Les Duellistes: au bout du bout du bonapartisme.

La programmation talentueuse du Concorde à la Roche-sur-Yon nous a permis de revoir « les Duellistes » (1977) de Ridley Scott. Par ce film,  nous avons le premier long métrage de ce cinéaste anglais, « les Duellistes » nous narre ainsi la rivalité meurtrière entre deux officiers de la grande armée française napoléonienne, les dénommés Armand D’Hubert et Gabriel Féraud.

Inspirée d’une histoire vraie et d’une nouvelle de Joseph Conrad (déjà à l’origine du pitch d’ »Apocalypse Now »), la rivalité continue de ces deux officiers français nous amène aux périodes les plus glorieuses (ou non) de l’épopée napoléonienne (des guerres d’Italie jusqu’à la retraite de Russie en passant par les Cent-jours).

Film exemplaire, très étonnant par son image et les partis pris de mise en scène (film réalisé et produit par des Anglais ne l’oublions pas, ce qui montre leur connaissance très fine de cette période historique). Film sous influence aussi d’un point de vue pictural, mais aussi cinématographique (référence nombreuse à « Barry Lyndon »).

Afficher l'image d'origine

Film utile aussi historiquement, car ces deux officiers représentent bien la caste des officiers français de l’époque. D’un côté, nous avons un lieutenant français Gabriel Féraud (joué par un Harvey Keitel moustachu), borné et fanatique bonapartiste qui est toujours à l’origine des duels contre un autre lieutenant le bien nommé Armand d’Hubert (joué par Keith Carradine). Deux hommes, deux faces différentes du bonapartisme de l’époque. L’un fanatique, prêt à tout pour suivre son Empereur sur toutes les grandes batailles d’Europe et l’autre, plus critique vis-à-vis du système et de la personne de l’Empereur (représente un courant plus modéré, courant conservateur que l’on retrouvera au pouvoir lors de la Restauration sous Louis XVIII).

Afficher l'image d'origine

Gabriel Féraud représente ainsi l’officier borné, très militaire, considérant que son honneur a été maintes fois bafoué par ce d’Hubert (tout d’abord pour une peccadille, l’honneur d’une femme bafouée). Peccadille qui fera boule de neige et qui entraînera les deux protagonistes dans d’innombrables duels. Duels différents avec des armes de même comme l’épée, le sabre, le pistolet ou en chargeant à cheval, duel se passant dans une écurie…

Tout ces lieux montrent bien la vie, les lieux des combats de cette armée, mais aussi leur vie de tous les jours : auberge, bordel et femmes à soldats, campement sommaire, châteaux en ruine. Il faut bien savoir que ces hommes, ces officiers sont toujours en mouvement, d’une campagne à une autre, caractérisant ces soldats comme des professionnels de la guerre et de l’art militaire.

Afficher l'image d'origine

Deux personnages qui représentent deux systèmes, deux courants historiques qui sont amenés à s’éloigner : à savoir, les officiers et la Noblesse napoléonienne obligés de s’adapter à la Restauration après 1815 (officiers ruinés ou déchus de leurs titres) et ce d’Hubert, devenu général, noble français, qui se marie avec une belle provinciale dans un château cossu et menant une vie très bourgeoise (Noblesse de la Restauration).

Ce Féraud incarne donc bien l’idéal napoléonien jusque dans sa logique meurtrière et suicidaire d’officier (défendre son honneur jusqu’au bout…). Dérive meurtrière qui caractérise la fin du règne napoléonien et développe l’opposition conservatrice (pour une Restauration des Bourbons et de Louis XVIII notamment).

Louis XVIII:

Afficher l'image d'origine

Film étonnant, montré à Cannes en 1977 (et prix de la première oeuvre cette année-là) et qui met à jour un cinéaste en devenir (et qui changera de style et de genre bien des fois comme avec « Alien » en 1979 et « Blade Runner » en 1982). Film singulier et personnel, certains plans s’apparentent à des tableaux de l’époque, style classique de très bon aloi (comme d’ailleurs pour le « Barry Lyndon »de Kubrick). Ridley Scott voulait développer une atmosphère unique, une sorte de « stratosphère fine comme un drap de soie », les plans de paysage sont étonnants, très statiques comme le personnage de Gabriel Féraud à la fin du film, vivant de ses souvenirs et de ses batailles (finalement, il devient un dinosaure de l’Histoire).

Afficher l'image d'origine

Afficher l'image d'origine

Gérard Lauzier, un provocateur qui a mal tourné?

Gérard Lauzier est né à Marseille en 1932. Après des études de philosophie et d’architecture, il devient caricaturiste de presse et publiciste. Il passe huit ans au Brésil exerçant ces deux professions.A son retour, il devient auteur de bande-dessinée à part entière ; publié par le magazine « Pilote », il dessine des personnages satiriques bien de son époque, des cadres ambitieux, des publicitaires déjantés, des féministes hargneuses ou des militants communistes dogmatiques.

Amazon.fr - Lauzier : La Course du rat - Lauzier, Lauzier - Livres

Ses livres sont des petits chefs d’oeuvre d’invention avec ses « Tranches de vie, « les aventures de Lili Fatale » ou celles de « Zizi et de Peter Panpan » et découvrir personnellement ses albums à l’adolescence c’est faire un grand pas vers l’âge adulte.

Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine

Il s’inscrit véritablement dans la bande-dessinée pour adultes comme Reiser ou Bilal. Relire ses bandes-dessinées, c’est comprendre une époque avec ses mutations ou ses travers comme les post-soixante-huitards attardés, des psys de l’anti-psychiatrie ou des cadres (très) libérés sexuellement. Ces bandes-dessinées sont terriblement cyniques pour l’époque (un peu trop parfois pour certains ?), mais jouissives pour l’esprit.

Afficher l'image d'origine

Afficher l'image d'origine

Toutefois, cet esprit cynique aura du mal à passer le cap des films, édulcoré par les dialogues et les enjeux financiers. Ces bandes-dessinées seront adaptés pour le cinéma, notamment ces « Tranches de Vie » ; films à sketch, avec l’équipe du Splendid, rentrant bien dans l’état d’esprit du café-théâtre des années 1970, présentant des babas-cools faussement libérés ou des cadres énervés. Films à sketch qui ont fait les beaux jours des programmation de la Cinq dans les années 1990 (quota de diffusion française oblige).

Au début des années 1980, Gérard Lauzier mettra en scène ses propres albums comme « T’empêche tout le monde de dormir » (1982) avec Daniel Auteuil , »P’tit con » (1984) avec l’inénarrable Guy Marchand ou scénarisera « Je vais craquer » (1980) avec Christian Clavier, Nathalie Baye et Anémone.

P’tit con (1984):

Je vais craquer (1980):

Gérard Lauzier connaîtra son plus grand succès public avec « Mon père ce héros » (1991) avec Depardieu et Marie Gillain. Film qui sera l’objet d’un remake américain « My father this hero »(1994) avec toujours Depardieu, il enchaînera avec « le plus beau métier du monde »(1996), histoire d’un professeur d’Histoire-Géographie (Depardieu) muté de force en ZEP en région parisienne et les conséquences afférentes (violence verbale et physique des élèves).

https://www.youtube.com/watch?v=upygiVbFQpA

Il réalisera ensuite « Le fils du Français » (1999), pochade avec Josiane Balasko, Fanny Ardant, Thierry Frémont et participera au scénario et aux dialogues d’ »Astérix et Obélix contre César » (2001).

Afficher l'image d'origine

On remarquera que ces derniers films n’auront pas la verve, le cynisme de ces premières oeuvres ; ces films sont plus consensuels, plus fédérateurs, beaucoup moins marqués sociologiquement…Changement d’époque, de ton ou comique qui a changé ?

HERCULES 2: enfin le retour!

Prochain RDV de l’absurde Séance Nantes, jeudi 07 avril :UN SUPER NANAR pour bien rire et passer une bonne soirée.

HERCULES 2 (les aventures d’Hercule) 1985 /Italie / copie DCP / durée : 1h28 / Version Française.Un film de Lewis Coates (Luigi Cozzi) réalisateur de Starcrash – Contamination – Hercules. UN NANARLAND PUR JUS, UN GRAND MOMENT DE CINEMA, A MOURIR DE RIRE !

On a volé les sept éclairs de Zeus, ce dernier envoie notre demi-dieu préféré pour les récupérer. Ce sont les autres dieux qui, rebelles au pouvoir de Zeus, ont fait le larcin et caché les éclairs aux quatre coins de la Terre. Pendant ce temps, un dangereux sorcier sacrifie toutes les filles de son village pour amadouer une créature… Les deux dernières filles du village demandent de l’aide à notre héros barbu, qui va péter la gueule des malfaisants avec ses biceps d’éléphant nourri à la créatine.

