Pourquoi ce titre si emphatique? Car pour reprendre Arnaud Desplechin à propos de Catherine Deneuve, Virginie Efira est bien metteur en scène de sa filmographie. En effet, de grandes tendances se font jour par ses films, que l’on peut décomposer en plusieurs volets.
https://www.youtube.com/watch?v=24x_rLrkBQY
Les comédies romantiques bien ficelées et bien calibrées (et ce n’est pas péjoratif!): « La chance de ma vie, mon pire cauchemar, une famille à louer »…
Les films com-rom plus barrés ou plus trash: « Et ta soeur, 20 ans d’écart, un homme à la hauteur »…
Les films plus mélos ou disons à l’univers plus noir: « Caprice, Dead Man Talking, Pris de court… »
https://www.youtube.com/watch?v=Eb9gg1CWbl4
De ces derniers films à l’approche plus dramatique et plus adulte, il existe toujours des messages revendiqués (Tolérance de la différence dans le couple, empathie et écoute à tous les étages, féminisme exacerbé par les descriptions au cordeau de femmes au travail ou dans leur foyer (les scènes post-dépressions avec les enfants dans « Victoria »sont extraordinaires, VRAIMENT ; là nous ne sommes plus dans la comédie mais dans le dur d’une dépression ; il FAUT voir ce film pour ces quelques minutes, on rentre ici dans une autre dimension de jeu de comédienne…)).
Une phase dépressive dans « Victoria »:
En tous les cas, Virginie Efira est bien moteur de ce type de comédies dans leur humour, ce qui est plutôt rare dans les dernières com-rom contemporaines et surtout pour les femmes (Et l’on sait qu’elle fut co-scénariste du très bien écrit « 20 ans d’écart »). Ce qui fait sa force aussi, c’est sa plastique impeccable au service de situations loufoques, souvent très drôles où Virginie Efira garde une certaine dignité dans des situations difficiles (comme, dans un autre registre, Catherine Deneuve, Isabelle Huppert ou Nathalie Baye…actrices qui n’ont aucunement peur du ridicule ou de « casser » leur image).
https://www.youtube.com/watch?v=j2-gPz3cT6E
Par sa filmographie, tout comme chez Isabelle Huppert, elle établit une carte du tendre féministe et bien balisée avec des femmes modernes engluées dans des vies personnelles et professionnelles compliquées. Avec Isabelle Huppert par exemple, il y a vraiment cette idée contemporaine, je peux tout jouer et tout représenter par mes personnages féminins, c’est cela la politique de l’actrice (il n’est qu’à voir Isabelle Huppert s’automutiler dans « la pianiste »(2000) pour comprendre ce qu’elle est capable d’exprimer en tant que comédienne…).
En outre, d’une certaine manière, depuis 8 ans, Virginie Efira a fait ses gammes prometteuses d’artisan de la comédie à la française par ses premiers films (et l’on parle de millions d’entrées pour bon nombre de ses comédies, on passe ainsi de l’artisanat à une phase quasi-industrielle) pour, comme chez les compagnons du Devoir, basculer, petit à petit, vers ses chefs d’oeuvre (elle est dans cette phase-là d’artiste selon moi). Comédies françaises qui sont d’ailleurs souvent remarquables dans le cas de Virginie Efira et qui vous donnent la pêche après visionnage (exemple de « 20 ans d’écart »(2013)).
https://culture494.wordpress.com/category/les-comedies-a-la-francaise/
Et rappelons une fois pour toute que Virginie Efira fut, par le passé, animatrice TV que ce soit pour la TV belge ou française (« La Nouvelle Star » sur M6), mais depuis quelques années, elle fait le tour de cinéastes français exigeants et à l’univers original (Emmanuel Mouret, Emmanuelle Cuau, Justine Triet, Marion Vernoux, David Moreau…). Une actrice consciente de ses rôles, de son corps et de sa photogénie (blonde à forte poitrine comme dirait Elie Semoun…). Et c’est d’abord, une actrice qui utilise son statut pour mettre en avant et lancer des films difficiles, au propos politique et social fort (exemple de « pris de court »(2017), un film sur la cohésion familiale face à la brutalité et l’inhumanité du monde extérieur).
