Sur les 40 ans de la revue « PREMIERE »

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Comme le déclarait si bien le critique Serge Toubiana: « Première est le premier jalon de la cinéphilie », numéro anniversaire des 40 ans et toutes ses dents, 40 ans à influencer toutes les générations cinéphiliques, 40 ans d’évolution cinématographique, avec des oublis mais peu de manques véritables.

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40 ans de films, de courants artistiques, de textes, de photos, de belles rencontres et de unes mémorables… On ne peut nier pour ce mensuel son influence journalistique (tirage à plus de 400000 exemplaires dans les années 1980), son ouverture d’esprit, son enthousiasme renouvelé aussi pour les films, les stars ou certains cinéastes « hype »qu’ils soient français ou européens. Magazine ciné people? Qu’est-ce qui le différenciait de « Studio » ou « des Cahiers du Cinéma »? Ses choix éditoriaux? Ses photos ou couvertures?  Tout cela à la fois mais pas que…

Magazine qui a accompagné son époque, a mis en avant certains cinéastes et stars à l’image de Depardieu, Adjani, Montand, Deneuve ou Tom Cruise, Dustin Hoffman, Al Pacino, Harrison Ford pour les Américains. Magazine qui a aussi accompagné l’évolution des critiques papiers et web face aux bouleversements de la sphère cinéphilique et journalistique.

Ce journal, dans ce numéro anniversaire, nous rappelle les témoignages des premiers rédacteurs comme évidemment Marc Esposito, Jean-Pierre Frimbois, Jean-Pierre Lavoignat, Michèle Halbertstadt, Alain Kruger ou Mathieu Caratier. Et c’est bien Jean-Pierre Frimbois, directeur de la direction de cette revue de 1976 à 1979, qui a imaginé et crée ce journal avec Marc Esposito, alors secrétaire de « Onze » ; à l’origine, il devait être moins élitiste que « les Cahiers du Cinéma » et « Positif », mais plus pointu que « Cinémonde » ou « CinéTéléRevue ». Magazine faisant partie à l’origine du groupe Lagardère Active (et actuellement du groupe Rossel).

Première Magazine Numéro 1

Premier numéro de « Première » publié en 1976 et réalisé dans l’urgence par les rédacteurs de « Onze », on y retrouvait des pigistes comme Jean-Pierre Lavoignat. Premier numéro avec la belle Sylvia Kristel en couverture. Premier numéro en 1976 avec aussi une rédaction qui vivait avec son époque et qui a littéralement accompagné toute une série d’acteurs et d’actrices français à l’image de Dewaere, Miou-Miou, Depardieu, Huppert, Dutronc ou Adjani, alors qu’ils étaient ostracisés par d’autres revues comme « les Cahiers du Cinéma ».

Un journal où les photos avaient autant (sinon plus) d’importance que les textes ou critiques ; une rédaction soudée et familiale avec à sa tête le passionné Marc Esposito. Journal cinéma qui savait flairer l’air du temps et savait prendre des risques comme mettre Depardieu plusieurs fois en couverture alors qu’il était considéré comme pas assez vendeur et médiatique à l’époque. Mais c’est avec Christophe Lambert et son fameux « Highlander » en 1986 que « Première » a connu des ventes stratosphériques (près de 480000 exemplaires vendus).

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« Première » dans les années 1980 tournait bien, mais certains rédacteurs souhaitaient créer autre chose et ont voulu faire naître « Studio », magazine cinéma plus luxueux, malgré le refus affiché de Daniel Filipacchi pour cette création (il a fait virer pour cela Marc Esposito et une grande partie de la rédaction de « Première »). A cette époque, « Première » et « Studio »se concurrencent sur les comptes-rendus de tournage, d’entretiens d’acteurs ou de cinéastes avec menaces à la clé (si tu fais la une de « Studio », on ne parle pas de ton film (ou si peu) dans « Première »).

Studio Magazine - Babelio

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De plus, « Première » a subi, au début des années 1990, l’évolution marquée et l’influence prégnante des agences de presse pour la production photos de tournages ou photos exclusives d’ acteurs ou de stars, ce qui a profondément dénaturé les relations « Première »-acteurs ou réalisateurs. Cependant, « Première » n’a pas loupé les grands films marquants de l’époque, à l’image de « Titanic, Matrix, Fight Club, la Haine, Avatar ou Twilight ». « Première » a su aussi prendre aussi le train du format web avec à la tête de cette rédaction Gaël Gohlen.

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Ainsi, pour finir et bien comprendre l’évolution de ce « news magazine », il faut rappeler l’opinion de Daniel Filipacchi sur ce secteur : « Aujourd’hui, il n’y a plus de demande pour la presse cinéma. Alors soyons bon dans l’offre! ». Secteur journalistique en pleine mutation mais toujours aussi  primordial, à l’image de la consommation de films toujours aussi prégnante (sous divers supports d’ailleurs comme la VOD, le Blu-Ray, DVD…), ainsi que de ventes de tickets de cinéma.

http://www.cnc.fr/webfr/frequentation-cinematographique

Les films anticapitalistes de Michael Mann

Le Solitaire - Film (1981) - SensCritique

TOM CRUISE ET MICHAEL MANN DANS « COLLATERAL » (2004):

Tom Cruise and Michael Mann on the set of Collateral (2004) | Cinéma

A l’heure où Donald Trump triomphe en tant que candidat à l’élection présidentielle américaine sur un programme néo-libéral et pro-capitaliste, intéressons-nous à un cinéaste américain comme Michael Mann qui combat cette vision des choses ; un styliste hors-pair et reconnu comme tel, on a pu le voir dès son second film « le solitaire » sorti en 1981 et en compétition officielle à Cannes la même année.

