n’est pas celui qui est filmé comme tel, mais celui qui vit comme lui, qui l’incarne dans la vie de tous les jours dans une société corrompue et malsaine. A la fin du film, ce paradoxe se résorbe dans la rencontre des deux personnages : l’acteur meurt véritablement (et accidentellement), au moment où il représente le Christ sur la croix. Le film et la vie de Jésus se rejoignant ainsi. Autre film fait par un laïc marxiste cette fois, « La Ricotta » (1963) par Pier-Paolo Pasolini, qui met en scène ce paradoxe : le vrai Jésus n’est pas celui qui est filmé, mais le mendiant dont personne ne s’occupe. Paradoxe que l’on retrouve dans « La Passion selon Saint Matthieu » (1964), la Foi chrétienne y est véritablement représentée comme révolutionnaire (donc trop dangereuse pour les notables de l’époque, car contestant les hiérarchies sociales, les équilibres politiques crées et l’Empire Romain accessoirement).

Avec ces trois films atypiques sur la vie de Jésus, la vie et l’Evangile se rejoignent grâce à la fiction cinématographique, ce qui amène au rôle des images et à leur représentation (problématique des icônes et de leur sanctification dans le culte chrétien).

On retrouve ce paradoxe (le Christ est bien présent, mais ailleurs que là où il prétend être montré, raconté, imité), dans la Bible, la présence de Dieu (dans les paysages, au monastère…) sont très présents dans le film de Xavier Beauvois « Des Hommes et des Dieux » ; comme aussi paradoxalement dans bon nombre de films n’ayant pas trait directement ou explicitement au religieux ( avec de nombreuses thématiques religieuses comme le péché et la grâce, la force de la parole, du témoignage, la confiance en un avenir réparateur (parabole très chrétienne), la force de la rédemption…).
Les films qui s’attaquent directement aux méfaits supposés du christianisme ; il n’est qu’à voir des films comme « Le Festin de Babette » (1987) de Gabriel Axel ou « Breaking the Waves » (1996) de Lars Von Trier. Critique de la religion protestante austère au nom d’une autre idée de l’apprentissage de la foi et du partage, et non suivant des dogmes ou rites imposés (et vides de sens) par une hiérarchie cléricale invisible. Ces films profondément anticléricaux sont souvent des films bibliques (au sens premier du terme). On peut le vérifier dans des films aussi divers que « La Strada » (1954) de F.Fellini, E.T. (1982) de S.Spielberg, Matrix( 1999) des frères Wachowsky (avec la prophétie de la venue du Sauveur et de l’Elu Néo), « Gangs of New-York » (2003) de M.Scorsese…

Gangs of New-York(2002):

Gangs of New York - Film (2002) - SensCritique

 

MATRIX(1999):

 

Afficher l'image d'origine

L’exemple de « la Dernière Tentation du Christ » (1988) de Scorsese et sa polémique nous montrent bien que la liberté de création artistique se heurte souvent à la puissance du dogme chrétien. Certains films sur Jésus furent ainsi objet de scandale, pour avoir été trop libres, trop provocateurs. Aux yeux de certains, ils donnaient une version trop personnelle, réductrice de la foi chrétienne (trop païenne en somme).

Au moins 5 films sur Jésus suscitèrent des réactions très violentes : rappelons « La Ricotta » (1963) de Pier Paolo Pasolini qui lui valut les protestations officielles du Vatican, même phénomène avec « L’Evangile selon Saint Matthieu » (1964) ; films pourtant très religieux dans leurs propos et leurs mises en scène. Pasolini le déclarait lui-même : « Je suis anticlérical, mais je sais qu’habitent en moi 2000 années de christianisme (…), je serai fou si je niais cette force spirituelle qui est en moi ».

Autre cas, « La vie de Brian » (1979) de Terry Jones qui est une parodie de la vie de Jésus, vue par les Monty Python, parodie hilarante avec une chanson de fin de film (« Always Look on the Bright side of life ») devenue tube en Grande-Bretagne (satire des chansons optimistes des dessins-animés de Walt Disney). Il faut voir Eric Idle et Terry Gilliam, sur leurs croix à la fin du film, en train de chanter cette chanson, véritable hymne à la joie et à la positive attitude.

 

 

 

 

« Je vous salue Marie » (1984) de Jean-Luc Godard choqua lui aussi profondément l’Eglise catholique par des images trop humaines, trop profanes de Marie (une Marie trop proche de nous, s’incarnant et existant à notre époque). Godard cherchait à s’interroger sur le Sacré, la Foi par l’intermédiaire du médium cinéma et par sa mise en scène surtout.

