Dennis Hopper (1936-2010): retour sur un véritable artiste

Rendre hommage à l’acteur, réalisateur, photographe, peintre, scénariste Dennis Hopper, c’est rendre hommage à un artiste total, bien dans son époque ; naviguant aussi bien dans le mainstream cinématographique (vers la fin de sa carrière) que dans la marge du système.Au départ, rien ne le prédestinait à évoluer dans les milieux artistiques ; il est né d’un père travaillant et dirigeant une poste et d’une mère enseignante. La famille, d’abord installée à Kansas City, émigre vers San Diego à la fin des années 1940.

Comme Clint Eastwood, Dennis Hopper a d’abord connu les grands studios en tant qu’acteur dans les années 1950, il est non-crédité comme acteur dans « Johnny Guitar » (1955) de Nicholas Ray, ou « La Fureur de Vivre » (rôle secondaire de De Goons) et même « Géant »(1956) de George Stevens.

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Dennis Hopper, dans « la fureur de vivre »(1955), à vous de le reconnaître dans la scène du combat au couteau:

D’ailleurs, la mort de son ami James Dean en 1955 (d’un accident de voiture) l’affecte très profondément et altère son comportement sur les tournages (ainsi, il se fera virer du tournage d’un film d’Henry Hattaway « From Hell to Texas », le bannissant pendant cette période des grands studios américains).Il se tourne alors vers la photographie (réalisant un album photo pour les chanteurs Ike et Tina Turner), puis s’installant à New-York pour étudier à la fameuse Strasberg Acting School.

Il fera aussi des apparitions vers les séries télés dans les années 1960 comme « Bonanza », « La Quatrième Dimension », « The Big Balley » ou « The Defenders ».

Dennis Hopper dans « la quatrième dimension »(Saison 04), en admirateur de Hitler:

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Il retrouvera les bonnes grâces des studios américains avec « Easy Rider » (1969). La révolution cinématographique d’ »Easy Rider » se caractérise d’abord par l’appropriation dans ce film de l’héritage de la Nouvelle Vague française et du néo-réalisme italien, et la naissance officieuse du Nouvel Hollywood. L’histoire : deux motards, Wyatt(Peter Fonda) et Billy (Dennis Hopper), s’échappent de Los Angeles après y avoir revendu une grande quantité de drogue pour se rendre au carnaval de La Nouvelle Orléans. Dans ce périple, ils traverseront en moto une grande partie de l’Amérique, ayant à faire face ainsi à des habitants racistes, bigots et anti-jeunes (faisant aussi des rencontres intéressantes, comme celle de George Hanson (Jack Nicholson), après un bref séjour en prison). L’originalité d’ »Easy Rider » c’est de mettre en image une épopée hippie, l’utilisation de drogues douces (marijuana) et une certaine forme de liberté (road-movie à motos). Ce film sera récompensé à Cannes en 1969 d’un prix de la première oeuvre.

Son film suivant (« The Last Movie » en 1971), financé par la firme Universal, est un échec cuisant (car pas du tout distribué sur le sol américain, ignoré par la firme et complètement remonté). Il fera ensuite des apparitions remarquées dans différents films comme « Apocalypse Now » (1979) de Francis Ford Coppola ou « L’Ami américain »(1977) de Wim wenders.

Ses statuts d’acteur et de réalisateur à la marge des studios américains le feront rencontrer des réalisateurs étrangers ou européens (Wim Wenders ou Bigas Lunas par exemple). Sa filmographie est très conséquente et très diverse (plus de 150 films à son actif).

Il est intéressant de faire un parallèle entre les carrières des différents acteurs de cette génération (que ce soit Jon Voight, Jack Nicholson ou Gene Hackman). Le plus souvent, ce sont des acteurs ayant commencé à la marge ou sous la tutelle de cinéastes extrêmes (comme Roger Corman, pape de la série Z), pour finir vers le mainstream et les blockbusters estivaux, exemple de « Speed » (1994)de Jan De Bont pour Dennis Hopper ou « Batman » (1989) pour Jack Nicholson et même « Transformers »(2007) pour Jon Voight. Leurs réputations d’acteurs « borderline » leur servant de cartes de visite pour accéder à des rôles de Bad guys ou de mafieux complètement givrés, exemple de « The Departed »(2006) de Scorsese, avec Jack Nicholson, ou « Land of the Dead » (2005)de G. Romero pour Dennis Hopper.