Une actrice totale aussi selon moi, qui maîtrise aussi bien le champ théâtral, le doublage, la promo, les photos, la télévision, la radio, Internet (http://www.virginie-efira.com/ ) et fait même parfois la chanteuse (https://www.youtube.com/watch?v=sJo0YYhqU6g). Et ce qui est tout à son honneur, c’est qu’elle utilise, depuis des années, sa notoriété et sa médiatisation pour de nombreuses causes caritatives (Soirées UNESCO, SIDACTION, TELEVIE, les Toiles enchantées, Fonds Ariane…) où elle fait profiter de sa présence. Ici, nous ne sommes pas dans les discours ou la représentation, mais dans l’action et l’engagement.
Pour compléter le tout, il faudrait aussi établir une typologie des rôles masculins dans les films avec Virginie Efira (entre les ex, les jeunes fiancés, les copains masculins ou les mâles dominants, pas mal de névrosés quand même dans le lot…et si vous remarquez bien, dans ses films, elle est rarement dans le cadre du couple hétéronormé traditionnel, sauf vers la fin de ses comédies pour un happy end de bon aloi). Ainsi, posons-nous la question de l’état de la société française au miroir de ses récentes comédies contemporaines, ce que cela suppose de souffrances et de mal-être avec des personnages qui ne vont pas bien (mais vraiment pas bien du tout). Rappelons aussi qu’elle est en train de faire actuellement le tour des comédiens français avec tout ses films tournés, on retrouve dans sa filmographie Vincent Lacoste, Melvil Poupaud, Pierre Niney, Charles Berling, François-Xavier Demaison, Raphaêl Personnaz, Elie Semoun, Clovis Cornillac, Gérard Depardieu, Daniel Prévost, Edouard Baer, Laurent Lafitte, Grégoire Ludig, Jean Dujardin ou Benjamin Lavernhe…de fortes personnalités dirons-nous.
De l’importance des couettes:
D’autre part, ce qui est fascinant chez les Belges (les Wallons et les Bruxellois plus précisément), c’est leur profonde compréhension des éléments culturels (ou même sociaux et politiques) français. La francophonie, dans ce cadre-là, n’est pas un vain mot. On la remarque beaucoup chez ces acteurs et cinéastes belges (l’inverse est moins vrai).
https://www.youtube.com/watch?v=owL40E4IWNg&t=796s
Et pour en revenir à Virginie Efira, que le chemin fut long et sinueux de ces prestations TV à la diffusion de ces films dans des festivals comme Cannes ou Angoulême. Elle est passée en quelques années de films populaires à des films d’auteurs plus exigeants, ce qui est remarquable sachant d’où elle vient à l’origine (Animation TV), mais aussi où elle pouvait rester cantonner ad vitam aeternam (comédies à la française), sachant aussi les divers degrés de hiérarchie entre acteurs français (comédiens de théâtre, de cinéma, de télévision ou de la Comédie-Française…). Elle a su trouver et imposer sa place.
En outre, c’est aussi un très bon soldat concernant la promotion des films ; on a pu la voir dans diverses couvertures magazines, radios et émissions de télévision (c’est bien simple, elle les a pratiquement tous faits en France) ; médias où d’ailleurs, elle semble très à l’aise, à la fois cool, intelligente et drôle. Elle s’est quand même tapée une expédition en Mongolie dans l’émission de Frédéric Lopez, « Rendez-vous en terre inconnue ». Emission qui a cartonné d’ailleurs (A quand le Kazakhstan ou encore mieux le Qatar? En tous les cas, le Kirghizistan, c’est bien parti…). Et pour utiliser une expression médiatique ; depuis quelques mois (et grâce surtout à son rôle dans « Victoria »), Virginie Efira semble avoir « la carte » auprès des médias culturels, du style « les Inrockuptibles » ou « Libération ». D’ailleurs, la couverture du « Studio Ciné Live » d’avril 2017 mettait en avant Virginie Efira et Guillaume Canet avec cette idée que ces 2 comédiens faisaient bouger les lignes du cinéma français par leur audace et leur inventivité.