 

https://www.telerama.fr/sites/tr_master/files/8f752612-d4d3-4c73-bbc1-0735111ad435_2.jpg

 

Et enfin « La Dernière Tentation du Christ » (1988) de M. Scorsese, inspiré du livre de Kazantzakis, montre un Jésus encore trop humain, qui cède sciemment à la tentation (et le film revisite le rôle de Judas comme traître et de Marie-Madeleine comme concubine et femme du Christ).

Afficher l'image d'origine

Le film de Xavier Beauvois  narre ainsi la vie quotidienne et le don de soi des moines de Tibéhirine dans les montagnes de l’Atlas algérien ; Frère Christian (Lambert Wilson) raconte bien que, pour lui, Dieu est présent tous les jours au sein de ce monastère ; l’incarnation du Christ rejaillit sur ces moines à tous les instants, dans leurs travaux, leurs prières, leurs isolements ou leurs relations avec les populations avoisinantes. Le monastère et ses moines sont ainsi la pure Incarnation de Dieu sur Terre (ou du cinéaste avec son film ?).

Afficher l'image d'origine

Incarner Dieu, sa croyance et le don de soi, du sacrifice dans le film de Xavier Beauvois et sa mise en scène, tout en rappelant de grands moments dans la vie du Christ (la Cène par exemple).

 

 

Rendez-nous « Voisin-voisine »!

La défunte 5, ce n’était pas seulement des séries américaines ringardes et superficielles (« Supercopter », « Happy Days », « K2000″avec l’inénarrable David Hasselhof…). C’était aussi des séries françaises comme « Voisin, voisine », dont le pitch pouvait se résumer ainsi : les Latulipe et les Dumanoir sont voisins dans le même immeuble et ensemble, ils vivent des aventures super trépidantes.

Afficher l'image d'origine

 A partir de ce canevas assez libre, les acteurs pouvaient improviser assez librement et ne s’en privaient pas. Cette série était une production franco-canadienne et reflétait les obligations de production qui pesaient sur cette chaîne. Elle se devait de créer et de diffuser contractuellement près de 400 heures par an. Série qui passait le matin vers 9 heures, mais avec de multiples rediffusions le soir ou même la nuit, « Voisin, voisine » faisait ainsi le bonheur des noctambules ou des afters de retour de soirée. C’était un plaisir des yeux.

La série se passait dans des intérieurs cossus et cosys dans un quartier de Paris -vraisemblablement le XVIe arrondissement- avec un générique composé des principaux monuments de Paris (un Paris plutôt de carte postale d’ailleurs) sur une musique de Luigi Boccherini (un menuet). En même temps, si les Québecois, qui regardaient cette série, pensaient que cela reflétait la vie des Parisiens, eh ben…

La série était composée d’épisodes pour les garçons et d’autres pour les filles. Ceux concernant les garçons étaient particulièrement délirants et grotesques.

Exemple de trames scénaristiques:

* Suspens total pendant tout un épisode : est-ce que le hamster que Laurent a mis dans le micro-ondes en attendant de trouver une cage, ne va pas mourir car Marie hésite à le mettre en route (véridique !!).

* Laurent arrive à se connecter et à pirater sa banque sans modem et sans ligne de téléphone.

* Laurent, encore lui, devient fou car la bonne a débranché son ordinateur de la prise électrique et donc lui a fait perdre trois mois de travail (ah dur !).

* Les garçons jouent aux Indiens et font un feu de camp au milieu du salon.

* Sur le balcon de l’appartement, les garçons passent tout l’épisode à faire des commentaires sur les passants dans la rue (véridique aussi !).

* Les épisodes avec les filles étaient en général assez drôles, car elles étaient le plus souvent en petite tenue du fait que l’une d’entre elle tenait un magasin de sous-vêtement(Astucieux, non ?).

Cette série grandiose a influencé aussi d’autres formes de création :

Amazon.fr - Saga - Benacquista, Tonino - Livres

Ainsi, cette série a aussi inspiré des écrivains ou scénaristes, comme le livre « Saga »(éd. Gallimard, Paris, 1997)  de Tonino Benacquista qui relate l’histoire de quatre scénaristes au chômage recrutés en urgence par une chaîne de télévision, afin de créer et de scénariser une nouvelle sitcom inutile. Sitcom qui devient culte auprès du public et dont la chaîne est obligée de prolonger l’existence. L’intelligence et la finesse du roman de Tonino Benacquista venant du fait que l’auteur se met à la place des 4 auteurs de cette série, auteurs qui ont chacun un style littéraire à eux ; untel est fan de SF, une autre des romans à l’eau de rose, un autre, un vieux de la vieille qui a tout vu et tout entendu dans ce milieu. Ce roman est ainsi une mise en abyme de trames scénaristiques en parallèle avec la trame narratrice du roman. Le succès de la sitcom venait que le public pouvait s’identifier à de nombreux personnages de fiction, suivant les styles littéraires afférents. On y retrouve même des pseudo-réflexions existentialistes qui font véritablement « le sel »de ce sitcom.