Bon, ok raconté de la sorte ça semble à moitié con, mais je vous rassure le film l’est totalement . D’un ringard stupéfiant, flanqué de décors et effet-spéciaux irrésistiblement drôles, gonflette, carton-pâte et éclairage disco au programme de cette musculeuse et sympathique série Z.

Avec : Lou Ferrigno ( Hulk), Sonia Viviani, (l’avion de l’apocalypse), Claudio Cassinelli (Atomic cyborg) , William Berger (la guerre du fer)

 

 

 

Joey Starr: du rap au cinéma

Intéressons-nous ainsi au parcours de ce rappeur, producteur sound system de rap (avec son mythique label B.O.S.S) et aussi maintenant acteur.
Personnage entier, écorché vif, souvent ingérable, qui a eu longtemps maille à partir avec la justice (que ce soit pour trafic de drogue, violence conjugale ou violence tout court). 
Afficher l'image d'origine

Joey Starr, de son vrai nom Didier Morville, est un rappeur français d’origine martiniquaise du 9-3 né le 27 octobre 1967.

De son enfance en Seine-Saint-Denis, il en retient surtout des parents absents (il ne connaissait pas ou peu sa mère naturelle et c’est son père qui l’a élevé (à sa manière c’est-à-dire violente)), une banlieue sinistre faite de trafics en tout genre et de lascars peu fréquentables. Il s’échappe de chez lui vers 20 ans (après avoir fait un service militaire épique) et vit dans la rue pendant près de deux ans (squattant ou habitant chez l’un ou chez l’autre de ses connaissances).

Musique. NTM, un rap toujours suprême | L'Humanité

Pendant ses périodes de zone, il rencontre son futur acolyte Kool Shen (Bruno Lopez) et décide de monter le groupe de rap NTM (à la suite d’un défi avec un autre rappeur). Il faut bien comprendre que le Joey Starr a commencé dans la culture hip-hop avec la danse (le break dance dans les années 1980), puis les graffitis (dans le métro, dans les gares ou sur les murs de banlieue (avec déjà la signature NTM)) et ensuite le rap en 1989.

Au sein du groupe NTM, ils se répartiront les rôles et les chansons (il a une voix plus grave que Kool Shen) et pour lui, ce groupe était véritablement sa raison de vivre (voire de survivre) dans un monde considéré comme hostile. Groupe NTM qui produira et composera près de 6 albums et va splitter en 2001, après avoir essaimé la France (et les pays francophones) de shows et de spectacles bien hardcore. Le duo se reformera en 2008 pour des concerts à Bercy et une tournée nationale.

Rappeur, mais aussi acteur (voire même réalisateur de ses clips). On le voit ainsi dans « Taggers » (1990) de Cyril Collard ; il fait des apparitions drôlatiques dans « RRRrrr !!! »(2004) d’Alain Chabat (personnage de l’essayeur de gourdins) ou « Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre »(2001) du même Chabat (personnage de Niklapolis) ; mais aussi dans « La Tour Montparnasse infernale »(2001) de Charles Némès.

C’est donc Maïwenn qui lui fait jouer des rôles un peu plus consistants, comme « Le Bal des actrices »(2009) et donc « Polisse ». Maïwenn aurait, pour la première fois, parler de ce rôle au rappeur alors qu’il était pour une énième fois derrière les barreaux. Il est donc assez ironique et savoureux de le voir dans ce film comme garant d’une autorité judiciaire, voire d’une certaine morale.

Personnage souvent considéré comme violent (une véritable teigne), mais dont le regard des médias a peu à peu changé avec notamment la sortie du livre autobiographique « Mauvaise réputation » (Entretien avec Philippe Manoeuvre, éd. Flammarion, 2007), où il raconte sa vie, son parcours au sein du hip-hop, les débuts dans le rap, les concerts (violents ou non, réussis ou non).

Personnage attachant et livre particulièrement hilarant, lorsqu’il raconte notamment son service militaire en Allemagne (à Saint-Wendel), après avoir tout tenté pour se faire réformer (atrophie physique des parties génitales). Mais bon, au moment de se faire réformer, dans la file d’attente, il cherche, comme par hasard, des « noises » avec d’autres appelés ; un gradé s’approche :

« -Il se passe quoi ici ? J’vous rappelle que vous êtes dans une caserne, alors discipline !! Discipline !!

Qu’est-ce qu’tu vas me parler de discipline. T’es qui toi ? T’es rien, pour moi, t’es juste le facteur. Tu vois ce papier, j’suis réformé alors ta discipline tu peux t’la mettre dans le cul !! ».

Evidemment, après ce genre d’altercation, plus question d’être réformé et il est envoyé, pour l’exemple, dans un bataillon disciplinaire à Saint-Wendel en Allemagne. Et comme le gars ne fait rien à moitié, au lieu de faire les 12 mois réglementaires, il en fait 19 du fait des divers emprisonnements, trafics en tout genre (shit, drogue, nourriture, fournitures et même armes…) et même insultes envers les gradés.

Afficher l'image d'origine

Livre passionnant donc pour comprendre le milieu du hip-hop des années 1980 à aujourd’hui : les concerts mythiques de Bercy ou en banlieue, les bastons généralisés avant,pendant et après les concerts, les flics débordés ou les relations avec les autres groupes de rap français (avec les marseillais de IAM notamment) ou même US (« Comment ils nous prenaient de haut »). Dans ce livre, on découvre ainsi les relations tumultueuses entre Joey Starr et les médias français, Joey Starr et le business de la musique et aussi Joey Starr et les femmes, dont Béatrice Dalle avec qui il est sorti pendant près de 10 ans et qu’il appelait affectueusement « Jean-Claude » ; une Béatrice Dalle encore plus givrée que lui et qui collectionnait, chez elle, des chandeliers (volés) d’Eglise et des moteurs de motos accrochés au plafond.

Afficher l'image d'origine

Bref, un personnage aux 1000 vies et dont la rage intérieure participe de son talent dans l’écriture de ses chansons ou flows. A preuve, ci-dessous, extrait de la chanson « Le Monde de demain » (un de leurs premiers morceaux en 1991) :

« Pur produit de cette infamie

Appelée la banlieue de Paris

Depuis tout jeune je gravite avec le but unique

D’imposer ma présence

Trop paresseux pour travailler

Trop fier pour faire la charité

Oui je préfère la facilité

Considérant que le boulot

M’amènera plus vite au bout du rouleau

Alors réfléchissez : combien sont dans mon cas

Aux abords de vos toits

Et si cela est comme ça

C’est que depuis trop longtemps

Des gens tournent le dos

Aux problèmes cruciaux

Aux problèmes sociaux

Qui asphyxient la jeunesse

Qui résident aux abords

Au Sud, à l’Est, à l’Ouest, au Nord

Ne vous étonnez pas

Si quotidiennement l’expansion de la violence est telle

Car certains se sentent seulement concernés

Lorsque leurs proches se font assassiner…

Est-ce ceci la liberté-égalité-fraternité ?

J’en ai bien peur

Refrain :

Le monde de demain

Quoi qu’il advienne nous appartient

La puissance est dans nos mains

Alors écoute ce refrain…(…) »

Ainsi, Joey Starr est en train de se définir peu à peu comme un véritable acteur, suivant les traces en cela de rappeurs US comme LLCoolJ, Ice-T, 50 Cent ou même le talentueux Eminem qui ont su imposer leurs présences dans le cinéma américain.

50 Cent:

Afficher l'image d'origine

LLCoolJ: 

Afficher l'image d'origine

Ice-T:

Afficher l'image d'origine

On peut le voir aussi dans un rôle plutôt original dans « L’amour dure 3 ans »(2012)  de Frédéric Beigbeder, film tiré de son roman.

D’autre part, en 2008, Didier Morville est choisi au casting de la série télévisée « Mafiosa », puis apparaît dans de petits rôles de divers films incluant « Passe passe ; la personne aux 2 personnes » ; puis en 2009 dans « le bal des actrices », qui lui vaut sa première nomination au César du meilleur second rôle.

En 2010, il fut à l’affiche de « l’immortel » de Richard Berry, puis enchaîne donc dans  « Polisse », qui lui apporte à nouveau une nomination au César du meilleur acteur dans un second rôle en 2012.  Toujours pour ce film, Joey Starr a reçu le prix Patrick Dewaere pour sa prestation  On l’a vu aussi  récemment dans « Dix pour cent », de Cédric Klapisch où il jouait son propre rôle.

http://video.lefigaro.fr/figaro/video/dix-pour-cent-la-marquise-julie-gayet-face-a-joeystarr/4583992006001/

PS : Je persiste et signe : le livre d’entretien de Joey Starr avec Philippe Manoeuvre « Mauvaise réputation » ferait une très bonne adaptation scénaristique, une sorte de « 8 mile » français mais dans l’univers du hip-hop français (tant le livre est riche en anecdotes et tranches de vie sur ce milieu).

