« Après Mai »: une adolescence dans les années 1970
Retour sur un film mésestimé par la critique et le public français en 2012, c’est pourtant l’un des films les plus puissants du cinéaste Olivier Assayas. Film didactique, historique, très personnel sur une époque peu vue ou étudiée dans le champ cinéphile, l’après-mai 68 en France. Né en 1955, Olivier Assayas se souvient de son adolescence, de ses années lycée et de ses études d’art. Il se souvient aussi, par ce film, des manifs, des courses-poursuites avec les CRS, des tractages devant les lycées et des écrits ou livres militants.
Ici, point de souvenirs potaches ou nostalgiques ; nous sommes à une époque où l’on ne rigolait pas des camarades militants ou du militantisme rouge (on n’est pas dans « le Péril jeune » de Cédric Klapisch par exemple). Réunion syndicale, stratégie de lutte, directives centrales sont le lot quotidien de ces jeunes militants. Jeunes politisés avec des idées bien arrêtées.sur la continuité et le sens des luttes sociales (séquence passionnante des réunions syndicales avec slogans afférents).
Film autobiographique? En un sens oui, car le héros (Gilles) fait des études d’art, est un militant en apprentissage, tombe amoureux plusieurs fois…film non-nostalgique, mais d’apprentissage politique, culturel et esthétique. Il y est question de choix artistiques, politiques ou amoureux d’une époque en pleine effervescence. Petites histoires personnelles s’entrechoquent avec la grande Histoire (en gros, que fait-on des idéologies et utopies de mai 68?). Gilles (Clément Métayer) est en apprentissage culturel, il se cherche artistiquement, il aime Christine (Lola Creton), sans pouvoir ignorer Laure (Carole Combes), repartie en Grande-Bretagne.
Gilles et Laure:
Gilles peignant:
Christine comme modèle:
Incertitude amoureuse liée aux incertitudes politiques de l’époque. Luttes politiques, voyages initiatiques (Ici en Italie, où l’on profitera du séjour pour étudier les tableaux et monuments de la Renaissance), regards bienveillants des parents, vie culturelle et cinéphile…l’époque était passionnante, parsemée d’embûches, mais aussi de rites adultes ou amoureux. Les explosions ou boules de feu parsèment ce film, explosion du local des vigiles fascistes, incendie de la maison hippie, explosion d’un véhicule, cocktail Molotov…l’époque était troublée et électrique. Epoque de flux, de vitesse aussi (courir vite dans les manifs, toujours indispensable…), mais aussi de réflexion, d’idéologies (livres phares avec des auteurs comme Guy Debord, Herbert Marcuse ou Simon Leys…).
C’est clair que le militantisme était TRES pris au sérieux à cette époque ; même Gilles est considéré comme suspect, trop dilletante, trop artiste, pas assez dans l’action sociale, contrairement à Alain (plus sur le terrain, dans le monde du travail et l’imprimerie…). Leur amitié s’en ressentira d’ailleurs à la fin du film.
Film didactique aussi, on apprend beaucoup dans ce film: les documentaires militants, les réunions et slogans syndicaux ou politiques, la clandestinité. Reconstitution impeccable d’une époque très politisée, où même le féminisme est abordé avec le personnage de Christine (comment concilier vie amoureuse, de famille et combats politiques). Film peu aimable avec ses personnages, notamment Gilles ; impasse politique de certains militants (passer à la lutte armée, aux violences syndicales ou non…). Alors courez regarder le DVD, avec des bonus qui expliquent les tenants et aboutissants de ce long métrage. Film qui a ainsi reçu le prix du scénario à la Mostra de Venise 2012.
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