La machine hollywoodienne est une telle machine à recycler ou à récupérer les vieilles gloires américaines que ces acteurs se servent de leurs mythologies passées (souvent sulfureuses) afin de s’affirmer et de tourner dans de gros blockbusters ou séries américaines (où ils servent de faire-valoir au pire ou de caution artistique au mieux).

Ainsi, pour en revenir à Dennis Hopper, au début des années 1980 (après de nombreuses cures de désintoxication), il revient à des seconds rôles cinématographiques de prestige, comme dans « Rusty James »(1984) de Coppola ou surtout le (très) méchant sadique Frank Booth dans « Blue Velvet »(1986) de David Lynch.

En 1988, il réalise « Colors » sur les gangs de Los Angeles, avec des acteurs chevronnés comme Robert Duvall et Sean Penn.

En 1990, un film directement sorti en vidéo en France, « Backtrack » ; le pitch : Jodie Foster joue un témoin à charge, principal témoin d’un meurtre, victime de contrat par la Mafia et Dennis Hopper, un tueur à gage chargé de l’éliminer, qui tombera amoureux de celle-ci et finalement la protègera. Ce film est un ovni, un hommage aux films noirs hollywoodiens et un road-movie amoureux (Jodie Foster y est superbe). Tout à fait le genre de film qu’il faut dénicher sur Amazon ou Price Minister et qui constitue une très bonne surprise. Malheureusement, Dennis Hopper désavouera le montage final du film et préférera signer Alan Smithee à la réalisation.

On le retrouve à la mise en scène en 1990 pour son film le plus stylisé « Hot Spot » (1990). Thriller à l’érotisme brûlant tiré du roman « Hell hath no fury » de Charles Williams, paru en 1953, film noir avec ses codes spécifiques et les acteurs de même, ici Virginia Madsen, Don Johnson et Jennifer Connelly pour un film se passant au Texas, dans la petite ville de Landers aux moeurs bien étranges et ses habitants de même, pour un « casse » virevoltant et bien mené.

https://www.youtube.com/watch?v=RTvLmW6ecno

Dans les années 1990, il est toujours très présent dans des seconds rôles, que ce soit dans « Speed » (1994)de Jan de Bont, ou « Waterworld » (1995)de Kevin Reynolds.

Regarder sa filmographie à partir des années 1980, c’est d’abord observer avec minutie la production américaine moyenne ; que ce soit des séries ou films de série B, citons à titre d’exemple « Super Mario Bros » (1992) de Rocky Morton ou « Flash-Back » (1990) de Franco Amurri. Il fait même une apparition dans « True romance »(1993) de Tony Scott avec la fameuse scène culte sur les Siciliens.

Il fera aussi l’acteur dans de nombreuses séries télévisées, comme « Crash », « 24 heures chrono » ou « D.O.S « (division des opérations spéciales) ; souvent des séries sur les chaînes câblées américaines. Pour finir, l’intérêt polyforme pour les différents arts d’Hopper se retrouvent complètement dans le film de Julian Schnabel, « Basquiat » (1996), qui relate la vie, la mort du fameux peintre urbain haïtien Jean-Michel Basquiat (ses graffitis dans les rues de New-York en font un des précurseurs de l’art urbain). Dennis Hopper y joue un galeriste d’art connu (Olivier Bieshofberger), mécène de Basquiat qui le fait connaître internationalement et le met en contact avec d’autres artistes comme Warhol, joué par le regretté David Bowie.

 

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En 2008, un hommage solennel a été rendu à cet artiste à la Cinémathèque française (exposition de ses collections d’oeuvre d’art et différentes photos de tournage) et Christine Albanel, alors ministre de la Culture, l’a fait, par la même occasion, Commandeur de l’ordre national des Arts et des Lettres.

http://dennishopper.com/