8 Mile - Curtis Hanson - DVD Zone 2 - Achat & prix | fnac

Patrick Schulmann: des comédies à la française

Le réalisateur, scénariste, producteur et musicien Patrick Schulmann nous a quitté trop tôt en 2002 (à la suite d’un accident de voiture). Retour sur un cinéaste mésestimé de la critique officielle et des revues dites de haute tenue (mais respecté et défendu par d’autres revues moins dogmatiques, comme  la disparue »Brazil » ou « Première »).

Dans les années 1970 jusqu’au milieu des années 1980, le cinéma français était dominant, en terme de part de marché, par des films légers ou des comédies grasses et populaires (la série des Gendarmes à Saint-Tropez , les films des Charlot ou ceux de Philippe Clair…). Les films de Patrick Schulmann s’inscrivaient directement dans cette lignée (ou positionnés comme tels), alors que ces comédies étaient d’une meilleure tenue (comme « L’amour propre » (1985) de Martin Veyron ou les films tirés des bandes-dessinées de Lauzier).

Afficher l'image d'origine

Patrick Schulmann est né en en 1949 ; il appartient à la génération des baby-boomers et ces films reflètent donc l’évolution sociologique de la société française, à travers ses films comiques ou légers comme « Et la tendresse…Bordel »(1978) ou « ZIG-ZAG » (1981). Un comique issu de la bande-dessinée, très enlevé, assez provocateur, mais aussi poétique et léger. Revoir les comédies de Patrick Schulmann, c’est comprendre toute une époque, des personnages alambiqués et légers, des histoire improbables et une certaine liberté de ton , de moeurs. Son premier succès « Et la tendresse ?…Bordel » (1978) nous conte en parallèle l’histoire amoureuse ou sexuelle de trois couples censés représenter des modèles de couple différent :

Afficher l'image d'origine

- François (Jean-Luc Bideau égal à lui-même), séducteur misogyne, dirige un Eros Club ce dont souffre silencieusement sa femme Carole.

- Léo et Julie représentent un couple romantique et timide qui va bientôt se marier, mais Léo commence à prendre ses aises machistes avec sa future femme.

- Luc (Bernard Giraudeau) et Eva (Evelyne Dress) forment un couple plein de tendresse (un couple libre), sans moralisme ni faux-fuyant.

Ces trois couples sont l’occasion de sketchs inégaux, mais irrésistibles. La première scène du film est désopilante. Dans une rue de Paris, on y voit Jean-Luc Bideau descendre de voiture, habillé en cadre dynamique, monter les escaliers d’un pas alerte pour retrouver son amante dans son appartement, lui tapoter les fesses en guise de bienvenue de manière ouvertement machiste, puis se déshabiller, se retrouver au lit puis repartir d’un pas alerte content de lui. La scène est découpée en quatre plans, entrecoupée de dialogues hilarants.

- Elle : « Chéri, à chaque fois que tu viens chez moi, j’ai toujours l’impression que c’est uniquement pour ça…

- Lui (prêt à partir) : Mais voyons, chérie, tu sais bien que non… »(sic)

Cette scène d’introduction n’a pas duré plus d’une minute, et elle donne le ton du film. Irrésistible! Si le film, à sa sortie, a été ignoré par la critique ; il a rassemblé près de 3 millions de spectateurs dans toute la France. Ce film sera l’occasion d’une suite en 1982.

Les films de Schulmann sont largement influencés par la bande-dessinée (Il n’est qu’à voir les affiches de ces films, des images dessinées…) ; ces personnages sont souvent des Pierrot lunaires, plus ou moins artistes comme dans « Zig-Zag « (1981) et des passages du film sont entrecoupés de partie en bande-dessinée ou en animation. Ces partis-pris de mise en scène sont aussi représentatifs de toute une époque, et d’un style artistique (à savoir l’explosion dans tous les domaines, à cette époque, du neuvième art…) ; de nombreux dessinateurs, comme Jean-Claude Mézières, Jean Giraud ou Gérard Lauzier, voient leurs bandes-dessinées se muer en film et donner aussi le ton du film (quelque fois, l’album de l’auteur sert de véritable story-board au film ; exemple : « L’amour propre » de Martin Veyron en 1985).

Afficher l'image d'origine

Ce ton de comédie, on le retrouve dans « Rendez-moi ma peau » (1980), ou un homme et une femme changent de peau et de sexe par la même occasion.

Mais surtout dans PROFS (1985), le plus gros succès de ce cinéaste. Le film nous montre l’histoire de Frédéric (Patrick Bruel jeune, avant la Bruelmania…), nouveau professeur de Lettres dans un lycée, qui entraîne trois de ses collègues, Michel (Fabrice Luchini, égal à lui-même), prof de dessin et artiste frustré, Gérard (Laurent Gamelon), prof de Gym, et Francis (Christophe Bourseiller), documentaliste, à mettre fin à l’ordre scolaire établi, en éliminant tous les mauvais enseignants ou les censeurs trop réacs, et en provoquant chez les élèves une crise de créativité.Il se dégage du film un ton désopilant, par des sketchs hilarants (La prof de Physique nazie, le prof d’histoire-géo marxiste, enlevé et relooké en Adolf Hitler ou l’élimination du prof de Maths trop réac par l’intermédiaire de boisson alcoolisée).

Mais, le film adopte aussi un ton poétique et léger dans les rapports entre profs et élèves notamment. Bon, en même temps, ce n’est qu’une comédie potache qui ne va pas bien loin, mais fait plaisir à voir ou à revoir devant le conformisme actuel des productions cinématographiques françaises.

Son dernier film « Comme une bête » (1998) avec Sagamore Stevenin se voulait une comédie fin de siècle, rassemblant tous les thèmes préférés du réalisateur (Une sorte de Candide, sorti et élevé dans la jungle, va se retrouver en plein Paris dans une autre jungle rencontrant des personnages hauts en couleurs).

Afficher l'image d'origine

Les films de Patrick Schulmann représentaient bien sa personnalité et ses valeurs comiques, poétiques (ainsi que ses choix de vie).

Ainsi, les ressorts de la comédie se font, dans les films de Schulmann, par le biais de sujets scabreux (L’évolution sociologique des couples) ou en sabotant complètement l’Institution (exemple de l’école). Ces comédies reflètent toute une époque (plus insouciante et moins coincée qu’aujourd’hui ?) et sont un plaisir des yeux.

Sur Patrick Schulmann:




Les films-monde de Paul Thomas Anderson

Eloge de la sous-culture américaine ou plutôt californienne à travers le cinéma de Paul Thomas Anderson

Si de nombreux cinéastes américains se définissent d’abord par leur milieu géographique (Woody Allen ou James Gray et New-York, Michael Mann et Chicago), on peut préciser que Paul Thomas Anderson redonne ses lettres de noblesse à la côte Ouest des Etats-Unis, sa culture (ou sous-culture ?), son histoire et sa mythologie.

Résultat de recherche d'images pour "paul thomas anderson"

 

Paul Thomas Anderson est né et élevé dans le milieu du cinéma ; il débute en tant qu’assistant de production sur des téléfilms, des clips-vidéos et des émissions pour jeunes. A 23 ans, il se fait renvoyer de la section cinéma de l’Université de New-York pour ne pas avoir payé ses frais d’admission. Il utilisera cet argent pour financer son premier court-métrage « Cigarettes and Coffee » qui relate l’histoire de cinq personnes se croisant dans un café et les multiples casinos de Las Vegas.

Un an plus tard, sa plongée dans le cinéma pornographique des années 60-70 « Boogie Nights » (1998) lui vaut trois nominations aux Oscars, dont celle du meilleur scénario. Mais c’est « Magnolia » (Ours d’Or à Berlin en 2000), oeuvre chorale et foisonnante, qui confirme le talent du réalisateur. Il y retrouve ses comédiens fétiches, à savoir William H.Macy, Julianne Moore, Philip Baker Hall ou encore Philip Seymour Hoffman…

La notion de famille est ainsi primordiale dans l’oeuvre du cinéaste, famille non-traditionnelle le plus souvent, famille d’adoption ou recomposée. C’est d’ailleurs un des thèmes principaux de « Boogie Nights » : Eddie Adams, un jeune cuisinier, est engagé pour jouer dans des films pornos dans le Los Angeles des années 70 et va se constituer, au sein de ce milieu, une famille bien plus accueillante que sa famille biologique (il subit une mère acariâtre et un père falot ou absent). Le film raconte cette période de sa vie et est inspiré de la véritable vie de John C.Holmes, hardeur très connu de l’époque. Le personnage joué par Burt Lancaster devenant le père adoptif du héros, celui joué par Julianne Moore la mère, celui joué par John C.Reilly le frère et celui de Heather Graham la soeur dévergondée.