http://next.liberation.fr/cinema/2016/05/11/virginie-efira-second-life_1451963
D’autant plus que Virginie Efira a commencé à passionner véritablement les cinéphiles dans « Elle » de Paul Verhoeven et bien entendu « Victoria » de Justine Triet. Pour ce dernier film, il faut lire les critiques dithyrambiques la concernant, on écrit qu’elle sait imposer sa plastique, voire son corps filmé au plus près pour cette histoire d’avocate pénaliste au bord du burn-out sentimental et professionnel, rôle de femme sexuée voulu et recherché par la réalisatrice Justine Triet. Description de femme trentenaire peinant à tout gérer, aussi bien l’intime, ses enfants que son boulot d’avocate et qui alterne, afin d’aller mieux, séances chez le psy, la voyante et même chez un inquiétant acupuncteur (scènes qui se succèdent habilement et visuellement pour aboutir finalement au corps et à l’esprit fracassé de Victoria chez elle ; en fait, elle ne va pas beaucoup mieux…).
D’ailleurs, pour moi, ce film peut se résumer trivialement par les beaux gosses (Vincent Lacoste, Melvil Poupaud…) rencontrant les Beaux-Arts (Justine Triet). Et personnellement, je vois presque un symbole dès la première scène lorsque le premier baby-sitter décide de quitter l’appartement avec fracas (joué par Arthur Mazet, déjà présent dans « 20 ans d’écart »(2013)) et remplacé par Vincent Lacoste (de manière allégorique, on passerait ainsi de la comédie romantique traditionnelle au film d’auteur par ces 2 figures de comédiens, avis personnel…).
Vincent Lacoste et Virginie Efira:
En outre, ce film est aussi le résultat d’une rencontre improbable entre une vidéaste expérimentale (Justine Triet) et une actrice populaire, ex-vedette de la TV (Virginie Efira). Et comme le déclare Melvil Poupaud, c’est d’abord un portrait de femme trentenaire et de ses problèmes, une description aussi de la folie du monde contemporain (donc un témoignage prenant de ma génération, d’où le caractère passionnant et très moderne du film). De plus, si vous réfléchissez bien, la filmographie de Virginie Efira tient du miracle sachant le profond conservatisme ou misogynie du milieu cinématographique français que ce soit dans les thèmes abordés ou les rôles laissés aux actrices (sans oublier les nombreuses histoires de harcèlement dans ce milieu…).
http://www.telerama.fr/cinema/virginie-efira-au-cinema-ou-dans-la-vie-c-est-aux-femmes-de-porter-un-autre-regard-sur-elles-memes,138665.php
Ainsi, par ces films novateurs, depuis quelques années, les récompenses commencent à affluer: Magritte 2012 Prix du public, Magritte 2017 de la meilleure actrice, nomination Magritte 2017 meilleur second rôle féminin, nomination César meilleure actrice 2017. Ses prochains films tournés en 2017 avec Gilles Lellouche (« Le grand bain ») et Catherine Corsini (« Un amour impossible ») reprennent des thématiques altruistes et de solidarité (surtout pour « le grand bain »). Et n’oublions pas, the last but not the least, le bien nommé et passionnant « Blessed Virgin » de Verhoeven, où à mon avis, elle va en surprendre plus d’un avec son rôle de nonne « Soeur Benedetta », ayant des relations homosexuelles dans son couvent, histoire se passant au XVIIème siècle en Toscane en pleine Contre-Réforme italienne (attention au syndrome « Showgirls » cependant).Voilà une actrice libre pour des films libres.
https://www.youtube.com/watch?v=XBZHpYb8xHM&t=376s
PS: Pour continuer dans la béatification, pourquoi ne pas proposer Virginie Efira comme Marianne française (en plus, elle a acquis récemment la nationalité française). Toujours de brillantes idées moi…
Laetitia Casta et son double: