Rencontre avec un professionnel de la profession: Jean Veber.

Encore un fils de me direz-vous? Oh que non, voilà un vrai réalisateur, scénariste et producteur avec un univers fictionnel propre. Et en voilà un vrai cinéphile, pas dans un cadre traditionnel élitiste mais ayant une vraie culture populaire, comme le démontrent ces géniaux ciné-buddies radiophoniques (avec ses 2 compères, le scénariste Laurent Vachaud et Philippe Setbon). Mais alors une chèvre Jean Véber? Mais non…un professionnel de la profession, un vrai connaisseur du secteur cinéma et audiovisuel. Et allez Trincamp!

  1. ) Vous êtes installé depuis longtemps à Los Angeles ? Et faites-vous partie de la communauté française hollywoodienne ? (La revue « SO FILM »avait fait un article sur cette communauté il y a quelques années, les acteurs français entre eux…)
  • Oui depuis plusieurs années, j’ai étudié au College ici. La communauté Française hollywoodienne ? Pas du tout. J’ai des amis Français ici mais ils ne sont pas nécessairement dans le cinéma.
  • 2) Même si vous êtes éloigné de France, suivez-vous toujours l ‘actualité française ?
  • J’essaie, surtout par rapport aux acteurs que je découvre et qui sont souvent très bien, mais c’est difficile car les films Français ne sont pas toujours très bien distribués aux USA. J’ai envie aussi de m’intéresser plus aux séries Françaises qui semblent de meilleurs en meilleurs.
  • 3) Vos ciné-buddies sont passionnants et très variés dans leurs thématiques (et vous avez une très belle voix en radio), c ‘est vous qui en avez eu l ‘idée ?
  • D’abord merci, c’est gentil, ensuite l’idée du podcast m’est venue en écoutant des podcasts américains, j’ai très vite été intrigué par les possibilités de mêler l’humour à l’info avec le même esprit irrévérencieux mais respectueux que des shows comme We Hate Movies ou les Doughboys, Ensuite avec l’ère de Zoom, j’ai pu me connecter avec mes Ciné-Buddies qui sont effectivement passionnants et chacun a leur manière me complètent et donnent son identité au show. Un programme qui se veut versatile, donc bientôt des surprises, des nouveaux Buddies, la chaine YouTube etc. la famille s’agrandit.
  1. 4) Vous avez réalisé 2 longs métrages…qu’en gardez-vous comme expérience ? Tant sur le plan de la réalisation que de la production…
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  • Des grands souvenirs humains et professionnels. 2 expériences très différentes, mon 2eme long métrage « Bipolar » ayant été pensé dans l’esprit « found footage ». Je continue à essayer de développer des projets entre la France et les USA mais c’est de plus en difficile.
Bipolar" par Jean Veber
  1. 5) Vous avez été assistant réalisateur sur le film « Evil Dead 3 » de Sam Raimi ; une bonne expérience ?
  • Fantastique. Je suis un grand fan de Raimi et de son énergie et enthousiasme sur l’écran et sur le plateau. Un homme très sympathique, à l’image de sa muse Bruce Campbell, une expérience difficile physiquement mais des souvenirs incroyables. Comme de manger à la cantine avec une table entière de zombies, les « deadites » du film, ou encore creuser des tranchées dans le désert pour dissimuler les marionnettistes. J’ai fait mon service militaire dans l’Armée des ténèbres lol.
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  1. 6) Même question qu’à Laurent Vachaud, on peut vous définir comme un scénariste professionnel (TV, cinéma…), quelles sont les grandes tendances qui se profilent en terme d’histoires ou de trames scénaristiques à l ‘heure actuelle, que ce soit dans la fiction française ou américaine ?
  • Il est difficile de parler de tendance. Pour les raisons que nous connaissons les fictions sont en difficulté a l’heure actuelle et en pleine évolution aussi. Il semblerait aux USA en tous cas que la comédie ait disparu, au même titre que les films de moyen budget et les drames pour adultes appartenant désormais aux plateformes de streaming. De plus tout le monde semble vouloir développer une série, une franchise ou rebooter des propriétés intellectuelles existantes ce qui rassure les investisseurs, mais qui est moins excitant peut-être en terme de creativité.De toutes façons, pour reprendre la célèbre phrase de William Goldman, le scénariste légendaire et héros a juste titre de mon Ciné-Buddy Laurent Vachaud : « Personne ne sait rien. »
  1. 7) Est-ce lourd à porter d’être « un fils de… » ? Ou au contraire, cela vous ouvre bien des portes, surtout dans un milieu aussi fermé que le cinéma ?
  • Les deux, mais avec le temps on finit par s’habituer. Le népotisme peut éventuellement vous ouvrir certaines portes, mais elles se referment aussitôt brutalement si vous n’avez rien a apporter à la partie.
  1. 8) Vos films préférés réalisés par votre père ?
  • Comme tout le monde, tous ses classiques comme « La Chèvre, Le diner de cons, Le Jouet etc »… Mais celui que je préfère c’est « Coup de tête » qu’il a écrit pour Jean-Jacques Annaud, allez Trincamp !
Coup de tête de Jean-Jacques Annaud (1979) - UniFrance
  1. 9) Votre père est connu pour la mécanique de précision de ses scénarios et la rigueur de sa direction d’acteurs, vous confirmez ?
  • Oui, il suffit de regarder ses films. On y retrouve la même efficacité, précision et talent que chez Billy Wilder ou Ernst Lubitsch.
  1. 10) Question un peu dure (mais on n ‘est pas là aussi pour faire plaisir…), un ami à moi considérait que « le jouet »(1976) était la meilleure réalisation de votre père (pour la satire sociale bien prononcée, voire anarchisante…), alors qu’il considérait « le dîner de cons »(1998) comme un film consensuel, voire à l ‘humour trop marqué à droite (la revue « les Inrockuptibles » parlait même de film balladurien et cette revue n ‘était pas tendre avec ce film…), d’accord avec ça ?
  • En anglais, on dit on ne compare pas les pommes et les oranges. Même s’ils sont tous les 2 des ‘high concept’ film, ils sont très différents. Ceci dit, je trouve qu’il y a également un élément de satire sociale dans le Diner, en background, comme dans les Columbo quand il va enquêter chez les riches de Beverly Hills.
  1. 11) Votre père a-t-il des projets de tournage ? Peut-il encore tourner d’ailleurs ? J ‘ai lu un projet possible entre Christian Clavier et Virginie Efira, scénario de votre père mais réalisé par Thomas Gilou…vous confirmez ? Et comme je suis un grand fan de Virginie Efira, que pensez-vous de cette actrice et de ses choix de film actuels ? (« Benedetta » de Verhoeven sortira en France ce 9 juillet et sera présent à Cannes)
  • Mon père a encore des projets de tournage, il est très en forme et continue à fourmilier d’idées et de talent, je le consulte aussi sur mes propre projets bien sûr et vice versa car nous nous entendons très bien. Je ne suis pas au courant pour le projet avec Virginie Efira et je n’ai pas vu ses derniers films donc je ne suis pas à même de commenter
  1. 12) Vos derniers coups de coeur en série TV, films ou livres ?
  • It Takes Two, un jeu vidéo Independant charmant auquel je joue avec ma fille. Black Summer et Cobra Kai pour les séries télé. J’ai hate de voir le prochain Bond et A Quiet Place 2 qui sort ces jours-ci et a un très bon buzz.

Rencontre avec Laurent Vachaud: un scénariste pour la télévision et le cinéma.

CINEBLOGYWOOD: 2006-2016 : 10 ans de cinéma et séries selon Laurent Vachaud  - #Cineblogywood10ans

Rencontre avec un professionnel de la profession (comme dirait Jean-Luc Godard), le scénariste et dialoguiste français Laurent Vachaud. Tout d’abord scénariste pour la série « une famille formidable » qui fit les beaux jours de la fiction française sur TF1 de 1992 à 2018. Il participa aussi aux scripts de 2 films cinéma de Jean-Paul Salomé, « Arsène Lupin » (2004) et « les femmes de l ‘ombre »(2008). Toujours pour la télévision, il fut scénariste pour TF1 des séries comme « Alice Nevers: le juge est une femme, les Cordier juge et flic ou Julie Lescaut ». Rencontre donc avec un artisan des scénarios, grand fan de Brian De Palma, mais qui peut aussi bien parler dans ces passionnantes ciné-buddies des séries « Amicalement votre », « Columbo » que des films comme « Parallax view » ou « Alien ».

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1) Votre formation initiale?
Dans les coulisses de la Fémis, la meilleure école de cinéma française - Le  Figaro Etudiant

J’ai passé un bac scientifique et ensuite j’ai fait Hypokhâgne et Khâgne au Lycée Lakanal de Sceaux où j’ai décroché par équivalences un DEUG d’anglais. Après ça, j’ai passé le concours de l’IDHEC, l’ancêtre de la FEMIS, j’ai été reçu et y ai étudié trois ans. J’en suis sorti avec un diplôme spécialité montage, qui ne m’a pas servi à grand chose vu que je n’ai jamais travaillé comme monteur ni même comme assistant monteur. Ca m’aurait d’aillleurs été difficile vu que je n’avais été formé que pour le montage pellicule. J’étais incapable de me servir d’une console de montage video qui était pourtant devenu la norme quand je suis arrivé sur le marché du travail. Mes collègues qui ont voulu poursuivre dans le montage ont donc été obligés de se former après la fin du cursus mais ça n’était pas mon cas. C’était l’écriture de scénarios qui m’intéressait. L’IDHEC ne proposait aucun cours en la matière alors que la FEMIS avait un département scénario. Mais je n’ai pas suivi leurs cours.

2) Vous avez fait l ‘IDHEC, vous y avez appris quoi?

Pas grand chose sincèrement si ce n’est qu’on nous donnait les moyens de faire trois ou quatre courts métrages chacun pendant notre cursus. On était 22 dans ma promotion et on travaillait aussi à différents postes sur les films des autres. C’est comme ça que j’ai le plus appris et notamment compris que la réalisation n’était pas vraiment mon truc. A l’IDHEC on était assez livrés à nous même. L’école se trouvait à l’époque dans les locaux très vétustes de l’INA à Bry-sur-Marne, le matériel n’était pas très moderne, on se sentait assez loin du monde du cinéma.

Les enseignants n’étaient pas toujours non plus les professionnels les plus stimulants qu’on puisse rencontrer dans ce métier. Il n’y avait aucun enseignement de l’Histoire du cinéma, aucun cours magistral. Juste des travaux pratiques. C’était peut-être mieux en fait, l’Histoire du cinéma, je l’ai apprise seul. Quand je me comparais à certains étudiants qui étaient en fac de cinéma je n’avais pas l’impression qu’ils en savaient plus que moi là dessus, plutôt moins même et ils ne faisaient pas de films. La dernière année de mon cursus, l’IDHEC a été absorbée par la FEMIS, on s’est alors retrouvé dans un cadre très différent, au Palais de Tokyo à Paris, avec du matériel plus à la pointe. Des gens prestigieux venaient donner des conférences. Je me souviens que Martin Scorsese, Emir Kusturica, Jean-Luc Godard, Louis Malle, Elia Kazan, Daniel Toscan du Plantier, André Dussolier, Gérard Depardieu, Jean-Claude Brisseau sont venus nous voir. Ils étaient assez abordables c’était amusant.

André Dussolier:

Ses parents et son enfance

Daniel Toscan du Plantier:

Daniel Toscan du Plantier - UniFrance

3) Est-ce plus facile d’écrire pour la télévision que pour le cinéma? En terme de production et de diffusion?

Un jeune scénariste trouvera plus facilement du travail à la télévision car pour le cinéma si on ne veut pas réaliser il faut écrire avec un réalisateur. Très peu de producteurs achetaient un script de débutant qui ne voulait pas réaliser. Quand je suis sorti de l’iDHEC en 1988, j’ai fait divers petits boulots, comme lecteur dans des sociétés de production mais je n’ai trouvé du travail comme scénariste qu’un an plus tard. J’ai eu un coup de chance car la productrice Pascale Breugnot cherchait de jeunes scénaristes pour travailler sur un projet de série destiné à TF1. Elle était venue prospecter à la FEMIS où on lui avait parlé de moi. Je l’ai rencontrée et sans même lire ce que j’avais pu écrire elle m’a emmené chez Danielle Thompson, qui avait été engagée pour être la directrice de collection de cette série. Il y avait là trois autres scénaristes débutants, du même âge que moi à ce rendez vous aussi.

On s’est aussitôt mis au travail et pendant un an on a écrit les trois premiers épisodes de ce qui allait devenir la série à succès UNE FAMILLE FORMIDABLE. Le succès de cette série m’a permis de pouvoir commencer à travailler comme scénariste pour la télévision, sur des séries qui étaient en vogue à l’époque. Pas forcément des histoires qui me faisaient rêver mais c’était surtout une manière d’apprendre et de travailler régulièrement. Beaucoup de mes collègues de l’IDHEC ou de la FEMIS trouvaient ça indigne d’écrire pour la télé. Ils ne juraient que par le cinéma. Les mentalités ont bien changé aujourd’hui.

4) Avez-vous l ‘impression, avec les années, d’avoir réalisé de vrais progrès en terme d’écriture de scénarios? Sur l ‘histoire et les personnages notamment?

Je pense que j’ai fait des progrès oui, je n’écris plus de scènes qui n’auront pas de chances d’être tournées, j’ai davantage d’instinct, je ne perds plus de temps sur des idées qui ne seront pas acceptées car lorsqu’on écrit pour la télévision, on écrit surtout du formaté. On écrit pour plaire à une chaine – et à son public – avant tout. C’est très encadré, et beaucoup d’auteurs ont du mal avec ça. Le danger après c’est de ne plus faire que ça et de ne plus développer de projets personnels, de s’auto censurer aussi. Il faut arriver à pouvoir faire les deux mais ça n’est pas toujours facile.

Moi en tout cas j’en ai besoin, même si les projets personnels ne sont pas toujours tournés. Avec un ami on a développé pendant plusieurs mois un scénario pour le cinéma qui n’a pu trouver preneur. On l’avait rangé dans un tiroir en pensant que c’était terminé mais curieusement, un producteur de télévision s’y est intéressé et il a été tourné pour la télé cinq ans après. Donc il faut continuer à développer des projets non formatés, avec des idées audacieuses car si votre histoire est bonne elle intéressera quelqu’un un jour, à plus forte raison aujourd’hui, avec l’essor des plateformes.

Dans mon cas, j’ai toujours eu l’impression que la vision des films, réfléchir dessus était ce qui continuait de m’inspirer le plus. J’ai eu plein d’idées après avoir vu des films, pas des idées que je piquais à ces films attention, mais des idées qui me venaient à partir d’une réflexion que le film avait déclenché en moi. Pour la méthode chacun à la sienne, j’en ai développé une qui marche bien pour moi, mais je ne fais jamais de fiches de personnages pour consigner où le personnage est né, ce qu’il mange au petit déjeuner, ce qu’il écoute comme musique. Certains le font et ça les aide peut-être mais c’est surtout une manière de se mettre en confiance. Je suis plus un scénariste qui part d’une situation que d’un personnage. Ca n’est pas tellement l’usage en France.

5) Et etes-vous surpris par l ‘accueil et les taux d’audience de vos téléfilms écrits? Je pense à « meurtres à Granville » pour France 3.

Meurtres à... - Meurtres à Granville en streaming - Replay France 3 |  France tv

https://www.telestar.fr/actu-tv/meurtres-a-granville-le-tournage-a-t-il-vraiment-eu-lieu-en-normandie-566510

Non je ne suis pas vraiment surpris même si on ne sait jamais comment le public peut réagit, en fonction de la concurrence notamment. Mais « Meurtres à Granville » fait partie d’une collection de téléfilms du même type qui fonctionnent très bien à l’audimat. Celui-là a un peu mieux marché que les autres c’est vrai. On a eu la chance aussi d’avoir un excellent casting, un réalisateur et une productrice qui ont su mener à bien l’entreprise malgré la pandémie.

6) Vous réalisez avec Jean Veber des podcasts cine-buddies sur des sujets aussi divers qu' »amicalement votre », « parallax view » ou « Columbo »…podcasts avec de l ‘audience? Dans quels buts ces réalisations audio?

Aujourd’hui dans les émissions de radio de cinéma, c’est dur d’avoir le temps de parler en profondeur d’un film. Le podcast le permet et les gens peuvent les écouter facilement où ils veulent quand ils veulent. Avec Jean, on s’est connu sur Facebook, on ne s’est même jamais rencontré vu qu’il habite à Los Angeles et moi à Paris. Nous avons des goûts similaires et on s’est rendu compte qu’on avait du plaisir à parler de cinéma tous les deux, on s’est donc dit que ça pouvait être intéressant d’en faire profiter les autres. Ces podcasts sont vraiment faits d’abord pour notre plaisir. Je ne sais pas quelle en est l’audience car elle est dure à mesurer.

7) Vous qui etes scénariste professionnel (TV, cinéma…), quelles sont les grandes tendances qui se profilent en terme d’histoires ou de trames scénaristiques à l ‘heure actuelle, que ce soit dans la fiction française ou américaine?

La forme de la série est en train de prendre clairement l’avantage sur celle du film de cinéma. Il faut dire qu’elle permet des choses qui ne sont plus possibles au cinéma même si je trouve qu’en France en reste encore très classiques en la matière. Le cinéma français est en train de mourir aussi d’avoir abandonné un certain type d’histoires et de genres. En gros il propose depuis de nombreuses années déjà essentiellement de la comédie et du film d’auteur, avec fond social appuyé. C’est très limitant. Personnellement je ne regarde pratiquement plus de films français car ce qu’ils proposent ne m’intéressent pas. Les séries américaines, britanniques, scandinaves, espagnoles sont souvent beaucoup plus stimulantes même si pour moi un grand film sera toujours supérieur à une grande série. C’est peut etre générationnel mais je ne revois jamais de séries, alors que je revois sans cesse les films qui m’ont marqué. Aucune série pour moi ne peut se mesurer au « Parrain, à Barry Lyndon, Vertigo, Persona ou Raging Bull ».

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Affiche de BARRY LYNDON

Le cinéma c’est pouvoir faire défiler toutes les émotions d’une vie en 90mn ou 2h. C’est beaucoup plus dur à faire que sur 86 épisodes. Donc la narration d’un film, quand elle est réussie, me touche plus. Mais professionnellement il est clair qu’aujourd’hui si on a une bonne idée, on cherchera plus à la développer en série qu’en film. On pourra davantage la placer. La série permet parfois une structure éclatée, pas forcément chronologique que le cinéma n’ose plus vraiment employer. Le phénomène du binge watching, a aussi changé notre rapport à la série. Tous les épisodes sont parfois mis en ligne et on peut les enchainer. Il n’y a plus à attendre une semaine pour avoir l’épisode suivant, ce qui avait tendance à sortir le spectateur de l’action. Là on est plus immergé, mais une fois encore, ça agit comme une sorte de drogue. Une fois que c’est fini, on ne revoit pas cette série, on passe à une autre.

8) Vous avez écrit, en tant que critique cinéma dans des revues comme « POSITIF » ou « SO FILM » ou « les Inrocks », ne regrettez-vous pas le règne actuel du consensus mou dans les critiques cinéma actuelles (en gros, tout se vaut…) face aux polémiques et clivage d’antan?

So Film N°72 du 11 juillet 2019 à télécharger sur iPad

Oui aujourd’hui la plupart des critiques officiels aiment à peu près tout aujourd’hui et émettent peu de jugements négatifs. On trouve souvent plus d’avis intéressants et sincères sur des blogs cinéphiles. Je ne parle pas des réseaux sociaux ni d’allociné attention où là c’est souvent n’importe quoi. Je parle de personnes passionnées qui prennent vraiment le temps d’analyser les films, en dépassant le « J’aime/J’aime pas ». Ca peut aussi être un podcast. Maintenant, qui s’intéresse vraiment à la critique de cinéma aujourd’hui ? Qui lit des avis fouillés qui dépassent 30 lignes ? On n’est sûrement pas nombreux. Le déclin de la critique reflète aussi le déclin du public pour ce genre d’analyses. C’est triste mais c’est ainsi. La cinéphile aujourd’hui, la vraie, c’est une niche.

Revue Positif

9) Vos derniers coups de coeur en série TV, films cinéma ou livres?

Manhunt: Unabomber: DVD & Blu-ray : Amazon.fr
https://www.youtube.com/watch?v=_4JROgSN_-M

Sur Netflix, la série « Manhunt Unabomber » m’a marqué à tous les points de vue. « Defending Jacob » sur Apple TV+ aussi, The Morning Show. J’ai lu un livre extraordinaire de Jay Glennie sur le making of de RAGING BULL de Martin Scorsese et un autre de Nathan Rera sur la production d’ « OUTRAGES » de Brian De Palma, un énorme pavé qui tient plus du travail d’historien que de la critique de cinéma à proprement parler. Ca m’a vraiment impressionné.

Jay Glennie on Twitter: "Not putting on the heavy arm and suggesting that  you buy two copies of the large format 'Raging Bull the making of' but boy  do the front and

Le démon du soir ou la ménopause héroïque

Qui a dit que la femme de plus de 60 ans n’existait pas dans la BD contemporaine ? Avec Le démon du soir ou la ménopause héroïque, Florence Cestac s’attaque à un monument de la bande-dessinée, peu vu dans les albums : la future retraitée de plus de 60 ans. Critique de l’album et interview de son auteur.

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Elle n’en peut plus d’ailleurs cette femme-là, elle doit tout assurer, un boulot prenant, un mari ombrageux et infantilisant, des enfants absents, des petits-enfants encombrants et une mère excentrique… Florence Cestac, dans la lignée de son plus gros succès Le démon de midi, paru en 1996, ne nous décrit plus une femme trompée allègrement et avec humour, mais une femme ex-soixante-huitarde qui n’en peut plus de toutes ses obligations sociales ou professionnelles et qui se rend compte qu’elle va passer à côté de sa vie à l’aube de la soixantaine. Son cancer naissant du sein sera comme un révélateur de son mal-être et malaise social. Elle décide de tout larguer, son mari en premier, pour vivre dans le sud de la France, à l’intérieur d’un mas à reconstruire et à rénover. S’en suit des aventures picaresques où l’on se rend compte qu’être indépendante (ou femme libérée ?), n’est pas si facile (« ne la laisse pas tomber, elle est si fragile… », refrain connu).

Florence Cestac, la bande dessinée comme terrain de combat féministe -  rts.ch - Livres

Faut-il rappeler que Florence Cestac est une formidable observatrice de la vie quotidienne des femmes depuis plus de 20 ans . Elle nous les décrit débordées, que l’on oublie trop de câliner, entourées de personnes peu bienveillantes à (son) leur égard.

Comme toujours chez Cestac, le tragique s’accompagne de tons humoristiques irrésistibles ou de description « gratinée », comme la mère de l’héroïne qui se prend pour Brigitte Bardot. Encore un défi relevé avec brio : nous montrer une femme ignorée de la BD : l’ex-soixante-huitarde sur occupée, mais que l’on va mettre bientôt sur le bord du chemin sur tous les plans (familiaux, professionnels,…). Elle décide de reprendre sa vie en main, au grand dam de son mari et (des) de ses enfants, peu réceptifs à toute révolution. Florence Cestac assume d’être un auteur féministe et c’est vrai que sa bibliographie commence à regorger de classiques du genre, que ce soit Le démon de midi ou encore Des salopes et des anges, paru en 2011, sur les horreurs liées à l’avortement avant la loi Veil de 1974.

Bandes dessinées - Des salopes et des anges - DARGAUD

Elle s’inscrit aussi, même si elle ne s’y reconnaît pas (lire ci-dessous) dans la renaissance de la BD dite « girly » ; elle-même en a été précurseur dans bien des domaines et dans la description de ces femmes-modèles aux vies quotidiennes souvent harassantes. À une époque où l’on continue encore et toujours à enfermer les femmes dans un modèle patriarcal étouffant – comme en ont encore témoigné les manifestations anti-mariage pour tous, ce type d’album est toujours salutaire.

Florence Cestac a été éditrice, attachée de presse, graphiste, coloriste, vendeuse chez « Futuropolis »…mais aussi depuis son arrivée en 1994 chez Dargaud, titulaire de nombreux prix BD – dont le fameux grand Prix d’Angoulême en 2000 -, preuve de son influence grandissante, de ses thématiques récurrentes et donc une grande spécialiste du monde BD aussi bien de ses chapelles revendiquées, de son marché spécifique mais aussi de ses limites actuelles (pas assez d’auteures femmes ?) tant sur le plan des ventes que des idées dessinées. Retour sur la carrière d’une artiste qui n’a pas sa langue dans la poche. Un régal de lecture. Entretien réalisé en juin 2013.

DV: Dans la BD La véritable histoire de Futuropolis, vous le montrez bien, vous avez fait un peu tous les métiers : coloriste, graphiste, attachée de presse, vous avez été dans des festivals, vous avez livré des stocks de livres un peu partout en France. Justement, on peut se demander ce qui a coulé cette maison d’édition en 1994 ?

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Florence Cestac : Quand vous avez des projets qui intéressent les gros, ces gros vous rachètent comme ils veulent. Le banquier qui vous dit du jour au lendemain, les découverts c’est terminé et alors vous déposez le bilan et comme par hasard, il y a monsieur Machin qui vous rachète pour un franc symbolique.

DV : Vous pensez que c’est lié ?

Florence Cestac : Bien sûr. Les petits éditeurs, ils défrichent le terrain, découvrent de nouveaux auteurs et quand cela commence à marcher, hop ils vous rachètent.

DV : Futuropolis, rachetée par Gallimard en 1994, est devenu un « label dormant » par la suite.

Florence Cestac : C’est vrai que lorsque je suis partie la première et Étienne Robial ensuite ; c’est resté endormi pendant à peu près des années et après, ils ont fait redémarré le truc. C’est resté cinq ans sans publication majeure.

DV : Par la suite, vous n’étiez plus lié du tout à cette maison d’édition, car des fois, on vous catapulte à un poste symbolique ou honorifique.

Florence Cestac : Ça n’a pas été le cas. On avait vendu à un euro symbolique.

DV : Vous avez l’étiquette d’auteur féministe, êtes-vous d’accord avec ça ?

Florence Cestac : Oui. Je suis d’accord avec cette étiquette-là. Les féministes se sont battues pour faire avancer un peu le droit des femmes. C’est ma génération. J’assume complètement.

DV : Vous êtes la seule dessinatrice à vous intéresser aux femmes de plus de 60 ans.

Florence Cestac : J’ai la chance d’être chez un bon éditeur qui accepte les idées un peu farfelues et quand ça marche, je suis contente.

DV : D’ailleurs, avez-vous eu de bons retours pour le dernier ?

Florence Cestac : Oui, excellent pour le dernier. Il est déjà réédité.

DV: Aux « Crayonantes » de Nantes, vous aviez déclaré que vous n’étiez pas franchement ravie de l’adaptation ciné du Démon de midi alors que, paradoxalement, maintenant tout auteur BD qui se respecte se doit d’avoir une bonne adaptation BD au cinéma ou même à la TV ; on le voit pour beaucoup d’auteurs BD comme Uderzo, Morris ou Franquin.

Florence Cestac : Autant l’adaptation théâtre du Démon de midi était intéressante, autant l’adaptation cinéma ce n’était pas ça. Autant j’ai trouvé Michèle Bernier intéressante au théâtre, autant au cinéma, je la trouvais beaucoup moins bien. Mais tout cela est lié à des problèmes de droit. Moi, je ne m’en mêle pas, après ce que l’on en fait…

DV : Pour le dernier album, y a-t-il des droits en cours ?

Florence Cestac : Il y a des deals en attente, mais on attend, il n’y a rien de fait.

DV : Avec la création de Futuropolis et votre montée à Paris, vous avez été témoin, dans les années 1970, de l’explosion de la BD comme mass-média.

Florence Cestac : Oui bien sûr, on a vécu tout cela de près, on a vu la création de Métal Hurlant, À suivre. On a participé à cette explosion, bien sûr.

DV : Vous rendiez-vous de compte de cela à cette époque ?

Florence Cestac : Non, on ne pouvait pas imaginer à l’époque que la BD deviendrait un truc aussi énorme que maintenant avec autant de succès. Bien sûr que non. On ne se disait jamais que l’on avait mis la main sur un filon et que cela allait être formidable.

DV: Vous travailliez pour l’Art, vous n’étiez pas du tout arriviste à Futuropolis.

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Couverture de Flash Gordon (Futuropolis), tome 1 : 1934-1936

Florence Cestac : Bien sûr, à « Futuropolis », on faisait des albums que les auteurs ne pouvaient pas faire chez les autres éditeurs, c’est-à-dire un format 30*40 invendable, inrangeable dans les bibliothèques, en noir et blanc. On adaptait l’auteur aux livres et non l’inverse. L’auteur participait directement à la création de son livre par la pagination, le papier, la couverture, c’était très important pour nous.

DV : C’est le lot de beaucoup de petites maisons d’édition de vivre cahin-caha jusqu’à ce que ça pète, non ?

Florence Cestac : Oui bien sûr, vous montez n’importe quelle boîte ; au début, tout le monde a du mal, on finit par s’engueuler entre associés, on a des dettes et on est racheté à la fin.

DV: Vous allez chaque année à Angoulême ? Vous faites partie du jury du grand Prix ?

Florence Cestac : Oui, étant récompensée en 2000 du Grand Prix, je fais automatiquement partie du jury qui va élire chaque année le lauréat du Grand Prix.

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DV : En mai, lors de l’émission de Stéphane Bern A la bonne heure sur RTL, vous avez déclaré que le monde de la BD était trop masculin et que les femmes, dans cet univers, occupaient des tâches souvent ingrates…

Florence Cestac : J’y ai dit effectivement que c’était un monde essentiellement masculin, avec 10 à 20% de femmes seulement et 90 % de la production réalisée par des hommes et achetée par des hommes. Il y a ici un véritable problème d’éducation ; quand j’étais petite, on achetait des BD à mon frère et à moi des livres pour bien savoir tenir une maison. Heureusement, par la suite, il y a eu des auteurs comme Franquin qui ont fait de la BD autant pour les filles que les garçons, il y a donc ainsi de plus en plus de femmes qui font de la BD à l’heure actuelle car elles en ont lu étant petites. C’est un vrai problème culturel.

