Larry Clark, un véritable artiste? On peut se poser la question, sachant d’où vient ce réalisateur. Et il est dérangeant en quoi? Et comment? Et a-t-il influencé d’autres réalisateurs par son style d’images et d’ histoires?
Larry Clark grandit dans un univers photographique et artistique prononcé ; il est né à Tulsa en 1943. Durant sa jeunesse, il demeure l’assistant photographe de sa mère, spécialiste de photos pour bébés. Il a rejoint une école d’art dans le Wisconsin et publie son premier ouvrage culte « TULSA », où il filme le monde des ados américains entre 1963 et 1971. Des ados dans leur plus simple appareil, sexe et drogue le plus généralement. Il cherche à montrer des jeunes gens libérés du carcan moral et bien-pensant.
Ses premiers films sont extrêmement dérangeants et terribles, car ils montrent des ados sans foi, ni loi, où les parents sont absents ou trop passifs. Désoeuvrement, désherence de ces ados qui commettent de mauvais actes ou amoralisme de leurs sentiments.
Et ce qui titille profondément avec ce cinéaste (et moi personnellement encore plus), c’est qu’il montre une jeunesse hédoniste et iconique ; il accompagne ainsi l’individualisme naissant de toute une génération (les sixties en gros), contre des valeurs morales ou conservatrices finissantes. Ce qui faisait aussi la force du livre « TULSA », c ‘est qu’il s’identifiait avec force à ces ados américains, ce qui était moins le cas pour ces films des années 1990 ; il se caractérisait plus comme observateur. Cinéaste dérangeant car il met aussi le doigt sur les névroses et difficultés de la jeunesse américaine (drogue, sida ou absence des parents…) ; montrer une jeunesse décadente et amorale ; montrer des parents absents ou trop passifs également. Mettre l’accent aussi par le biais du film « KIDS »(1995) sur une métropole urbaine new-yorkaise tentaculaire et impersonnelle, qui met en exergue de jeunes paumés ou en deshérence.
https://www.youtube.com/watch?v=H1Fw3uGKXHU
Et c ‘est ainsi en 1995 avec le sulfureux « KIDS » qu ‘il explose internationalement. Par ce film et grace des histoires parallèles filles/garçons new-yorkais ; il nous montre un univers d’adolescents new-yorkais bien givrés, où l’on retrouve ses acteurs fétiches, Léo Fitzpatrick, Chloé Sevigny ou Rosario Dawson.
Film choral qui démontre avec talent l’incommunicabilité des sexes et l’amoralité de ces adolescents. Long métrage qui a fait scandale à l’époque et qui en annonce beaucoup d’autres, du style « Bully », « another day in paradise » ou « Ken Park »…film dérangeant car il montre la dégénérescence de cette classe moyenne américaine par le biais du prisme cinéma. Modernité de ces ados américains, modernité des images, style de vie amoral et sexe, drogue et rock and roll à tous les étages.
https://www.youtube.com/watch?v=uKSIMkKIEek
https://www.youtube.com/watch?v=ZCFl0K5PSuU
Si les thématiques de Clark ne se résument pas seulement à «sex, drugs & rock’n’roll», elles illustrent surtout un moment charnière des années 1960, celui où les valeurs morales familiales basculent vers un individualisme hédoniste et marquent la prise de pouvoir de la représentation iconique des jeunes par les jeunes. Beauté formelle de ces jeunes, beauté extérieure et intérieure. Beauté des corps en mouvement.
https://www.youtube.com/watch?v=f3Nmle6_zcU
Larry Clark a fortement influencé des cinéastes comme Martin Scorsese ou surtout Gus Van Sant, par la description au scalpel de la classe moyenne américaine avec notamment le chef d’oeuvre de Gus Van Sant « Elephant »(2003), qui nous narre de l’intérieur et de manière intime le fait divers de Columbine (1999). Influence directe et explicite aussi par le film « Alpha dog »(2006) de Nick Cassavetes ; long métrage sur un fait divers réel d’un petit trafiquant de drogue de L.A et de son entourage, Johnny Truelove. Long métrage sous influence directe des images et idées de Larry Clark ; montrer un environnement de classe moyenne hostile et amoral. Un milieu de drogue, de sexe, de skateboard pour retracer un fait divers sanglant (le meurtre du frère d’un drogué en dette avec le dealer Johnny Truelove et ses affidés qui le suivent). Mais ce film se veut trop didactique et démonstratif pour stigmatiser une jeunesse hostile et amorale par le biais d’un fait divers.
https://www.youtube.com/watch?v=pl_LNh6kOP4