Dans « Boogie Nights », ce qui frappe surtout, c’est la formidable envie de cinéma. Le plan d’ouverture du film, un noir de 20 secondes où on n’ entend qu’une musique quasi-funéraire est un hommage direct à « Rencontres du Troisième Type » de Spielberg (1977).

Le premier plan-séquence, mythique, comporte un court hommage à « la Soif du Mal » d’Orson Welles (la grue suit une voiture au long d’une rue dont l’ambiance pose celle du film). Ce plan-séquence est magistral, car il présente tous les personnages-clés du film en un seul plan. Paul Thomas Anderson connait bien ce milieu car il a grandi à Los Angeles dans le quartier de San Fernando Valley, lieu fameux de tournage porno. Ce qui fait aussi la patte « Anderson », c’est son sens du rythme : de longs plans séquences avec à chaque fois cinq ou six acteurs qui interviennent ou dialoguent dans le plan. Le cinéaste cherche à nous montrer une époque, des personnages haut en couleurs et un milieu très codé, mais aussi très familial.

Cette mosaïque des acteurs, on la retrouve dans « Magnolia » (2000), où tous les personnages du film sont en manque d’amour, lié le plus souvent à un traumatisme de leur enfance. Pour l’un (Tom Cruise), abandon du père volage au chevet de sa mère mourante , pour une autre un père incestueux, et pour un enfant, l’impression de n’exister que pour faire gagner de l’argent à son père dans des jeux médiatisés (avec d’autres enfants prodiges, conscients de leurs valeurs et de leur impact médiatique). Le film montre le destin et les amours contrariés de neuf personnages dans la ville de Los Angeles. On retrouve de nombreux acteurs du premier film, à savoir John C.Reilly, Philip Seymour Hoffman ou Julianne Moore, mais aussi de nouveaux-venus comme Jason Robards ou Tom Cruise (hallucinant en gourou du sexe, prêt à tout pour faire tomber la gent féminine sous ses griffes ; ici, Tom Cruise se moque de lui-même et de sa figure médiatique).

Les personnages se heurtent et se croisent, à travers les chansons d’Aimée Mann. La mise en scène est très rythmée, les personnages sont filmés en partie de dos toute la première moitié du film, puis en partie de face lors de la seconde partie. Le film est alerte par de nombreux accélérés, mais aussi de ralentis qui montrent l’évolution sentimentale des personnages (film trop sentimental ?). De plus, certaines parties du film sont carrément chantées par les protagonistes (avec les paroles des chansons d’Aimée Mann).

Les personnages d’Anderson ne sont pas des intellectuels ou des gens fortunés (sauf le producteur mourant joué par Jason Robards dans « Magnolia » ) ; ce sont des gens de la classe moyenne, voire inférieure (vendeur dans une boutique, strip-teaseuse, réalisateur de film porno, barmaid ou technicien de film…). Mais le réalisateur ne les prend jamais de haut, il est plein d’empathie et de tendresse vis-à-vis d’eux. Il définit ainsi une carte du tendre de sa ville d’origine : Los Angeles.

Ce retour aux racines américaines, on le retrouve aussi dans son dernier film « There will be blood » (2007), l’histoire étant celle du chercheur de pétrole Daniel Plainview qui n’hésite pas à exproprier des fermiers californiens pour exploiter des puits de pétrole. Accompagné de son fils adoptif, il écume la région face à des fermiers incrédules et bigots. Le film cherche à montrer que la Californie et ensuite les Etats-Unis se sont construits d’abord sur l’avidité, la rapacité (essence du capitalisme) et le chacun pour soi (au détriment de la communauté, voire de sa propre famille).

En ce sens, son film « the master »(2012) rentre bien dans ce cadre-là, même phénomène pour « Inherent vice »(2015) ; en effet, « the master » se veut une description au scalpel d’une relation pygmalion/élève sous couvert d’une secte et de ses codes. Ici, le cinéaste prend comme modèle les débuts de la scientologie (pendant les années 1950-1960) comme phénomène de masse, à travers le culte de son maître, Lancaster Dodd (Philip Seymour Hoffman). Description aussi des USA dans « inherent vice »par le phénomène des sixties, avec une opposition frontale et décalée hippies/conservateur, hippies/policiers, Joaquin Phénix/Josh Brolin renvoyant une société américaine très divisée et remplie de contradictions

.Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine

 

Afficher l'image d'origine

https://www.youtube.com/watch?v=wZfs22E7JmI

 

Ainsi, par ses films-monde, Paul Thomas Anderson nous montre la côte ouest des Etats-Unis construite sur différentes industries (industrie du film porno, industrie pétrolifère ou prédominance des chaînes de télévision…).

Tonnerre sous les Tropiques: une réflexion burlesque sur le monde des acteurs

Ben Stiller demeure un acteur caméléon (« Mary à tout prix » ou « Mon beau-Père et Moi »), mais aussi un réalisateur prolifique et humoristique:  « Zoolander » et « Cable Guy ». Ici, il s’attaque aux us et coutumes, aux caprices surtout des acteurs, réalisateurs ou producteurs américains par le biais des films de genre (ici, les films de guerre, plus précisément la guerre américano-viêtnamienne …).

Par ce biais, Ben Stiller mélange film de genre, satire grotesque et univers hollywoodien dans un même monde ubuesque, faisant au passage une réflexion sur le rôle de l’acteur et son oeuvre supposée.

En effet, l’histoire est basique, un acteur de film d’action (Ben Stiller) voulant se renouveler et acquérir une véritable légitimité artistique s’embarque dans un film de guerre viêtnamien à message, avec d’autres acteurs bras cassés, Jack Black, impérial,  en acteur héroïnomane ou le génial Robert Downey Junior en acteur jusqu’au boutiste, prêt à aller assez loin dans l’école de l’Actors Studio comme de se pigmenter la peau afin de ressembler à un vrai sergent black US. La fine équipe est sous la tutelle d’un producteur tyrannique fan de rap (hallucinant Tom Cruise) et d’un réalisateur anglais complètement dépassé par les événements. Ces acteurs sont lâchés dans la jungle, mais ils ont affaire un peu plus tard à de véritables mercenaires viêts.

Tom Cruise en Less Grossman:

Afficher l'image d'origine

Le film est désopilant, car il montre des mises en abîme constantes, entre les jalousies des acteurs, les tics et les références à d’autres films de guerre (« Platoon » ou « Full Métal Jacket »). Le film essaie de se moquer des acteurs hollywoodiens à message, qui sont montrés comme des personnages égocentriques, tyranniques ou drogués. Ben Stiller se prend petit à petit au sérieux comme chef de troupe, chargé d’une mission (finir le film et rafler un Oscar…). Sa quête de légitimité comme acteur est aussi marquée antérieurement par d’autre rôle, comme « Simple Jack », l’histoire d’un attardé mental qui sait parler à l’oreille des chevaux…

Mais comme lui dit si bien son collègue Robert Downey Junior (toujours pigmenté en black), jouer un attardé mental, ce n’est plus payant pour un acteur pour l’Oscar (cela a déjà été fait…), il vaut mieux jouer un noir de l’armée US. Lui-même adopte les tics, la manière de parler ou les comportements des Blacks, quitte à être complètement à côté de la plaque ou se la jouer Black Panther militant au milieu de la jungle, sous les moqueries des véritables Noirs. Les personnages s’interrogent sur leurs rôles d’acteur et leurs actions spécifiques ; et la réalité va dépasser la fiction (par l’enlèvement de Ben Stiller par des mercenaires du Triangle d’Or).

Les autres acteurs cherchant à délivrer leur comparse Ben Stiller, comparse qui ne veut plus partir du village de mercenaires, car considéré comme un véritable acteur de composition, un héros par les villageois , ultra-fan de son film « Simple Jack », dont il doit jouer chaque jour grandeur nature, sur la place publique, les principales scènes larmoyantes. De plus, le film est délirant en ce qu’il montre une réalité asiatique complètement américanisée ; si les américains ont perdu la guerre du Viêtnam, ils ont maintenant complètement envahi la péninsule indochinoise, par leurs produits, leur économie ou leurs références publicitaires et les techniciens du film sont essentiellement asiatiques, sous la houlette de cadre américain.