DV : Actuellement, on voit une renaissance de la BD dite « girly », avec des auteurs comme Pénélope Bagieu ou Margaux Motin…de la BD très contemporaine.

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Florence Cestac : Elles racontent ce qu’elles voient de leur époque, je ne sais pas faire cela moi, je suis trop vieille pour cela ; elles racontent leur époque présente et je vois que lorsqu’elles dédicacent, elles ont un public féminin qui se reconnaît en elles. Cela marche car les jeunes filles se retrouvent en elles.

DV : Vous avez fait aussi de la BD jeunesse.

Florence Cestac : Oui tout à fait, j’ai fait la famille « Déblok » pour le Journal de Mickey.

DV : Vous faites de la BD presse ?

Florence Cestac : Non, pas du tout. C’est trop difficile. De manière générale, c’est extrêmement difficile de durer dans le monde de la BD et notamment pour sortir du lot. Vous sortez un album, il a un mois ou deux pour se vendre ; si cela ne marche pas, c’est fini ; si les gens n’en parlent pas, cela passe à la trappe.

DV : Le fait de passer en 1994 de Futuropolis à Dargaud a-t-il été une chance pour vous ?

Guy Vidal:

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Florence Cestac : Oui car j’ai rencontré un éditeur formidable qui s’appelait Guy Vidal à Dargaud. S’il n’avait pas été là, je ne serai pas là où j’en suis. Je lui dois beaucoup. C’est comme une rencontre amicale ou amoureuse, il faut tomber sur les bonnes personnes. Chez « Dargaud », j’y suis bien, ils me suivent sur mes propositions, une BD sur la ménopause on y va, Des salopes et des anges, on y va, une BD sur Charlie Schlingo, on y va. C’est formidable que Jean Teulé m’ait suivie dans cette histoire. D’ailleurs, dans l’album Futuropolis, je disais qu’il faudrait réaliser une BD sur ce monsieur, sur sa vie.

DV : Vous avez dû en voir défiler des auteurs ? De futures perles aussi ?

Florence Cestac : Bien sûr, on en a vu de toutes sortes, oui. Comme dans la vie, il y en avait des sympas, des cons, des chiants…par exemple, beaucoup d’auteurs de la future Association ont commencé chez nous, à la collection « X ». On a aussi publié un fanzine qui s’appelait Labo. Une petite revue que l’on faisait tous les mois, je ne m’en souviens plus très bien.

DV : Une question un peu polémique, le Étienne Robial en question, c’est celui qui a fait de la prison en même temps que vous en 1968 ? Plus longtemps que vous d’ailleurs ?

Florence Cestac : Oui, c’est lui.

DV: C’est lui dont votre père considérait que c’était un pseudo-délinquant et un méchant dans une de vos BD (« la vie en rose », Dargaud, 1998)? Le même qui a été décoré par Frédéric Mitterrand plus de 40 ans après en tant qu’officier des Arts et des Lettres…

BLOG.lenodal.com : Rencontre avec Etienne Robial

https://www.youtube.com/watch?v=VXTx-sccPsQ

Florence Cestac : Oui mais à l’époque, on était considéré comme de dangereux propagandistes. On avait enlevé tous les emblèmes nationaux lors d’un 14 juillet du côté d’Arcachon.

DV : Le Étienne Robial en question, comment a-t-il pris Le démon de midi ?

Florence Cestac : Au début, ça lui a fait tout drôle et après il s’est dit, « oh, elle a fait sa petite BD, ça lui a fait du bien et ça ira pas très loin » et comme cela a fait un énorme succès, ça l’a considérablement emmerdé.

DV : Vous avez un ton humoristique assez développé, mais vous montrez parfois les hommes comme des êtres lâches ou les hommes avachis devant leur télévision, avec la bière à côté.

Florence Cestac : Moi, je les regarde les hommes et si j’en ai décrit certains comme cela, c’est que j’en ai vus des comme ça. Se gratter les couilles devant la télévision, c’est un grand classique, non ? Le nombre de mecs qui se grattent les couilles devant la TV, c’est inimaginable (rires).

DV: J’espère qu’ Étienne Robial a un bon fond, car il est décrit comme quelqu’un de veule et de lâche dans « le démon de midi ».

FlorenceCestac: Oui s’il a de l’humour ; je dénonce des choses en gueulant donc les mecs doivent faire attention à se comporter comme cela. Oh et puis c’est rigolo vous savez, c’est pas bien méchant.

DV : On fait souvent le lien Étienne Robial-Florence Cestac, cela ne vous agace-t-il pas un peu ?

Florence Cestac : On a vécu 22 ans ensemble, ça compte, on a fait un enfant ensemble, ça compte évidemment. On ne peut pas couper les liens comme cela. On a fait beaucoup de choses ensemble, une maison d’édition par exemple.

DV : Vous alliez dans la même direction en tant qu’artistes et éditeurs ?

Florence Cestac : Oui, chez Futuropolis, il y avait de tout. Nous avons édité les gens que nous avons aimés et qui nous séduisaient ; moi j’étais plus dans l’humour et les gros nez, lui était dans le poétique et le plus compliqué, genre Edmond Baudoin. On avait chacun nos domaines de compétences respectifs mais on a poussé des auteurs que l’on trouvait formidables.

DV : Vous avez fait les Arts décos à Paris. Vous avez beaucoup appris dans cette école ?

Florence Cestac : Les Arts décos, rien du tout (rires). J’ai fait les Beaux-Arts à Rouen pendant trois ans, on passait le CAFAS à l’époque et ensuite, on pouvait intégrer la deuxième année sur Paris aux Arts décos. Moi je voulais absolument quitter ma province et monter à Paris. Les Arts décos c’était après Mai 1968, c’était un bordel monstre, je n’ai rien compris, j’ai redoublé ma première année et je me suis tirée au bout de deux ans.

DV : Pourtant dans « la vie d’artiste » (Dargaud, 2002), vous montriez que vous étiez en complet état d’admiration devant certains enseignants.

Florence Cestac : Oui bien sûr, il y avait quelques enseignants qui étaient formidables, mais c’était toujours des AG en permanence, ainsi que des réunions. Je n’avais pas compris ce qu’il fallait faire comme boulot, ça ne m’a pas plu et j’ai quitté très vite.

DV : Avez-vous eu des retours de politiques sur Des salopes et des anges car cette BD est aussi une sorte de manifeste, non ?

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Florence Cestac : Non, rien du tout. Très peu de choses, ça ne rentre pas dans leur monde, je crois.

DV : Vous y montriez une réalité assez sordide ?

Florence Cestac : Tout à fait. On raconte bien que ce que l’on a connu. Et moi, ce voyage en Angleterre, je l’ai vécu et c’est en en parlant à Tonino Benacquista qu’il m’a dit qu’il fallait la raconter car ça ne l’a jamais été fait. C’est parti de là en fait. Il y a plein de jeunes filles qui me disent, ah bon c’était comme ça à l’époque. Ah là là, mais on ne savait pas tout ça. Il y a un côté éducatif dans cette BD.

DV: À l’heure actuelle, ce n’est toujours pas simple d’avorter.

Florence Cestac : C’est de pire en pire. On est en train de retourner en arrière et c’est devenu très compliqué de se faire avorter dans des conditions décentes.

DV: En gros, il faut de l’argent.

Florence Cestac : Pour ceux qui ont de l’argent, la vie n’est pas un problème mais pour les autres, démerdez-vous. Il y a des problèmes de délais maintenant pour s’inscrire dans les cliniques, c’est infernal. On n’avance pas, on recule dans ce domaine.

