« Nos batailles », nos vies modernes 2.0

Rencontre avec Guillaume Senez dont « nos batailles » fut présenté à la Semaine de la Critique à Cannes 2018 ; réalisateur très naturaliste, franco-belge et dont les courts métrages et les films ont écumé avec bonheur les festivals depuis 2006 (que ce soit le festival Premiers Plans d’Angers, Toronto ou Locarno…). Visibilité qui lui a permis de continuer à réaliser des longs métrages aux thématiques fortes et intimistes, comme « nos batailles ». Film qui a reçu 5 récompenses aux derniers Magritte 2019, dont meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur montage et meilleur second rôle féminin (Lucie Debay). 

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Comment vous est venu l’idée originale de « Nos batailles »? Histoires ou vécus personnels?

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https://www.youtube.com/watch?v=KUFwckZ3wf4

Quand je préparais mon premier long-métrage Keeper, je me suis séparé de la mère de mes enfants. J’ai appris, comme Olivier dans le film, à vivre seul avec eux, à les regarder, à les entendre et à les comprendre. Ce fût une période fondatrice pour moi, en tant qu’homme mais aussi en tant que cinéaste.Je me suis demandé comment les choses se seraient passées si j’avais été complètement seul, veuf, ou abandonné. La réponse est simple : je n’aurais pas réussi à trouver une stabilité entre ma vie professionnelle et familiale.Je connais pas mal de couples dont les fins de mois sont difficiles, chacun travaille mais leur situation reste précaire, fragile, à l’image d’un château de cartes : si on retire un élément, tout s’effondre. Il fallait que j’écrive là-dessus.Nos batailles raconte la disparition d’une mère et les efforts d’un père pour empêcher la dislocation de son foyer. Un père qui devra batailler pour trouver un équilibre entre ses engagements professionnel et familial.

 La production du film, le casting ou le tournage ont été faciles à faire?

Le plus difficile pour un film d’auteur reste toujours le financement du film. Et ce malgré la reconnaissance professionnelle de Keeper (qui a engendré plus de 70 festivals à travers le monde (dont TorontoLocarnoAngersetc.) et plus d’une vingtaine de prix (dont 3 Magritte, Grand Prix du Jury à Angers, etc.). Je crois que peu importe la notoriété d’un réalisateur, un film d’auteur, par définition, reste compliqué à monter. Pour le reste, je suis quelqu’un qui déteste travailler dans le conflit, je m’entoure donc que de personne avec qui je m’entends bien humainement et professionnellement. Le casting et le tournage ne peut donc que bien se passer.

 Ne pensez-vous pas que votre film (thématique: les petits combats quotidiens et comment en sortir) peut être affilié à des films comme « Victoria » de Justine Triet, « Jeune femme » de Léonor Serraille ou « Jusqu’à la garde » de Xavier Legrand , à savoir concilier vie professionnelle/vie privée dans une société et un monde du travail de plus en plus dur (et ne parlons même pas d' »en guerre » de Stéphane Brizé). Les violences symboliques chères à Pierre Bourdieu…

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J’ai toujours trouver ça rassurant que plusieurs cinéastes sur une période assez proche explorent les mêmes thèmes. Le rôle des cinéastes est entre-autre de porter un regard sur le monde qui nous entoure. Si les mêmes intérêts, les mêmes hantises, les mêmes questionnements se recoupent, c’est qu’il y a sociologiquement quelque chose dans l’air du temps qui nous semble important à traîter.

Bravo pour vos nominations CESARS et récompenses MAGRITTE 2019, consécration pour votre travail et le travail d’acteur de Romain Duris?

Guillaume Senez aux derniers Magritte 2019:

©MagritteduCinéma2019-RTBF-Square-Brussels-02/02/2019 #magritte du cinema

Romain Duris et Laetitia Dosch:

Photo de Romain Duris - Nos batailles : Photo Laetitia Dosch, Romain Duris  - AlloCiné

Merci.Je ne considère pas ça comme une consécration mais plutôt comme une reconnaissance. Une reconnaissance de nos pairs. Ca fait plaisir mais on ne fait pas des films pour ça. C’est un peu comme la cerise sur le gâteau, c’est chouette, mais l’important reste quand même le gâteau… Ceci dit, je croise les doigts pour Romain qui le mérite. Il ne l’a jamais gagné, pourtant 4 fois nommé…