D’autre part, le film nous montre des producteurs, des agents d’acteurs tyranniques et veules, qui ont une vision essentiellement mondialisée de la production et les acteurs, les réalisateurs comme de simples pions interchangeables ou des produits marketing (l’enlèvement de Ben Stiller sera récupéré à des fins commerciales pour la promotion du film, même chose pour sa libération…). La fine équipe arrivant à s’échapper de ce panier de crabes pour déboucher à la cérémonie des Oscars et y rafler de nombreux prix ; de ce fait, Robert Downey Junior sera même nominé en vrai aux Oscars 2009 pour son rôle dans « Tonnerre sous les Tropiques » catégorie meilleur acteur, véritable mise en abyme du film et de la réalité des prix.

Il faut aussi ajouter les nombreux seconds rôles désopilants, comme Nick Nolte en écrivain handicapé des deux mains, ancien combattant supposé du Viêtnam, dont l’histoire du livre sert de synopsis au film (en fait, un escroc qui n’a jamais mis les pieds au Viêtnam…) ou Mathew MacConaughey, en agent de Ben Stiller, qui essaie, tout au long du film, de ne pas perdre son principal client en tentant de satisfaire à tout ses caprices (plateaux-repas au milieu de la jungle, avion de tourisme mis à la disposition des acteurs…) .

Nick Nolte et ses fameuses pinces:

Afficher l'image d'origine

 

Alors n’hésitez pas, achetez ou louez le DVD de ce film toujours bien délirant, un des plus réussis de la filmographie inégale de Ben Stiller, et ne ratez surtout pas les fausses bandes-annonces du début…Hilarant !

Les producteurs « borderline »

La sortie du très beau film de Mia Hansen-Love « le père de mes enfants » en 2009 nous a rappelé que le métier de producteur cinéma n’est pas un long fleuve tranquille, long métrage faisant référence à la vie tragique et au suicide d’Humbert Balsan en 2005.

En effet, le cinéma français se caractérise aussi par la diversité de ses producteurs indépendants ; ses figures hautes en couleurs et des producteurs qui savent prendre des risques, pour une certaine idée du cinéma et de l’Art en général.

Dejà, lors de la naissance de la Nouvelle Vague, des producteurs indépendants ont permis l’éclosion et l’affirmation des films et réalisateurs de La Nouvelle Vague, avec des personnages comme Georges De Beauregard (producteur de Godard, de Rivette, de Melville…) ou les frères Hakim (producteur de Chabrol).

Ces petits producteurs permettaient l’affirmation de cinéastes nouveaux et prometteurs, mais aussi défendaient l’originalité de leurs idées (exemple de la polémique sur « La Religieuse » de Rivette en 1966).

Afficher l'image d'origine

A côté de certaines entreprises cinématographiques très présentes historiquement comme Pathé ou Gaumont, les petites firmes indépendantes ont permis l’éclosion de nouveaux producteurs originaux dans leurs manières d’appréhender le cinéma comme la figure marquante de Jean-Pierre Rassam dans les années 1970.

Afficher l'image d'origine

En effet, Rassam, d’origine libanaise, fut le producteur de Jean Yanne, Marco Ferreri ou Dino Risi…Celui-ci pouvait prendre de réels risques cinématographiques pour une certaine idée du cinéma. Ancien étudiant à Science-Po Paris, Rassam est devenu producteur par hasard ; il s’est associé avec Jean Yanne pour des films originaux et novateurs (« Comme les Chinois à Paris » (1975) ou « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » (1973)).

Afficher l'image d'origine

En 1974, Rassam est reconnu comme un producteur indépendant très puissant (il ressort du triomphe de « La Grande Bouffe » de Ferreri en 1973) ; à tel point qu’il cherche à racheter la Gaumont en 1974 (ce sera un échec). En tant que producteur indépendant, il ne se remettra jamais du film suivant de Ferreri ( « Touche pas à la femme blanche » (1974)), trop cher, trop baroque, ne rencontrant plus le grand public. En outre, la production du film « Lancelot du Lac » de Robert Bresson en 1974 le laissera exsangue et ruiné, du fait des dépassement budgétaires du film et de la défiance des techniciens vis-à-vis du film et du réalisateur (opposition à ses méthodes de travail notamment). A noter que ce film voit les débuts comme acteur d’Humbert Balsan en chevalier moyen-âgeux (prémisse de ses choix artistiques radicaux ?).

Ce type de producteur déjanté confondait vie professionnelle et vie privée ; il vivait dans des palaces, possédait une cour bigarrée, avait plusieurs femmes à la suite dont Carole Bouquet…Il est mort en 1985, à 43 ans, d’absorption trop prononcée de somnifères, laissant derrière lui une réputation de somnambule et d’aventurier du cinéma, devenant figure légendaire du cinéma (cf livre « Rassam le Magnifique » de Mathias Rubin, édition Flammarion, Paris, 2007), et même personnage de roman (« Ingrid Caven » de Jean-Jacques Schuhl chez Gallimard, 2000).

Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine

Comme l’affirmait déjà Pascale Ferran lors de la cérémonie des Césars en 2007 pour son triomphe avec « Lady Chatterley », il faut que le cinéma du milieu existe face à des succès commerciaux annoncés.

Ce qu’a toujours cherché à réaliser Marin Karmitz, qui a su allier films de prestige, pouvoir de diffusion et de distribution.

Marin Karmitz est un juif roumain parti s’exiler en France après 1945 avec ses parents, suite à l’invasion par les troupes russes de la Roumanie. Il s’installe à Nice et rentre à l’IDHEC après son bac, dans la section chef-opérateur.Il travaille avec Pierre Kast, Agnès Varda et Jean-Luc Godard comme opérateur. Il passe ensuite à la réalisation de courts-métrages comme « Nuit Noire, Calcutta » et « Comédie », et même des films militants comme « Coup pour Coup » (1972) ou « Camarades » (1969) ; à l’époque, il est membre actif de la Gauche Prolétarienne ; ces films connaîtront des problèmes de diffusion et d’exposition médiatique.

Afficher l'image d'origine

Pour combattre cette censure latente et diffuser ses propres films militants (ou les films des autres), il créera en 1974 le réseau MK2 avec son premier cinéma le 14 juillet Bastille.

Afficher l'image d'origine

Comme il l’a déclaré lui-même au magazine « Les Inrocks » le 31 juillet 2002 : « Le rapport entre le centre et la marge est fondamental. Je suis quelqu’un de la marge, c’est là qu’on peut créer ». Ainsi, Karmitz sera le héraut dans les années 1970, 1980 et 1990 des petits producteurs indépendants par ses réactions outrancières et son combat contre la création des multiplexes (opposition à la carte de réduction cinéma notamment, avant de l’adopter lui-même pour son circuit).

Actuellement, on peut considérer que Marin Karmitz n’est plus un producteur à la marge, avec un catalogue de près de 400 films, dont souvent des cinéastes de renom comme Claude Chabrol (« Poulet au Vinaigre », « Inspecteur Lavardin »), Louis Malle (« Au revoir les enfants »), Jean-Luc Godard (« Prénom Carmen », « Je vous salue Marie » ). Il se fait fort de produire des cinéastes européens, souvent persécutés ou ignorés à l’Est, comme le roumain Lucian Pintilie, Pavel Lounguine ou le polonais Kieslowski (« Bleu, Blanc, Rouge »). Ses films de prestige s’accompagnent de présence et de sélection dans nombre de festivals internationaux (que ce soit Cannes, Venise ou Berlin), à l’exemple du Festival de Cannes en 1982 ou cinq de ses films sont primés, dont la Palme d’Or « Yol » de Ylmaz Guney.

Marin Karmitz, contrairement à Rassam, a su utiliser la marge pour devenir le milieu, en contrôlant tous les systèmes verticaux de la production cinématographique, que ce soit la diffusion (près de 90 salles dans son réseau MK2), la production ou la réalisation. En ce sens, il fut ainsi membre et président du Bureau de liaison des Industries cinématographiques (BLIC- 2002-2003) et de la fédération nationale des distributeurs de films (de 2001 à 2006).En 2009, le président Nicolas Sarkozy l’a propulsé délégué général de son conseil pour la création artistique, conseil qui comprenait diverses personnalités de la culture..

Ce qui fait dire au journaliste Pierre Carles qu’il a allègrement retourné sa veste, passant du militantisme radical de la Gauche prolétarienne au pétainisme transcendantal de Sarkozy (comme d’une certaine manière Glucksmann ou Kouchner…).

