Pendant ses périodes de zone, il rencontre son futur acolyte Kool Shen (Bruno Lopez) et décide de monter le groupe de rap NTM (à la suite d’un défi avec un autre rappeur). Il faut bien comprendre que le Joey Starr a commencé dans la culture hip-hop avec la danse (le break dance dans les années 1980), puis les graffitis (dans le métro, dans les gares ou sur les murs de banlieue (avec déjà la signature NTM)) et ensuite le rap en 1989.
Au sein du groupe NTM, ils se répartiront les rôles et les chansons (il a une voix plus grave que Kool Shen) et pour lui, ce groupe était véritablement sa raison de vivre (voire de survivre) dans un monde considéré comme hostile. Groupe NTM qui produira et composera près de 6 albums et va splitter en 2001, après avoir essaimé la France (et les pays francophones) de shows et de spectacles bien hardcore. Le duo se reformera en 2008 pour des concerts à Bercy et une tournée nationale.
Rappeur, mais aussi acteur (voire même réalisateur de ses clips). On le voit ainsi dans « Taggers » (1990) de Cyril Collard ; il fait des apparitions drôlatiques dans « RRRrrr !!! »(2004) d’Alain Chabat (personnage de l’essayeur de gourdins) ou « Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre »(2001) du même Chabat (personnage de Niklapolis) ; mais aussi dans « La Tour Montparnasse infernale »(2001) de Charles Némès.
C’est donc Maïwenn qui lui fait jouer des rôles un peu plus consistants, comme « Le Bal des actrices »(2009) et donc « Polisse ». Maïwenn aurait, pour la première fois, parler de ce rôle au rappeur alors qu’il était pour une énième fois derrière les barreaux. Il est donc assez ironique et savoureux de le voir dans ce film comme garant d’une autorité judiciaire, voire d’une certaine morale.
Personnage souvent considéré comme violent (une véritable teigne), mais dont le regard des médias a peu à peu changé avec notamment la sortie du livre autobiographique « Mauvaise réputation » (Entretien avec Philippe Manoeuvre, éd. Flammarion, 2007), où il raconte sa vie, son parcours au sein du hip-hop, les débuts dans le rap, les concerts (violents ou non, réussis ou non).
Personnage attachant et livre particulièrement hilarant, lorsqu’il raconte notamment son service militaire en Allemagne (à Saint-Wendel), après avoir tout tenté pour se faire réformer (atrophie physique des parties génitales). Mais bon, au moment de se faire réformer, dans la file d’attente, il cherche, comme par hasard, des « noises » avec d’autres appelés ; un gradé s’approche :
« -Il se passe quoi ici ? J’vous rappelle que vous êtes dans une caserne, alors discipline !! Discipline !!
Qu’est-ce qu’tu vas me parler de discipline. T’es qui toi ? T’es rien, pour moi, t’es juste le facteur. Tu vois ce papier, j’suis réformé alors ta discipline tu peux t’la mettre dans le cul !! ».
Evidemment, après ce genre d’altercation, plus question d’être réformé et il est envoyé, pour l’exemple, dans un bataillon disciplinaire à Saint-Wendel en Allemagne. Et comme le gars ne fait rien à moitié, au lieu de faire les 12 mois réglementaires, il en fait 19 du fait des divers emprisonnements, trafics en tout genre (shit, drogue, nourriture, fournitures et même armes…) et même insultes envers les gradés.
Livre passionnant donc pour comprendre le milieu du hip-hop des années 1980 à aujourd’hui : les concerts mythiques de Bercy ou en banlieue, les bastons généralisés avant,pendant et après les concerts, les flics débordés ou les relations avec les autres groupes de rap français (avec les marseillais de IAM notamment) ou même US (« Comment ils nous prenaient de haut »). Dans ce livre, on découvre ainsi les relations tumultueuses entre Joey Starr et les médias français, Joey Starr et le business de la musique et aussi Joey Starr et les femmes, dont Béatrice Dalle avec qui il est sorti pendant près de 10 ans et qu’il appelait affectueusement « Jean-Claude » ; une Béatrice Dalle encore plus givrée que lui et qui collectionnait, chez elle, des chandeliers (volés) d’Eglise et des moteurs de motos accrochés au plafond.
Bref, un personnage aux 1000 vies et dont la rage intérieure participe de son talent dans l’écriture de ses chansons ou flows. A preuve, ci-dessous, extrait de la chanson « Le Monde de demain » (un de leurs premiers morceaux en 1991) :
« Pur produit de cette infamie
Appelée la banlieue de Paris
Depuis tout jeune je gravite avec le but unique
D’imposer ma présence
Trop paresseux pour travailler
Trop fier pour faire la charité
Oui je préfère la facilité
Considérant que le boulot
M’amènera plus vite au bout du rouleau
Alors réfléchissez : combien sont dans mon cas
Aux abords de vos toits
Et si cela est comme ça
C’est que depuis trop longtemps
Des gens tournent le dos
Aux problèmes cruciaux
Aux problèmes sociaux
Qui asphyxient la jeunesse
Qui résident aux abords
Au Sud, à l’Est, à l’Ouest, au Nord
Ne vous étonnez pas
Si quotidiennement l’expansion de la violence est telle
Car certains se sentent seulement concernés
Lorsque leurs proches se font assassiner…
Est-ce ceci la liberté-égalité-fraternité ?
J’en ai bien peur
Refrain :
Le monde de demain
Quoi qu’il advienne nous appartient
La puissance est dans nos mains
Alors écoute ce refrain…(…) »
Ainsi, Joey Starr est en train de se définir peu à peu comme un véritable acteur, suivant les traces en cela de rappeurs US comme LLCoolJ, Ice-T, 50 Cent ou même le talentueux Eminem qui ont su imposer leurs présences dans le cinéma américain.
50 Cent:
LLCoolJ:
Ice-T:
On peut le voir aussi dans un rôle plutôt original dans « L’amour dure 3 ans »(2012) de Frédéric Beigbeder, film tiré de son roman.
D’autre part, en 2008, Didier Morville est choisi au casting de la série télévisée « Mafiosa », puis apparaît dans de petits rôles de divers films incluant « Passe passe ; la personne aux 2 personnes » ; puis en 2009 dans « le bal des actrices », qui lui vaut sa première nomination au César du meilleur second rôle.
En 2010, il fut à l’affiche de « l’immortel » de Richard Berry, puis enchaîne donc dans « Polisse », qui lui apporte à nouveau une nomination au César du meilleur acteur dans un second rôle en 2012. Toujours pour ce film, Joey Starr a reçu le prix Patrick Dewaere pour sa prestation On l’a vu aussi récemment dans « Dix pour cent », de Cédric Klapisch où il jouait son propre rôle.
http://video.lefigaro.fr/figaro/video/dix-pour-cent-la-marquise-julie-gayet-face-a-joeystarr/4583992006001/