Les critiques ont beaucoup parlé de naturalisme pour « nos batailles », d’accord avec ça? J’imagine que vous avez paradoxalement réalisé beaucoup de répétitions pour ce film (travail avec les acteurs):

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https://www.youtube.com/watch?v=BLXjuSUY8ws

Oui, le mot naturalisme me convient parfaitement. Je suis constamment en recherche de vérité, d’authenticité.Je ne fais pas de répétitions. Avant le tournage, on discute beaucoup des personnages. J’essaie que chaque comédien trouve son personnage. Au moment du tournage, tous les dialogues sont minutieusement écrits, bien sûr, mais je ne les donne pas aux comédiens. On va les chercher ensemble. D’abord en improvisation, puis petit à petit, je les accompagne jusqu’aux dialogues. C’est cela qui donne au film cette texture particulière, cette spontanéité, ces moments où les personnages cherchent un peu leurs mots, où les dialogues peuvent se chevaucher, tous ces petits accidents, ces choses de la vie de tous les jours qu’on a tendance à perdre au cinéma.

 Vos derniers coups de coeur au cinéma, séries TV, BD ou livres?

J’ai beaucoup aimé Tesnota de Kantemir Balagov.

https://www.youtube.com/watch?v=0lMOMdcCAxc

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Vos projets futurs?

Je commence l’écriture de mon prochain long-métrage. Toujours avec Raphaëlle Desplechin. En attendant, je vais tourner au printemps un nouveau court-métrage dans le cadre d’une collection.

Festival Atlantide: les mots du monde à Nantes du jeudi 28 février au dimanche 03 mars 2019.

Librairie Coiffard à Nantes:

Librairie Coiffard

Oyez, oyez braves gens ; encore un événement culturel too much dans notre bonne ville de Nantes. Festival littérature se passant à la Cité des Congrès, au Lieu Unique et dans diverses librairies nantaises (Librairies Durance, Coiffard ou l’Autre Rive…).

Le Lieu Unique à Nantes:

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Coronavirus Nantes : les podcasts du Lieu Unique pour s'instruire à la  maison ! - BigCityLife

La Cité des Congrès à Nantes:

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Des tables rondes, des conférences ou des rencontres au programme. Près de 20 lectures dans la ville, 50 invités de plus de 20 nationalités différentes, une grande librairie, des séances de dédicaces…Bref, encore du beau, du bon et du vrai dans notre bonne ville de Nantes.

Liste des auteurs présents: José Eduardo Agualusa, Alfred, Vincent Almendros, Christine Angot, Pierre Assouline, Sefi Atta, Joséphine Bacon, Jeanine Baude, Andréas Becker, Justin Bisanswa, Pascal Blanchard, In Koli Jean Bofane, Adrien Bosc, Estelle-Sarah Bulle, Fulvio Caccia, Alexandre Chardin, Sylvestre Clancier, Gwen de Bonneval, Miquel de Palol, Victor del Árbol, Souleymane Bachir Diagne, David Diop, Gauz, Carsten Jensen, Serge Joncour, Natasha Kanapé Fontaine, Aram Kebabdjian, Yasmina Khadra, Kochka, Séverine Kodjo-Granvaux, Shih-Li Kow, Dany Laferrière, Max Lobe, Jeanne Macaigne, Michelle Montmoulineix, Jean-Claude Mourlevat, Grażyna Plebanek, Taiye Selasi, Lola Shoneyin, Shumona Sinha, Hervé Tanquerelle, Mikhaïl Tarkovski, Chantal Thomas, Dominic Thomas, Zoé Valdés, Pierre Vinclair, Paul Wamo, Wu Ming-yi, Samar Yazbek, Valérie Zenatti

Programmation du jeudi 28 février au dimanche 03 mars 2019:

http://www.atlantide-festival.org/gird-page-affichage-home-page/programmation-par-jour/jeudi-28-fevrier/

http://www.atlantide-festival.org/gird-page-affichage-home-page/programmation-par-jour/vendredi-1er-mars/

http://www.atlantide-festival.org/gird-page-affichage-home-page/programmation-par-jour/samedi-2-mars/

http://www.atlantide-festival.org/gird-page-affichage-home-page/programmation-par-jour/dimanche-3-mars/

https://www.atlantide-festival.org/edition-2019/

« Histoire de ta bêtise » (ed.PAUVERT, 2019) de François Bégaudeau

Du grand Bégaudeau cette année, un grand cru avec son essai « histoire de ta bêtise »? , C’est clair et revendiqué ; un livre contre le populisme et l’abstention. 2 plaies qui minent la France et les Français.