Les Nuls, dans leur émission du samedi soir, ont repris le décor et la trame de « Voisin, voisine » pour créer Sapin-sapine, où un Dominique Farrugia des grands jours se demandait ce qu’il allait bien faire, déambulant dans son appartement si cosy: « Ah ! Je vais peut-être m’ouvrir une boîte de thon… »

A noter, parmi les nombreux scénaristes de cette série, un certain Pascal Mérigeau, journaliste et critique de cinéma, auteur de deux biographies remarquables sur Joseph L. Mankiewicz, ainsi que… Maurice Pialat (eh oui !).

Afficher l'image d'origine

Pour finir, je souhaiterai pousser un cri ! (comme Brigitte Bardot) :

Rendez-nous Voisin-Voisine ! Rendez-nous Jean-Claude Bourret et ses extraterrestres ! Rendez-nous la 5 et Berlusconi ! (euh non, pas lui !).

Afficher l'image d'origine

Y’en a marre d’Arte et des Thémas en allemand !!

 Afficher l'image d'origine

Les adaptations cinématographiques des romans de James Ellroy

De manière générale, l’adaptation des oeuvres littéraires au cinéma pose de réels problèmes aussi bien sur le contenu que sur les choix narratifs pour faire progresser l’histoire, qui plus est face à un auteur aussi exigeant qu’est James Ellroy.

Si la production hollywoodienne est toujours friande de romans noirs, elle se fait fort d’avaler bon nombre de romanciers à ses propres fins ou pour des raisons bassement commerciales, perdant ou abandonnant en passant l’originalité de leur univers (que ce soit Dashiell Hammett, Hémingway, Georges Ballard ou même Stephen King…).

Les frères Coen en ont même fait le sujet d’un de leurs meilleurs films (« Barton Fink », avec John Turturro), se vendre aux diktats de Hollywood serait quasiment se vendre au diable selon eux.

Barton Fink [DVD] by John Goodman

Résultat de recherche d'images pour "romans d'ellroy"

Penchons-nous sur style littéraire d’Ellroy qui se caractérise par une inventivité verbale de tous les instants, dépeignant avec rudesse les recoins sombres de la société américaine et établissant surtout une description hallucinée de la Cité des Anges des années 1940 et 1950.

 

 

Globalement, la littérature noire est un espace critique mis à profit par les auteurs pour développer des mondes ambivalents, des personnages complexes, aux moralités floues, des récits politiques aussi et des vues sociologiques.

Ellroy ne déroge pas à la règle, avec ses romans ayant pour sujet le Los Angeles des années 1940 et 1950 (que ce soit « Le Grand Nulle part », »L.A.Confidential » ou « White Jazz ») et décrivant des flics corrompus et une ville gangrénée par la pègre et le mal.

Ellroy nous décrit ainsi une carte du Tendre très noire du Los Angeles de l’époque, une sous-culture, véritable « Underworld », petites histoires de personnages sans foi ni loi, à côté de la grande Histoire (Ellroy fait se mélanger souvent personnages de fiction et personnages réels).

Afficher l'image d'origine

James Ellroy est aussi connu comme écrivain pour affirmer un style dépouillé à l’extrême, délibérément graphique du type : « Sujet-Verbe-Complément-Sujet-Verbe-Complément », à la limite des textes de rap. Ellroy, par ce style, cherche à redéfinir le langage des personnages afin de faire progresser la narration du roman (d’où les difficultés majeures d’adapter ses romans au cinéma, d’où quelques ratages magistraux, mais aussi quelques réussites).

James Ellroy (Lee Earle Ellroy) est né le 4 mars 1948 à Los Angeles d’un père comptable (relativement âgé : il fut le comptable notamment et gigolo accessoirement de Rita Hayworth) et d’une mère infirmière ; il a vécu une enfance et une adolescence chaotique, toujours très présente indirectement au sein de ces romans. Le meurtre de sa mère en juin 1958 (toujours inexpliqué) fut une tragédie marquante au coeur de sa vie d’homme. C’est un auteur essentiellement de roman noir (peut-être le meilleur actuellement aux Etats-Unis), et ses romans les plus populaires n’ont été adaptés au cinéma qu’à partir des années 1990.