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Ainsi, au-delà des polars comme justement « le solitaire » ou « Heat »(1995), on reconnaît les atmosphères poétiques, les tons bleus métalliques de ces longs métrages, style visuel si reconnaissable chez Michael Mann, on identifie aussi des hommes talentueux enfermés dans leur solitude…bref, des thématiques que l’on retrouve de film en film. Un cinéaste politique qui a choisi son camp, à savoir préférer le petit artisan du crime contre le vilain capital (même dans le cadre de films mafieux comme « ennemis publics »(2009) où, à la fin de ce long métrage John Dilinger (Johnny Depp) fait office de « dinosaure » dépassé dans les années 1930 aux USA en tant que braqueur de banque dans un monde mafieux en complète recomposition et mieux organisé).

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Même Michael Mann considérait que peu de critiques (sauf les Français) avaient bien compris et analysé « le solitaire », alors que pour lui, au-delà du polar urbain, il s’agissait d’une critique en règle du grand capital (symbolisé ici par le mafieux paternaliste ou grande société au chambre forte bien garnie) face au petit artisan du crime, au savoir-faire modeste mais sûr (percer des coffres ici).

De plus, dans les films de Mann, on retrouve aussi des personnages en complète liberté d’action contre un autoritarisme aliénant et  on perçoît aussi des thématiques récurrentes comme  la critique du libéralisme économique, tout comme cette idée de vie indépendante et solitaire des personnages contre sécurité du couple ou de la famille.

Ainsi, depuis les années 1980, Michael Mann décrypte l’univers capitalistique contemporain, de l’américan « way of life » avec ses hommes de la marge, hors-la lois aux parcours tortueux qui mettent à mal le rêve américain, mais décrit très bien les décompositions urbaines, les maux des sociétés contemporaines (individualisme forcené, braquage, trahison à tous les étages, ultraviolence…) dans une Amérique dont les frontières deviennent poreuses et perméables à tout univers capitalistique, mais aussi à tous les trafics possibles et imaginables (drogues, armes, informatique…).

Pourtant, la résistance s’organise ; dans les films de Michael Mann, l’individu essaie toujours de s’en sortir par ses actes et ses convictions profondes devant des forces invisibles ou  prégnantes (conformisme social, froideur et indifférence sociétale, firmes multinationales tentaculaires…).

Le solitaire, Thief, Michael Mann, 1981 - le blog d'alexandre clement

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Michael Mann demeure donc un véritable metteur en scène à l’univers très fort, avec souvent des horizons bleutés ou métalliques  urbains comme arrière-plan ou paysage. Les héros chez Michael Mann sont la plupart du temps des hors-la-lois revendiqués et assumés (comme des personnes sortant de prison, des mercenaires sans foi ni loi, des braqueurs de banque…), ce qui inversent les notions de valeur morale traditionnelle.

En outre, chez Michael Mann, les braqueurs sont des êtres solitaires, très professionnels dans leur travail mais souvent incapables d’avoir ou d’établir une vie privée stable et apaisante, ils tiennent un discours nihiliste et n’ont pas d’attaches, ils viennent de nulle part. Ces héros se débattent dans un monde urbain et ultracapitalistique (trafic d’armes et de drogues, mercenariat, hold-ups) et se fondent dans ces systèmes libéraux avec rage et tristesse à la fois. Pour cela, Michael Mann utilise des procédés techniques originaux comme la caméra HD Thomson Grass Valley pour « Collateral » (2004) afin de filmer la ville de Los Angeles et ses rues tentaculaires.

De film en film, on retrouve chez Michael Mann, cohérence sur le fond et la forme, univers urbain fort, dématérialisation des liens sociaux, solitude à tous les étages, froideur et professionnalisme des personnages dans leur milieu de travail, flux et mouvement des protagonistes ou des objets au sein d’un univers transcapitalistique aux frontières floues -(cas flagrant de films comme « Miami Vice »(2006) ou « Hacker »(2015)), les personnages chez Michael Mann se déplacent beaucoup (voitures, hors-bord, métro, hélicoptère, avions…) ou sont toujours en mouvement (exemple de « Miami Vice »où il faudrait établir une carte géographique des événements et protagonistes du récit,  entre la Floride, Cuba et les Etats d’Amérique du Sud).

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Trafic de drogue, piratage informatique ou de données personnelles, les protagonistes chez Michael Mann combattent aussi seuls contre tous contre des ennemis bien réels, mais le plus souvent dématérialisés ou invisibles  (narcotrafiquants, pirates informatiques, mafieux paternalistes…). En ce sens, Michael Mann est bien politique et a choisi son camp camarade. Un autre monde est possible donc.

CONFERENCE ET EMISSION SUR MICHAEL MANN:

https://www.franceculture.fr/emissions/cinemas/le-cinema-de-michael-mann-hacker-le-solitaire