Livre critique contre Macron et son monde-supermarché, Macron comme tête de gondole (c’est dans le livre). Voilà un François Bégaudeau qui va au delà des paillettes et du monde du cinéma (Ecrivain, essayiste et scénariste d' »entre les murs », ne l’oublions pas…), qui nous livre ses ressentis sur les dernières élections présidentielles et une satire du macronisme triomphant. Alors tout y passe, le complotisme, le racisme, l’homophobie, le repli sur soi européen, le Brexit, les migrants à Calais, la bonne conscience des bobos parisiens…propos forts pour un écrivain (hautain et prétentieux selon certains critiques littéraires,), qui prétend découvrir la lutte des classes dans les beaux quartiers parisiens.

Livre critique qui mélange pas mal de choses comme le caractère fasciste de Trump, le côté envahissant des migrants (Avec cette idée: « tu les vois peu dans ton quartier, mais ce qui se passe à Calais te fait peur »), le Brexit quel grand malheur… Attaque sur la bourgeoisie et ses valeurs, sur le politiquement correct dont le macronisme serait l’acmé intellectuel. Livre intéressant d’un véritable observateur de la vie politique française ; rappelons qu' »entre les murs »(film de 2008), le roman et le film contenaient de vraies prouesses littéraires et cinématographiques (longs plans séquences pris sur le vif, naturalisme revendiqué…), des moments et des observations très fines sur la vie d’une classe, d’un enseignant…Alors pour cet essai, François Bégaudeau voit plus large que la vie d’une classe ou d’un collège et s’intéresse à l’état de la France macronienne en 2019. Adaptation possible de cet essai au cinéma?

https://www.youtube.com/watch?v=WxHPU4xObr0

https://www.youtube.com/watch?v=tamz7uff5gA

EXTRAITS:

Tu préfères les idées aux faits.

1) Interrogé début 2018 par un animateur de télé organique, tu parles encore de « laisser sa chance » à Macron. Ce sauveur a déjà eu le temps de bousiller le Code du travail, de fragiliser l’office HLM, de supprimer l’ISF, d’entériner le CETA, de pérenniser le glyphosate, de vendre comme tout le monde des armes aux Saoudiens, et tu en parles encore comme d’une promesse, en t’outillant d’un lexique impressif, atmosphérique, humoral. Tu aimes, me dis-tu un soir en commandant un chardonnay, sa jeunesse et son positivisme. Puisque c’est positivité que tu veux dire, j’exhume l’oiseuse pensée positive de Raffarin, et je te demande : positif en quoi ? Positif pour qui ? Positif pour les poissons ou pour le plastique ? Pour les paysans ou pour la grande distribution ? Pour le travailleur licencié ou pour l’employeur débarrassé des prud’hommes ? Tu ne préciseras pas. Positif est ton dernier mot. Positif suffit. Une fois le réel congédié, ton discours peut se tisser de notions sans objet ni contenu.

 

2) Admettons donc que, les millions de malheureux Terriens privés du droit de légitimer leur aliénation par le vote venant hanter mes nuits d’avril 2017, j’aie été subitement sensible à l’argument routinier que desgenssontmortspourça ; admettons qu’il me soit absurdement apparu possible que la classe dominante offre à la masse l’opportunité de la destituer. Me voici en demeure de voter au deuxième tour opposant Emmanuel Macron, fils de médecin, à Marine Le Pen, fille de Jean-Marie Le Pen. Puis en demeure d’observer que le jour venu, corps casanier scotché à un roman du dimanche, je ne descends pas à la maternelle jouer mon rôle d adulte. 

 

3) N’est pas à Marine Le Pen et à ses affidés que mon quotidien se cogne. Ce n’est pas dans les coordonnées du fascisme que mon corps est paramétré. Ce n’est pas le fascisme qui détruit la petite paysannerie ; ce n’est pas une coalition de gouvernements d’extrême droite qui extermine les poissons, qui impose à tous le chantage à l’emploi, qui tôt le matin parque des corps amers et hagards dans des RER, qui impose à une caissière des journées 9‑13 / 17‑22, qui esclavagise la moitié de la planète pour mettre l’autre au chômage, transforme en GPS les ouvriers d’entrepôt, m’oriente par algorithmes, privatise la santé et les plages, flique les chômeurs, bourre les pauvres de sucre, bourre tout le monde de perturbateurs endocriniens, soustrait 100 milliards par an au fisc.