Et enfin, afin de démontrer que la reproduction sociale existe aussi dans le monde du cinéma (il y a plein de fils de…) ; il faut rappeler, non sans malice, que le fils du couple Carole Bouquet-Jean-Pierre Rassam à savoir Dimitri Rassam a fait sa première incursion dans la production cinématographique à 27 ans avec « les enfants de Timpelbach » (2007), premier film de Nicolas Bary (sorte de « Guerre des Boutons » avec des acteurs de 7 à 14 ans), film fait à l’arrache avec 700 000 euros, pris à un fonds de soutien européen.

Afficher l'image d'origine

Quant au fils de Marin Karmitz, Nathanael, il est tout simplement devenu directeur général du groupe MK2 (cinémas – éditions-DVD) et il est en première ligne contre le téléchargement illégal des films au cinéma (films d’auteur notamment) et surtout des siens.

Un producteur à classer au même rang que Jean-Pierre Rassam par son originalité et son destin tragique, c’est Gérard Lebovici (né le 25 aout 1932, assassiné le 05 mars 1984, à 52 ans), à la fois producteur, diffuseur, créateur de la structure A.A.A ( Agence Artistique Artmédia comptant près de 421 clients à l’époque, dont Catherine Deneuve, François Truffaut ou Jean-Paul Belmondo…). Il fut le créateur des éditions Champ Libre (avec la publication d’écrivains aussi chevronnés que Clausewitz, Bakounine, Saint-Just, Mesrine ou George Orwell…). Il était aussi l’ami de personnalités médiatiques comme François Truffaut, Yves Montand ou l’avocat Georges Kiejman.

Afficher l'image d'origine

Il fut exécuté de quatre balles dans la nuque avenue Foch le 05 mars 1984 dans un parking souterrain, après avoir reçu un appel d’un pseudo François Besse, ami intime de Jacques Mesrine (dont il était en relation par la Gauche Prolétarienne). Personnage complexe et de gauche, soutien de campagne du candidat Pierre Mendès-France en 1967, puis créateur des éditions « Champ Libre  » en 1970, connu pour leurs radicalités singulières. Il a produit les films de Debord et en a assuré leur propre diffusion par l’achat d’un cinéma sur Paris (le Studio Cujas), qui a projeté ces films toute l’année et ce, jusqu’en 1984 (date à laquelle Guy Debord a préféré en interdire la diffusion, suite à des soupçons d’être le commanditaire du contrat sur Lebovici).

Jean-Luc Douin, journaliste au « Monde, a écrit une biographie sur le personnage « Les jours obscurs de Gérard Lebovici » Paris, édition Stock, 2004.

Résultat de recherche d'images pour "les jours obscurs de lebovici"

Comme il le déclarait lui-même « Je me suis retrouvé dans la funeste nécessité de gagner sans trêve de l’argent. Mais que l’on sache bien que c’est dans l’unique but d’être de quelque utilité à une révolution, qui me libérant de cette odieuse obligation, me rendra à moi-même et aux miens ». Discours radical pour une époque et un personnage ambiguê, aux idées libérées et ouvertes.

Agence Artmédia qui fut en contact constant avec la firme à la marguerite, à savoir la Gaumont et un de ses producteurs symboles : le bien nommé Daniel Toscan Du Plantier.

Afficher l'image d'origine

Né le 7 avril 1941 à Chambéry (Savoie), Daniel Toscan Du Plantier commence sa carrière dans la presse écrite. Il prend ainsi la direction de la publicité de France Soir en 1969, puis devient directeur général de Régie Presse et directeur de « France-Soir » en 1970.

Afficher l'image d'origine

En 1975, dans le sillage de Nicolas Seydoux, il rejoint la direction de Gaumont. Pendant 10 ans, il est à l’origine de plus d’une centaine de films aussi variés que « Cousin, Cousine » de Jean-Charles Tacchella (1975), « Don Giovanni » de Joseph Losey (1979), « La Cité des Femmes » de Fellini (1980), « Danton » de Andrzej Wajda (1983), « Fanny et Alexandre » de Ingmar Bergman (1983), « Carmen » de Francesco Rosi (1984), « Loulou » (1980) de Pialat, ainsi qu’ »A nos Amours » (1983) et « Sous le Soleil de Satan » (Palme d’Or à Cannes en 1987).

Résultat de recherche d'images pour

Daniel Toscan du Plantier se caractérisait par une certaine idée du cinéma et de la production, c’était un orateur hors pair, limite pédant (cf le fameux sketch des Inconnus le concernant, « Bouleversifiant » et « Emmerdifiant » c’est bien lui le Daniel Toscan Séplanté) ; du temps où il était à la Gaumont, il a mis en chantier des oeuvres prestigieuses, mêlant cinéma et opéra, oeuvre littéraire de prestige et cinéma, permis la rencontre de grands auteurs et public de masse. Il a toujours été un soutien inconditionnel de Pialat, mettant en chantier ces oeuvres les plus célèbres (« Loulou », « A nos Amours » ou « Sous le Soleil de Satan »), puis mettant en relation Pialat et CB2000 de Francis Bouygues (structure cinéma de TF1 à l’époque) pour « Van Gogh » en 1991.

Son éviction de la Gaumont en 1985 marque aussi le retour à une certaine normalité (?) de production. En 1988, il prend la tête d’Unifrance (chargé de promouvoir le cinéma français dans le monde) ; il était devenu enfin vice-président du conseil de surveillance d’ARTE en 1991. Il trustait aussi les présidences de prestige, celle de l’Académie des Césars en 1992, celle de la cinémathèque de Toulouse en 1996 jusqu’en 2003, du Festival international du film de Marrakech (crée en 2000).

Afficher l'image d'origine

Toscan, de son vivant (il est mort, en février 2003, d’une crise cardiaque lors du festival de Berlin), s’est toujours engagé pour imposer la marque internationale du cinéma français, son identité et son exception culturelles. C’était un ambassadeur hors pair, qui a laissé sa trace aussi bien dans des festivals aussi prestigieux qu’Yokohama (au Japon) qu’à Sarasota (aux Etats-Unis) ou qu’au festival de Moscou.

En 1999, son livre de souvenirs « L’Emotion Culturelle » est sorti aux éditions Flammarion, souvenirs qu’il faut mettre en parallèle avec la sortie en 1992 de son journal de bord, le bien nommé « bouleversifiant »(éd.Seuil, Paris, 1992).

Afficher l'image d'origine

Rencontre avec un cinéaste au travail: Frédéric Schoendoerffer

 J’ai remarqué qu’il y avait pas mal de choses ou d’articles sur vous sur Internet ; lisez-vous les articles sur votre personne ?

Non pas vraiment, seulement lorsque j’ai un film qui sort et savoir comment il est perçu, c’est toujours intéressant.

 Vous avez donné une « master class » à Beaune pour le festival du film policier. Et vous y avez dit quelque chose d’assez intéressant : c’est que si vous ne voulez pas être vraiment critiqué ou jugé, ne faites pas le métier de cinéaste.

Ah ben, ça c’est sûr ; si vous faites des films, vous êtes exposé à la critique, à des gens qui les ne les aiment pas ou moyennement.

 Je vais poser une question que l’on a dû vous poser plusieurs fois : l’hyperréalisme dans vos films et le gros travail d’investigation, de recherche dans ceux-ci.

Je pars du principe que plus je crois à ce que je vois, plus ce que je vois m’impacte. Il n’y a pas vraiment de calcul dans tout cela.

 J’ai fait des recherches sur vos films et ce qui ressort de vos films c’est que par exemple « Scènes de crimes »expose la violence perverse d’un sérial-killer, « Agents Secrets » montre la violence étatique et « Truands » reflète les moeurs barbares de mafieux sans foi ni lois. Finalement, par vos films, vous vous attaquez à des structures bien typées et  à leurs failles, comment des machines bien huilées sont grippées par des réalités qui leur échappent.

Oui, oui absolument. Je considère qu’il y a ainsi un fil directeur entre ces 3 films avec cette idée de violence dans la société.

 Etes-vous surpris par les retours sur vos films, car vos longs métrages sont loin d’être neutres.

Oui pour « Truands » par exemple, j’ai eu une presse déchaînée. Quand on a des critiques assassines, je ne peux pas dire que cela soit plaisant mais bon, c’est un peu la règle du jeu. Il faut apprendre à vivre avec tout cela.

 Ces critiques assassines ne vous ont-elles pas bloqué ?