Afficher l'image d'origine

Adapter les romans d’Ellroy, c’est savoir reprendre avec une précision étonnante l’argot (« slam » en anglais) et les expressions des policiers et de la pègre des années 1950 et 1960. Les romans d’Ellroy ont toujours une dimension historique ; Ellroy sait mêler personnages réels et personnages fictifs. Il s’est intéressé aux coulisses du pouvoir des Administrations Kennedy, Johnson puis Nixon, ainsi qu’au fonctionnement des pratiques policières du FBI, avec des descriptions gratinées de son chef, à savoir John Edgar Hoover (anti-communiste notoire, homophobe, républicain réactionnaire, chef tout-puissant du FBI pendant 48 ans jusqu’à sa mort en 1972).

Ellroy n’a jamais caché aussi sa passion pour le Classique et le Jazz, musiques très présentes dans ses romans ; ni sa haine paradoxalement pour la Pop et le Rock qui incarnent pour lui tous les défauts de la contre-culture des années 1960. Il se définit comme un conservateur endurci, limite militant et réactionnaire. Dans ces interviews, il déclare avoir en horreur les gays, les hippies et tous les symboles de la contre-culture (comme Houellebecq, mais pour d’autres raisons).

Petit tour d’horizon des romans adaptés au cinéma :

« Cop » de James B.Harris (1988)(ancien producteur et ami de S.Kubrick) :

Afficher l'image d'origine

Avec son premier best-beller, « Lune sanglante », Ellroy connait les joies de l’adaptation-cinéma. « Cop » suit l’enquete de Lloyd Hopkins, flic borderline du LAPD (James Woods, toujours aussi givré), sur les homicides effroyables perpétrés sur des femmes par un sérial-killer. « Cop » se révèle seulement une honnête série B, sans le sel toutefois du langage et de l’atmosphère des romans d’Ellroy (dans le roman, le flic et le sérial-killer finissent par se ressembler dans leurs obssessions morbides, ce qu’oublie complètement le film).

https://www.youtube.com/watch?v=SrjtkgB65fM

« L.A.Confidential « de Curtis Hanson (1997) :

Afficher l'image d'origine

Pour une fois, Ellroy a salué l’intelligence de l’adaptation de son roman par le scénariste Brian Helgeland (scénariste de « Mystic River » de Clint Eastwood). Le roman L.A.Confidential est ainsi une fresque monumentale s’étalant sur 10 ans dans laquelle Ellroy livre sa vision impitoyable de Los Angeles : sa police, sa corruption et ses moeurs déliquescentes. Brian Helgeland passe à la trappe la moitié du roman et se focalise d’abord sur les trois flics et leurs obsessions maladives.

Ce qui fait la force de ce film c’est aussi sa réalisation bétonnée, sa reconstitution historique en règle, ainsi que son casting de stars : Kim Basinger(en sosie de Véronica Lake et un Oscar à la clé), Guy Pearce (Ed Exley, flic soi-disant intègre en mémoire de son père flic lui-aussi), Kevin Spacey (Jack Vincennes, flic corrompu jusqu’à la moelle, seulement intéressé dans son métier par son rôle de conseiller technique dans la série télévisée « le Badge de l’Honneur ») et Russell Crowe (en Bud White, flic torturé par la mort de sa mère, battu à mort par son père).

C’est peut-être le film qui reconstitue le plus fidèlement l’atmosphère si particulière des romans d’Ellroy, avec des anti-héros comme flic ayant chacun des névroses ou des traumatismes personnels, et se mouvant dans un LA des années 1940 corrompu (avec la figure du mal absolu, Dudley Smith en capitaine de police de droit divin, manipulateur, républicain réactionnaire (bon chrétien, bon père de famille mais d’abord une crapule finie), personnage récurrent dans les romans d’Ellroy).

« Brown’s requiem » de Jason Freeland (1998) :

L.A.Confidential a démontré qu’il était enfin possible d’adapter Ellroy, devenu très tendance à Hollywood. « Brown’s Requiem », toujours inédit en France, suit les pérégrinations de Fritz Brown, flic incapable, la honte du service…

Malheureusement, le réalisateur Mickael Rooker (« Henry, portrait d’un tueur en série ») a loupé son film en ne décrivant pas assez précisément la noirceur du roman. Le réalisateur n’a pas su capter les obsessions et l’univers du roman.