Non, non, ça ne m’a pas fait plaisir mais cela ne m’a pas bloqué. J’ai eu de bonnes critiques sur certains films, des mauvaises sur d’autres et parfois, avec le temps, ces mauvais avis changent, on comprend mieux le film petit à petit. L’avis des gens change. Pour « Truands », j’ai eu des critiques extrêmement violentes et à l’arrivée, c’est plutôt un film que les gens aiment bien à l’heure actuelle. Pour un metteur en scène, ce qui est important c’est de pouvoir continuer à faire des films ; j’estime que j’ai de la chance car je fais le métier que je voulais faire depuis mon enfance, il y a des métiers plus durs que cela, il faut aussi accepter la critique pour vos films.

 La France reste un pays profondément conservateur et si vous dérangez en art ou en culture, c’est presque normal que vous ayez des retours négatifs.

Oui, oui c’est vrai. « Truands » était un film au sujet « gratiné » et il ne laissait pas les gens insensibles. Finalement que les gens ne soient pas indifférents à votre travail, ce n’est pas si mal.

 Avec vos films, est-ce qu’il y avait cette idée « ah regardez, on fait des séries ou des films hyperréalistes comme les américains », je pense à la série « Braquo » auquel vous avez participé.

En ce qui me concerne, il n’y avait pas cette idée-là. Il y avait cette idée de faire du bon travail. Moi, personnellement, j’adore le cinéma américain des années 1970 mais chez moi, il y a cette idée de faire surtout du bon travail et de bons films. Je ne travaille pas en me disant je vais faire comme les américains. Dans « Truands », il y a un côté très français par exemple.

 Et comme vous le déclariez dans « Truands », il n’y pas de hiérarchie mafieuse comme en Italie, ce sont plutôt des bandes : on retrouve des bandes de maghrébins, des gitans ou des français de souche.

Afficher l'image d'origine

Oui des gaulois quoi. La Gaule avec ses diverses tribus lorsque les Romains ont envahi la Gaule. Le grand banditisme français, c’est un peu ça.

 Il y a une scène dans « Truands » où les mafieux canardent une boîte de nuit, on peut penser que c’est exagéré et finalement, début septembre 2013, on a eu le même fait-divers à Marseille.

De toute manière, je n’ai rien inventé. Lorsque « Truands » est sorti, on a dit ce n’est pas plausible, cela ne se passe pas comme cela en vrai. Moi, j’ai juste compilé un certain nombre d’histoires. Cette violence et ces mafieux, on les voit tous les jours à Marseille. Moi, je ne voulais pas faire l’apologie de tout cela, je voulais montrer ce monde sans artifices.Voilà comment est ce monde-là.

 J’ai à nouveau regardé votre DVD, on y voit le making-of et les acteurs ont l’air de bien rigoler. Cela montre qu’un tournage peut-être joyeux.

Oui, oui on peut travailler dans la bonne humeur.

 Dans ce film, je trouve que vous avez très bien utilisé Benoît Magimel comme tueur à gage avec cette force implacable que l’on sent chez lui.

Afficher l'image d'origine

Il est fantastique Benoît dans le film. C’est en plus un ami et quelqu’un que j’aime beaucoup.

 Si « Truands » a si dérangé, c’est qu’il était considéré comme très violent et une certaine partie de la population n’accepte pas ce genre de film.

Tous les goûts sont dans la nature, je n’ai pas de jugement sur ce sujet-là.

 Généralement, vous décrivez des structures institutionnelles dans vos films comme la SRPJ dans « Scènes de crimes » ou le monde de l’espionnage dans « Agents secrets » et on se rend compte que souvent, ces gens sont très seuls dans leur travail et que leur hiérarchie ne les couvre pas s’il y a des problèmes.

Afficher l'image d'origine

C’est ça qui m’intéressait, pour « Scènes de crimes », je considérais que lorsqu’on traque un sérial-killer ou lorsqu’on a affaire à une réalité très sordide, il y a toujours des conséquences sur l’homme et la vie privée.

 Il y a une scène dans « Scènes de crimes » où les deux policiers convoquent une actrice de film porno pour leur enquête et Charles Berling semble très excité par cette personne.

Oui, oui absolument, il a une sorte d’attirance directe pour cette femme.

 Vous dépeignez et décrivez des gens dans leur travail au quotidien, avez-vous des retours justement de ces structures institutionnelles ?

Je sais que « Scènes de crimes » a été très apprécié par les policiers.C’est un film parfois projeté à l’école des commissaires. »Agents secrets » a été apprécié aussi par les espions professionnels et cette idée que l’Etat les laisse tomber s’il y a un problème, c’est leur lot quotidien. L’affaire du « Rainbow Warrior » ce fut cela par exemple. Ces gens-là le savent qu’ils risquent d’être lâchés si cela part en vrille, il y a donc quelque chose de tragique dans leurs vies qui m’intéressait.

Afficher l'image d'origine

 Finalement, comme votre père avec ses films sur l’armée, vous mettez des gens en lumière, des gens que l’on voit peu au cinéma.

En tous les cas, des gens qui me fascinent et que je trouve très intéressant, surtout lorsqu’ils font bien leur travail.

Cela rappelle un article du cinéaste polonais Krzysztof Kieslowski qui déclarait que les gens avaient besoin de se voir au cinéma, de s’identifier à des personnages normaux aussi bien dans leur vie quotidienne ou que dans leur travail. Ainsi, de par vos films, vous permettez à certains corps de métier d’exister, de prendre corps cinématographiquement.

Et bien, tant mieux, je suis plutôt content de cela.

 Pour « Truands », vous déclariez dans le making-of que vous aviez l’impression d’être devenu un véritable cinéaste avec ce film.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18719234&cfilm=108871.html

Ben c’était mon troisième film et l’on se dit que cela va finir par devenir votre métier, vous voyez. On apprend à chaque film et au troisième, on se dit que c’est vraiment votre métier.

 En tant que metteur en scène, vous êtes aussi un personnage public.Vous appréhendez bien ce statut ?

Oui mais je suis d’abord un personnage public le temps de la sortie d’un film ; je le défends dans les médias le temps de sa sortie au cinéma afin qu’il soit relativement bien perçu.

 C’est ce que disait Roman Polanski, on est le garant de son dernier film ; si votre dernier film n’a pas bien marché, eh bien tant pis pour vous.

Ca c’est sûr, le cinéma demeure une industrie. Même un film au budget modeste, ce sont des sommes colossales quand même et vous continuez à faire des films que lorsque les bailleurs de fonds’y retrouvent, ce n’est pas du mécénat vous savez ; c’est la règle du jeu quoi.

 Vous maîtrisez bien cette règle du jeu justement ?

Je continue à faire des films car je n’ai pas eu d’immenses échecs mais pas d’immenses succès aussi. Bon an mal an, tout mes films ont été bénéficiaires, vous voyez et donc les bailleurs de fond continuent à me faire confiance. Si votre dernier film ne rembourse pas les sommes investies, et bien vous êtes dans une position délicate. Les films sont faits pour êtres vus et s’ils sont vus, vous pouvez continuer à en faire. Mais je n’invente rien, tout cela existe depuis la création du cinéma ; en 1920, il y avait les mêmes enjeux.

 A une certaine époque, surtout dans les années 1990, peu importe que les films au cinéma rapportent ou non de l’argent, les chaines de télévision ou Canal plus mettront toujours de l’argent.

Oui c’est vrai mais ce n’est plus le cas à l’heure actuelle. Il faut toujours que les films demeurent rentables. Canal Plus, je pense qu’ils veulent investir dans des films qu’ils leur plaisent ou qu’ils leur rapportent de l’argent. Encore une fois, ce n’est pas du mécénat.

 Oui, en plus, à l’heure actuelle, il y a plusieurs vies pour un film : que ce soit dans les salles de cinéma ou sur d’autres supports comme les DVD, les Blu-Ray ou la VOD.

Oui, oui tout à fait. Finalement, on va avoir des films que les gens ont adoré à leur sortie et ils le revoient en DVD, ils se disent bof, bof…moi-même, j’ai adoré certains films à leur sortie et je me dis qu’ils n’étaient pas si bien que cela (et inversement). C’est difficilement explicable une oeuvre qui traverse le temps. Une oeuvre n’est pas figée vous savez, on le voit surtout en littérature.

 Peut-on dire aussi que vous êtes dans la lignée des films réalistes d’Olivier Marchal ou de Jacques Audiard ?

Afficher l'image d'origine

Jacques Audiard, je ne le connais pas mais comme tout le monde, j’aime beaucoup ses films. Je ne le connais pas personnellement. Olivier Marchal, quant à lui, est un ami.

 Je fais cette remarque car comme pour « un prophète » de Jacques Audiard, vous décrivez des populations immigrées, maghrébines notamment de la seconde ou troisième génération.

Afficher l'image d'origine

Oui, oui la société française telle qu’elle est.

 Vous savez aussi très bien mettre en scène des moments de violence dans vos films, je pense à la fameuse scène de parking dans « Truands ». Ce doit être intéressant à filmer, non ?

Ah oui, oui tout à fait, c’est passionnant à filmer. Je voulais montrer, par ces scènes, la sauvagerie des mafieux et montrer qu’ils étaient à l’image de notre société, de plus en plus violente et sauvage. Je voulais montrer comment ces mafieux étaient de plus en plus méchants et sans pitié.

 Vous filmez ces fameux mafieux dans leur vie quotidienne, dans leurs intérieurs de maison, dans leur vulgarité aussi. On se rend compte que ces gens n’arrêtent pas de se trahir entre eux.

Ah ben oui tout à fait.

 Une question un peu plus générale : est-ce que vous trouvez que c’est de plus en plus difficile de faire des films ?

Pas vraiment, il faut s’adapter. Les modes de financement changent. Moi, j’essaie toujours de faire quelque chose qui soit bien fait vous voyez ; ça a toujours été dur de réaliser des films.

 Et cela se passe bien vos tournages ? Les relations avec vos techniciens ?

Pour l’instant, ça s’est toujours bien passé mes tournages. Chaque metteur en scène a sa manière de filmer, c’est au cas par cas.

 Vos films sont-ils chers à produire ? Ils rentrent dans une moyenne production ?

J’ai fait principalement un film cher qui était « Agents secrets », les autres rentraient plus dans des budgets moyens. Quant aux cachets des acteurs, vous savez les acteurs sont tributaires de leurs derniers succès, ils sont aussi payés suivant le marché. Est-ce que ce n’est pas démesuré ? Je ne sais pas, les grands sportifs sont bien payés aussi.

Vos films sont tirés de scénarios originaux, est-ce que vous avez été approché par les américains pour des remakes de vos films ?

Oui, j’avais eu des contacts avec les frères Weinstein ; moi, personnellement, je n’ai pas le rêve américain vous voyez. Pour l’instant en tous les cas. J’ai eu des propositions pour tourner aux USA mais cela ne s’est pas fait.

 Vos films ont-ils eu du succès à l’étranger ?

Oui, oui ils se vendent bien à l’étranger. J’ai été souvent au Japon par exemple et c’est toujours très intéressant de voir comment les Japonais, une autre culture appréhendent votre travail, c’est assez fascinant.

 Je sais que vous êtes producteur de vos deux derniers films et avez-vous l’ambition comme Luc Besson de continuer dans cette voie ?

Afficher l'image d'origine

Non, moi je ne suis pas un homme d’affaires comme Luc Besson. Tant qu’a faire des films, autant être prêt de leur fabrication. Moi, je ne suis pas prêt de faire ça, de créer un studio comme « EuropaCorp » comme Luc Besson. J’en suis là pour l’instant.

 Pour votre premier film, vous avez pris deux acteurs fameux : André Dussolier et Charles Berling. C’était un bon choix, surtout pour André Dussolier que l’on n’attendait pas sur ce genre de film.

Afficher l'image d'origine

Oui il incarne bien ce type de personnage et il a en lui une certaine tradition française, je le trouvais très crédible dans ce rôle. C’était un défi inattendu pour lui d’incarner ce type de personnage.

De par vos films, vous montrez aussi des lieux impersonnels qui existent pourtant dans le paysage français : des parkings d’autoroute, de supermarché, des zones de chantier ou de déchetterie…

On ne les voit pas beaucoup en effet au cinéma, mais pourtant ils sont inscrits dans le paysage français.

 Et dans « Truands », les acteurs étaient-ils fiers du film ?

Ah oui, oui ils étaient contents de l’aventure, surtout de participer à un film estampillé non-visible pour les moins de 16 ans. « Truands » ce n’est pas un film que l’on fait tous les jours et ils étaient donc contents d’en avoir fait un comme celui-là.

 Votre dernier film « Switch », c’était une commande ?

Afficher l'image d'origine

Non, non une volonté de ma part. Je voulais depuis longtemps travailler avec Jean-Christophe Grangé.

 Et donc pour ce film, vous avez travaillé avec Eric Cantona. Facile à diriger le Eric ?

Afficher l'image d'origine

Ah oui, très, très. On a fait d’ailleurs la promotion du film en Angleterre et c’est vraiment un Dieu vivant pour les Anglais.

 Et donc votre prochain film c’est « 96 heures » avec Gérard Lanvin ?

Afficher l'image d'origine

Oui c’est un peu « Garde à vue » à l’envers, l’histoire d’un voyou qui séquestre un flic pour lui soutirer des informations. Le film est tiré d’un scénario original signé par Simon Mickael, l’auteur des « Ripoux ».

 Dans une interview, vous déclariez que vous étiez très influencé par les films américains des années 1970 et par le formalisme de Michael Mann. C’est vrai que Michael Mann est un grand formaliste, mais je considère qu’il met trop en avant le monde des voyous et des marginaux.

Afficher l'image d'origine

Moi, j’aime personnellement ces films, ces histoires, la manière dont il les filme ; après, je peux comprendre que des histoires de flics et de voyous peuvent ennuyer les gens.

 Et une histoire d’amour comme base de film ?

Ah oui ça m’intéresserait beaucoup aussi. J’en ai écrit une il y a quelques années.

 Vous vous êtes occupés de la police criminelle, des espions et je sais que vous rêvez de faire un film de guerre. Un film de guerre sur l’Afghanistan notamment.

Ah oui, oui je confirme. Si on veut faire une guerre réaliste et récent, il n’y pas 36 lieux d’opération à l’heure actuelle : le Mali ou l’Afghanistan.

 Votre père, Pierre Schoendoerffer, est mort en mars 2012 et il a eu droit aux honneurs nationaux.

Afficher l'image d'origine

Oui effectivement, j’en étais très fier d’ailleurs. C’était un grand metteur en scène, un très bon père aussi.

 Votre prochain film sortira à quelle période ?

Je ne sais pas trop encore, mais sûrement en mars ou avril 2014. Je suis en train de finir le montage du film. Je ne sais pas bien comment ce film sera accueilli, mais j’y ai mis toute ma foi, mes envies et mon professionnalisme aussi. Ce sera un film produit et distribué par ARP .

 Et pour cette sortie, vous allez faire beaucoup de tournées en province ?

Ah oui, oui, pour moi, c’est un moment privilégié de rencontre et de contacts avec le public.

 Vous êtes en plein montage mais avez-vous le temps de voir des films en salle ou des DVD ?

Oui, oui bien sûr que je vois des films, des DVD aussi comme « la chair et le sang » de Paul Verhoeven, « Zéro Dark Thirty » de Kathryn Bigelow, absolument remarquable, « Man on Fire » de Tony Scott, le « Bounty » de Roger Donaldson que j’ai beaucoup aimé aussi.

Afficher l'image d'origineAfficher l'image d'origine

 Afficher l'image d'origine

ATLANTIDE: le festival des littératures à Nantes(du 10 au 13 mars 2016)

ATLANTIDE, les Mots du Monde à Nantes – Festival des Littératures, en mots ou en dessins, pour les petits et les grands, fait se croiser les points de vue littéraires des auteurs sur notre époque et sur les grands enjeux de nos sociétés.

Placée sous la direction artistique d’Alberto MANGUEL (qui prendra ses fonctions de Directeur de la Bibliothèque Nationale d’Argentine en juillet de cette année), cette quatrième édition d’ATLANTIDE invite une cinquantaine d’auteurs français et internationaux – parmi lesquels Nathalie AZOULAI, Didier DAENINCKX, Boualem SANSAL, Martin VEYRON, Paul BORDELEAU, Sigolène VINSON, Philippe FOREST, David LODGE, Maaza MENGISTE, Kirmen URIBE, Hakan GÜNDAY… – pour des grands entretiens, des conversations thématiques et des lectures (notamment par Delphine RICH, Robin RENUCCI ou RUFUS). Mais aussi une soirée de lecture de textes censurés, des leçons de cuisine en public par les auteurs eux-mêmes, une dégustation de rhum Barbancourt orchestrée par l’écrivain haïtien Makenzy ORCEL, l’exposition Les Machines Célibataires de Marie-Pierre BONNIOL, une rétrospective cinéma des oeuvres de l’auteur Eugène GREEN…

MARTIN VEYRON:

Afficher l'image d'origine

DAVID LODGE:

Afficher l'image d'origine

PHILIPPE FOREST:Afficher l'image d'origine

DIDIER DAENINCKX:

Afficher l'image d'origine

Programme complet ci-dessous:

http://www.atlantide-festival.org/wp-content/uploads/2016/03/Programme-web-09-03.pdf