« Dark Blue » de Ron Shelton (2002)

Afficher l'image d'origine

Ici, Ellroy est directement crédité au scénario original (pour porter une caution morale ?).L’action se situe dans le Los Angeles juste avant les émeutes de 1992 (suite au procès Rodney King). Le film est d’abord un Buddy movie, entre un vieux briscard corrompu (Kurt Russell) et son jeune acolyte en formation. Le film dépeint une brigade spéciale complètement corrompue, avec à sa tête un officier joué par le démoniaque Brendan Gleeson, qui n’hésite pas à tuer les témoins gêneurs et faire du chantage ou de l’extorsion de fonds…La mort de la jeune recrue sur le lieu d’une opération policière réveillera les velléités de justice du vieux briscard en dénonçant les pratiques mafieuses de son chef…

Le film se terminant de manière apocalyptique (par les émeutes des ghettos noirs de Los Angeles). A noter qu’Ellroy a désavoué ce film, car ne se passant pas dans les années 1960 (avec les émeutes de Watts en 1965) comme dans le roman original. L’action du film fut réactualisé en 1992.

« Le Dahlia Noir » de Brian De Palma (2006)

:Afficher l'image d'origine

Adaptation la plus connue du roman le plus célèbre d’Ellroy, d’après l’un des meurtres non-élucidés les plus mystérieux de Los Angeles : celui d’Elizabeth Short en 1947, apprentie starlette, littéralement découpée en deux. Le film se veut être fidèle au roman d’Ellroy par le scénario de Josh Friedman ; De Palma met l’accent sur la vie d’apprentie-actrice d’Elizabeth Short et la relation amicale entre deux flics chargés de l’enquête et la femme de l’une d’elle (Scarlett Johansson).

Brian De Palma injecte dans ce film quelques unes de ses obsessions, à savoir le voyeurisme (les bouts d’essai érotiques d’Elizabeth Short), la corruption des âmes (le match de boxe truqué et une époque d’après-guerre troublée) et les faux-semblants de l’usine à rêve (démontage en règle du monde hollywoodien). Si la reconstitution historique est comme toujours soignée, le film est trop touffu, avec une intrigue mal dépouillée et confuse, et un acteur principal Josh Hartnett trop nonchalant.

Toutefois, on retrouve la maestria de De Palma dans la réalisation, avec deux longs plans-séquences : ceux des combats de rue après le match de boxe au début du film et celui plus impressionnant de la découverte le long d’une route du corps d’Elizabeth Short, contigu à l’action licencieuse des deux flics en filature sur une autre affaire.

« Au bout de la Nuit » de David Ayer (2008) :

Afficher l'image d'origine

Ce film montre peut-être les limites sous-jacentes des romans d’Ellroy et leur adaptation ; en effet, ce film paraît daté, déjà vu dans son intrigue (surtout face à la modernité et l’actualité des téléfilms policiers de chaines câblées, comme « The Shield » ou « the Wire »…).Tom Ludlow (Keanu Reeves égal à lui-même) est un flic alcoolique des moeurs, traumatisé par la mort de sa femme, et qui est accusé à tort du meurtre d’un collègue (en fait commandité par son supérieur ultra-corrompu (Forest Whitaker)). Il utilisera tout son savoir-faire de flic pour prouver son innocence et se rendra compte de la corruption à grande échelle du LAPD…

Toutefois, on retrouve les mêmes schémas narratifs des héros d’Ellroy dans ce film, à savoir : traumatisme initial du personnage principal, fautes commises, prise de conscience puis rédemption plus ou moins assumée et réalisée, le tout au sein de structures anxiogènes (LAPD ici).

La prochaine adaptation d’un roman d’Ellroy serait celle de « White Jazz » (suite confirmée de L.A.Confidential) par Joe Carnahan.Il semblerait que les romans d’Ellroy et leurs adaptations aient toujours la cote à Hollywood et soient matière à des exercices de style par des cinéastes hot (ou présumés comme tels).

PS : A noter que James Ellroy a produit lui-même un documentaire d’après son livre « Ma part d’ombre » relatant l’enquête sur le meurtre non-résolu de sa mère en 1958, grâce à l’aide d’un inspecteur à la retraite, Bill Stoner. David Duchovny (« X-Files ») aurait été pressenti pour jouer le rôle d’Ellroy, finalement tenu par lui dans ce documentaire.

Afficher l'image d'origine