DV: Justement, vous vous servez du média BD pour dénoncer cet état.

Florence Cestac : Bien sûr. C’est comme lorsque l’on parle de la ménopause, c’est presque un gros mot la ménopause. Quand vous parlez d’une femme ménopausée, ah là là quelle horreur, cela n’existe pas. À 60 ans, on n’est pas foutu comme femme. On est la première génération où l’on doit s’occuper des enfants, des petits-enfants et même de nos parents. La génération de 1968, on est une génération de battantes ; on n’est pas vieille à 60 ans, on continue à bien vivre et on est en pleine santé.

DV: Et l’auto-édition, vous y avez pensé ?

Florence Cestac : Je pense, pour ma part, que l’on ne peut pas être à la fois auteur et éditeur. Ce sont deux métiers radicalement différents, il y a un moment où il faut faire des choix. Moi-même, j’ai été éditrice au départ et maintenant, je suis auteur et je resterai maintenant auteur.

DV : J’ai réalisé une interview d’Hermann où il n’est pas tendre avec le Festival d’Angoulême (cf lien http://www.fragil.org/focus/2229).

Florence Cestac : Il n’a jamais eu le Grand Prix, c’est pour cela. Il y a environ plus de 4 500 albums qui sortent chaque année, il y a toujours des mécontents. Le Grand Prix d’Angoulême, c’est une récompense pour l’ensemble de l’œuvre d’un auteur. Pour le jury, on est une vingtaine ou une trentaine maintenant à se réunir, il y a un nom qui sort et c’est la démocratie, on vote pour lui ou non. Des fois, cela se joue à une voix près, c’est comme ça.

DV: Votre dernier album, vous avez mis combien de temps à le dessiner ?

Florence Cestac : Comme une grossesse, 9 mois. Le scénario environ deux mois et après, dessiner c’est la récompense. Quand je dessine, je mets la musique, la radio, je pense à autre chose. On peut se détendre alors que l’écriture, cela demande beaucoup plus de concentration.

DV : Vous avez participé à l’aventure du Poulpe ?

Florence Cestac : Oui, avec Francis Mizio et j’ai collaboré aussi avec René Pétillon pour Super catho.

DV : Actuellement, voyez-vous des menaces dans votre création ou autocensure ?

Florence Cestac : Non, du tout. On me perçoit comme un auteur rigolo qui fait de la BD rigolote avec des personnages avec des gros nez et ça ne va pas plus loin. En fin de compte, c’est plus pernicieux que cela mes BD.

DV : En ce qui concerne la BD dite »girly »…

Florence Cestac : Tout le monde essaie de m’en faire dire du mal. C’est des trucs de nanas et c’est pas important…alors que non, il faut leur laisser le temps d’évoluer, de grandir et de devenir des auteurs à part entière, leur laisser faire leurs premiers pas. Elles racontent ce qu’elles vivent au quotidien.

DV : À une certaine époque, on considérait la BD comme un « art mineur ». Cela a-t-il bien évolué ?

Florence Cestac : Oui mais maintenant, les jeunes sont décomplexés avec ça. Quand j’ai commencé, c’était plutôt les derniers de la classe qui faisaient de la BD.

DV : Vous êtes aussi très critique vis-à-vis de l’éducation artistique dans le secondaire.

Florence Cestac : Ah oui, c’est nul. C’est fait souvent par des profs qui sont souvent là des peintres refoulés. Les profs de dessin dans les collèges, c’est souvent à pleurer ; ça ou rien, c’est à pleurer, c’est comme la musique.

DV : On vous a proposé de donner des cours ?

Florence Cestac : Je l’ai fait à une époque. J’intervenais dans des classes et justement, il faut que ce soit vivant, ludique. J’arrivais bien à les choper les mômes, ils vous disent : « moi, je ne sais pas dessiner » et moi, je leur disais, « tu sais dessiner une patate, tu dessines une grosse patate pour le visage et une autre pour le corps » et les mômes, ça les décomplexait d’un seul coup et après, c’était parti, on ne pouvait plus les arrêter.

Propos recueillis par Dominique Vergnes – Photos : ©Éditions Dargaud

Rencontre avec un cinéaste au travail: Frédéric Schoendoerffer

 J’ai remarqué qu’il y avait pas mal de choses ou d’articles sur vous sur Internet ; lisez-vous les articles sur votre personne ?

Non pas vraiment, seulement lorsque j’ai un film qui sort et savoir comment il est perçu, c’est toujours intéressant.

 Vous avez donné une « master class » à Beaune pour le festival du film policier. Et vous y avez dit quelque chose d’assez intéressant : c’est que si vous ne voulez pas être vraiment critiqué ou jugé, ne faites pas le métier de cinéaste.

Ah ben, ça c’est sûr ; si vous faites des films, vous êtes exposé à la critique, à des gens qui les ne les aiment pas ou moyennement.

 Je vais poser une question que l’on a dû vous poser plusieurs fois : l’hyperréalisme dans vos films et le gros travail d’investigation, de recherche dans ceux-ci.

Je pars du principe que plus je crois à ce que je vois, plus ce que je vois m’impacte. Il n’y a pas vraiment de calcul dans tout cela.

 J’ai fait des recherches sur vos films et ce qui ressort de vos films c’est que par exemple « Scènes de crimes »expose la violence perverse d’un sérial-killer, « Agents Secrets » montre la violence étatique et « Truands » reflète les moeurs barbares de mafieux sans foi ni lois. Finalement, par vos films, vous vous attaquez à des structures bien typées et  à leurs failles, comment des machines bien huilées sont grippées par des réalités qui leur échappent.

Oui, oui absolument. Je considère qu’il y a ainsi un fil directeur entre ces 3 films avec cette idée de violence dans la société.

 Etes-vous surpris par les retours sur vos films, car vos longs métrages sont loin d’être neutres.

Oui pour « Truands » par exemple, j’ai eu une presse déchaînée. Quand on a des critiques assassines, je ne peux pas dire que cela soit plaisant mais bon, c’est un peu la règle du jeu. Il faut apprendre à vivre avec tout cela.

 Ces critiques assassines ne vous ont-elles pas bloqué ?

Non, non, ça ne m’a pas fait plaisir mais cela ne m’a pas bloqué. J’ai eu de bonnes critiques sur certains films, des mauvaises sur d’autres et parfois, avec le temps, ces mauvais avis changent, on comprend mieux le film petit à petit. L’avis des gens change. Pour « Truands », j’ai eu des critiques extrêmement violentes et à l’arrivée, c’est plutôt un film que les gens aiment bien à l’heure actuelle. Pour un metteur en scène, ce qui est important c’est de pouvoir continuer à faire des films ; j’estime que j’ai de la chance car je fais le métier que je voulais faire depuis mon enfance, il y a des métiers plus durs que cela, il faut aussi accepter la critique pour vos films.

 La France reste un pays profondément conservateur et si vous dérangez en art ou en culture, c’est presque normal que vous ayez des retours négatifs.

Oui, oui c’est vrai. « Truands » était un film au sujet « gratiné » et il ne laissait pas les gens insensibles. Finalement que les gens ne soient pas indifférents à votre travail, ce n’est pas si mal.

 Avec vos films, est-ce qu’il y avait cette idée « ah regardez, on fait des séries ou des films hyperréalistes comme les américains », je pense à la série « Braquo » auquel vous avez participé.

En ce qui me concerne, il n’y avait pas cette idée-là. Il y avait cette idée de faire du bon travail. Moi, personnellement, j’adore le cinéma américain des années 1970 mais chez moi, il y a cette idée de faire surtout du bon travail et de bons films. Je ne travaille pas en me disant je vais faire comme les américains. Dans « Truands », il y a un côté très français par exemple.

 Et comme vous le déclariez dans « Truands », il n’y pas de hiérarchie mafieuse comme en Italie, ce sont plutôt des bandes : on retrouve des bandes de maghrébins, des gitans ou des français de souche.

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Oui des gaulois quoi. La Gaule avec ses diverses tribus lorsque les Romains ont envahi la Gaule. Le grand banditisme français, c’est un peu ça.

 Il y a une scène dans « Truands » où les mafieux canardent une boîte de nuit, on peut penser que c’est exagéré et finalement, début septembre 2013, on a eu le même fait-divers à Marseille.

De toute manière, je n’ai rien inventé. Lorsque « Truands » est sorti, on a dit ce n’est pas plausible, cela ne se passe pas comme cela en vrai. Moi, j’ai juste compilé un certain nombre d’histoires. Cette violence et ces mafieux, on les voit tous les jours à Marseille. Moi, je ne voulais pas faire l’apologie de tout cela, je voulais montrer ce monde sans artifices.Voilà comment est ce monde-là.

 J’ai à nouveau regardé votre DVD, on y voit le making-of et les acteurs ont l’air de bien rigoler. Cela montre qu’un tournage peut-être joyeux.

Oui, oui on peut travailler dans la bonne humeur.

 Dans ce film, je trouve que vous avez très bien utilisé Benoît Magimel comme tueur à gage avec cette force implacable que l’on sent chez lui.

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Il est fantastique Benoît dans le film. C’est en plus un ami et quelqu’un que j’aime beaucoup.

 Si « Truands » a si dérangé, c’est qu’il était considéré comme très violent et une certaine partie de la population n’accepte pas ce genre de film.

Tous les goûts sont dans la nature, je n’ai pas de jugement sur ce sujet-là.

 Généralement, vous décrivez des structures institutionnelles dans vos films comme la SRPJ dans « Scènes de crimes » ou le monde de l’espionnage dans « Agents secrets » et on se rend compte que souvent, ces gens sont très seuls dans leur travail et que leur hiérarchie ne les couvre pas s’il y a des problèmes.

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C’est ça qui m’intéressait, pour « Scènes de crimes », je considérais que lorsqu’on traque un sérial-killer ou lorsqu’on a affaire à une réalité très sordide, il y a toujours des conséquences sur l’homme et la vie privée.

 Il y a une scène dans « Scènes de crimes » où les deux policiers convoquent une actrice de film porno pour leur enquête et Charles Berling semble très excité par cette personne.

Oui, oui absolument, il a une sorte d’attirance directe pour cette femme.

 Vous dépeignez et décrivez des gens dans leur travail au quotidien, avez-vous des retours justement de ces structures institutionnelles ?

Je sais que « Scènes de crimes » a été très apprécié par les policiers.C’est un film parfois projeté à l’école des commissaires. »Agents secrets » a été apprécié aussi par les espions professionnels et cette idée que l’Etat les laisse tomber s’il y a un problème, c’est leur lot quotidien. L’affaire du « Rainbow Warrior » ce fut cela par exemple. Ces gens-là le savent qu’ils risquent d’être lâchés si cela part en vrille, il y a donc quelque chose de tragique dans leurs vies qui m’intéressait.

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 Finalement, comme votre père avec ses films sur l’armée, vous mettez des gens en lumière, des gens que l’on voit peu au cinéma.

En tous les cas, des gens qui me fascinent et que je trouve très intéressant, surtout lorsqu’ils font bien leur travail.

Cela rappelle un article du cinéaste polonais Krzysztof Kieslowski qui déclarait que les gens avaient besoin de se voir au cinéma, de s’identifier à des personnages normaux aussi bien dans leur vie quotidienne ou que dans leur travail. Ainsi, de par vos films, vous permettez à certains corps de métier d’exister, de prendre corps cinématographiquement.

Et bien, tant mieux, je suis plutôt content de cela.

 Pour « Truands », vous déclariez dans le making-of que vous aviez l’impression d’être devenu un véritable cinéaste avec ce film.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18719234&cfilm=108871.html

Ben c’était mon troisième film et l’on se dit que cela va finir par devenir votre métier, vous voyez. On apprend à chaque film et au troisième, on se dit que c’est vraiment votre métier.

 En tant que metteur en scène, vous êtes aussi un personnage public.Vous appréhendez bien ce statut ?

Oui mais je suis d’abord un personnage public le temps de la sortie d’un film ; je le défends dans les médias le temps de sa sortie au cinéma afin qu’il soit relativement bien perçu.

 C’est ce que disait Roman Polanski, on est le garant de son dernier film ; si votre dernier film n’a pas bien marché, eh bien tant pis pour vous.

Ca c’est sûr, le cinéma demeure une industrie. Même un film au budget modeste, ce sont des sommes colossales quand même et vous continuez à faire des films que lorsque les bailleurs de fonds’y retrouvent, ce n’est pas du mécénat vous savez ; c’est la règle du jeu quoi.

 Vous maîtrisez bien cette règle du jeu justement ?

Je continue à faire des films car je n’ai pas eu d’immenses échecs mais pas d’immenses succès aussi. Bon an mal an, tout mes films ont été bénéficiaires, vous voyez et donc les bailleurs de fond continuent à me faire confiance. Si votre dernier film ne rembourse pas les sommes investies, et bien vous êtes dans une position délicate. Les films sont faits pour êtres vus et s’ils sont vus, vous pouvez continuer à en faire. Mais je n’invente rien, tout cela existe depuis la création du cinéma ; en 1920, il y avait les mêmes enjeux.

 A une certaine époque, surtout dans les années 1990, peu importe que les films au cinéma rapportent ou non de l’argent, les chaines de télévision ou Canal plus mettront toujours de l’argent.

Oui c’est vrai mais ce n’est plus le cas à l’heure actuelle. Il faut toujours que les films demeurent rentables. Canal Plus, je pense qu’ils veulent investir dans des films qu’ils leur plaisent ou qu’ils leur rapportent de l’argent. Encore une fois, ce n’est pas du mécénat.

 Oui, en plus, à l’heure actuelle, il y a plusieurs vies pour un film : que ce soit dans les salles de cinéma ou sur d’autres supports comme les DVD, les Blu-Ray ou la VOD.

Oui, oui tout à fait. Finalement, on va avoir des films que les gens ont adoré à leur sortie et ils le revoient en DVD, ils se disent bof, bof…moi-même, j’ai adoré certains films à leur sortie et je me dis qu’ils n’étaient pas si bien que cela (et inversement). C’est difficilement explicable une oeuvre qui traverse le temps. Une oeuvre n’est pas figée vous savez, on le voit surtout en littérature.

 Peut-on dire aussi que vous êtes dans la lignée des films réalistes d’Olivier Marchal ou de Jacques Audiard ?

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Jacques Audiard, je ne le connais pas mais comme tout le monde, j’aime beaucoup ses films. Je ne le connais pas personnellement. Olivier Marchal, quant à lui, est un ami.

 Je fais cette remarque car comme pour « un prophète » de Jacques Audiard, vous décrivez des populations immigrées, maghrébines notamment de la seconde ou troisième génération.

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Oui, oui la société française telle qu’elle est.

 Vous savez aussi très bien mettre en scène des moments de violence dans vos films, je pense à la fameuse scène de parking dans « Truands ». Ce doit être intéressant à filmer, non ?

Ah oui, oui tout à fait, c’est passionnant à filmer. Je voulais montrer, par ces scènes, la sauvagerie des mafieux et montrer qu’ils étaient à l’image de notre société, de plus en plus violente et sauvage. Je voulais montrer comment ces mafieux étaient de plus en plus méchants et sans pitié.

 Vous filmez ces fameux mafieux dans leur vie quotidienne, dans leurs intérieurs de maison, dans leur vulgarité aussi. On se rend compte que ces gens n’arrêtent pas de se trahir entre eux.

Ah ben oui tout à fait.

 Une question un peu plus générale : est-ce que vous trouvez que c’est de plus en plus difficile de faire des films ?

Pas vraiment, il faut s’adapter. Les modes de financement changent. Moi, j’essaie toujours de faire quelque chose qui soit bien fait vous voyez ; ça a toujours été dur de réaliser des films.

 Et cela se passe bien vos tournages ? Les relations avec vos techniciens ?

Pour l’instant, ça s’est toujours bien passé mes tournages. Chaque metteur en scène a sa manière de filmer, c’est au cas par cas.

 Vos films sont-ils chers à produire ? Ils rentrent dans une moyenne production ?

J’ai fait principalement un film cher qui était « Agents secrets », les autres rentraient plus dans des budgets moyens. Quant aux cachets des acteurs, vous savez les acteurs sont tributaires de leurs derniers succès, ils sont aussi payés suivant le marché. Est-ce que ce n’est pas démesuré ? Je ne sais pas, les grands sportifs sont bien payés aussi.

Vos films sont tirés de scénarios originaux, est-ce que vous avez été approché par les américains pour des remakes de vos films ?

Oui, j’avais eu des contacts avec les frères Weinstein ; moi, personnellement, je n’ai pas le rêve américain vous voyez. Pour l’instant en tous les cas. J’ai eu des propositions pour tourner aux USA mais cela ne s’est pas fait.

 Vos films ont-ils eu du succès à l’étranger ?

Oui, oui ils se vendent bien à l’étranger. J’ai été souvent au Japon par exemple et c’est toujours très intéressant de voir comment les Japonais, une autre culture appréhendent votre travail, c’est assez fascinant.

 Je sais que vous êtes producteur de vos deux derniers films et avez-vous l’ambition comme Luc Besson de continuer dans cette voie ?

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Non, moi je ne suis pas un homme d’affaires comme Luc Besson. Tant qu’a faire des films, autant être prêt de leur fabrication. Moi, je ne suis pas prêt de faire ça, de créer un studio comme « EuropaCorp » comme Luc Besson. J’en suis là pour l’instant.

 Pour votre premier film, vous avez pris deux acteurs fameux : André Dussolier et Charles Berling. C’était un bon choix, surtout pour André Dussolier que l’on n’attendait pas sur ce genre de film.

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Oui il incarne bien ce type de personnage et il a en lui une certaine tradition française, je le trouvais très crédible dans ce rôle. C’était un défi inattendu pour lui d’incarner ce type de personnage.

De par vos films, vous montrez aussi des lieux impersonnels qui existent pourtant dans le paysage français : des parkings d’autoroute, de supermarché, des zones de chantier ou de déchetterie…

On ne les voit pas beaucoup en effet au cinéma, mais pourtant ils sont inscrits dans le paysage français.

 Et dans « Truands », les acteurs étaient-ils fiers du film ?

Ah oui, oui ils étaient contents de l’aventure, surtout de participer à un film estampillé non-visible pour les moins de 16 ans. « Truands » ce n’est pas un film que l’on fait tous les jours et ils étaient donc contents d’en avoir fait un comme celui-là.

 Votre dernier film « Switch », c’était une commande ?

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Non, non une volonté de ma part. Je voulais depuis longtemps travailler avec Jean-Christophe Grangé.

 Et donc pour ce film, vous avez travaillé avec Eric Cantona. Facile à diriger le Eric ?

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Ah oui, très, très. On a fait d’ailleurs la promotion du film en Angleterre et c’est vraiment un Dieu vivant pour les Anglais.

 Et donc votre prochain film c’est « 96 heures » avec Gérard Lanvin ?

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Oui c’est un peu « Garde à vue » à l’envers, l’histoire d’un voyou qui séquestre un flic pour lui soutirer des informations. Le film est tiré d’un scénario original signé par Simon Mickael, l’auteur des « Ripoux ».

 Dans une interview, vous déclariez que vous étiez très influencé par les films américains des années 1970 et par le formalisme de Michael Mann. C’est vrai que Michael Mann est un grand formaliste, mais je considère qu’il met trop en avant le monde des voyous et des marginaux.

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Moi, j’aime personnellement ces films, ces histoires, la manière dont il les filme ; après, je peux comprendre que des histoires de flics et de voyous peuvent ennuyer les gens.

 Et une histoire d’amour comme base de film ?

Ah oui ça m’intéresserait beaucoup aussi. J’en ai écrit une il y a quelques années.

 Vous vous êtes occupés de la police criminelle, des espions et je sais que vous rêvez de faire un film de guerre. Un film de guerre sur l’Afghanistan notamment.

Ah oui, oui je confirme. Si on veut faire une guerre réaliste et récent, il n’y pas 36 lieux d’opération à l’heure actuelle : le Mali ou l’Afghanistan.

 Votre père, Pierre Schoendoerffer, est mort en mars 2012 et il a eu droit aux honneurs nationaux.

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Oui effectivement, j’en étais très fier d’ailleurs. C’était un grand metteur en scène, un très bon père aussi.

 Votre prochain film sortira à quelle période ?

Je ne sais pas trop encore, mais sûrement en mars ou avril 2014. Je suis en train de finir le montage du film. Je ne sais pas bien comment ce film sera accueilli, mais j’y ai mis toute ma foi, mes envies et mon professionnalisme aussi. Ce sera un film produit et distribué par ARP .

 Et pour cette sortie, vous allez faire beaucoup de tournées en province ?

Ah oui, oui, pour moi, c’est un moment privilégié de rencontre et de contacts avec le public.

 Vous êtes en plein montage mais avez-vous le temps de voir des films en salle ou des DVD ?

Oui, oui bien sûr que je vois des films, des DVD aussi comme « la chair et le sang » de Paul Verhoeven, « Zéro Dark Thirty » de Kathryn Bigelow, absolument remarquable, « Man on Fire » de Tony Scott, le « Bounty » de Roger Donaldson que j’ai beaucoup aimé aussi.

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La Revue Dessinée: une autre forme de BD

Rencontre avec Sylvain Ricard, journaliste et scénariste BD, mais surtout membre fondateur de la « Revue Dessinée » ;  journal BD, né en 2013, qui traîte de l’information brûlante dans le monde et de sujets fort contemporains. Revue avec des choix éditoriaux pointus dans leur analyse du monde actuel,  qui fait aussi intervenir journalistes et dessinateurs de talent, que ce soit Etienne Davodeau, Carlos Nine ou Emmanuel Lepage…des dessinateurs au graphisme fort et à l’univers original. Enième revue BD? Pas du tout, d’abord une revue qui traîte de sujets contemporains par le biais du médium BD.

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Un assemblage donc de journalistes, scénaristes, dessinateurs et éditeurs pour une revue trimestrielle de qualité et en constant renouvellement. Entretien réalisé en septembre 2014.

Pouvez-vous nous parler du concept de « la Revue Dessinée »?

http://www.larevuedessinee.fr/

Le concept de « La Revue Dessinée » est de proposer une grosse revue trimestrielle (près de 230 pages) qui traite d’actualités en bande-dessinée, avec pour ligne éditoriale de proposer un éclairage sur le monde contemporain et mieux faire comprendre la société dans laquelle nous vivons.

J’ai lu quelque part que votre revue est née de frustration d’auteurs, de journalistes, de dessinateurs pas contents de leur sort et surtout du monde de l’édition.

C’est un peu ça, oui. Faire un livre, ce sont des mois de travail (s’il est publié), et seulement quelques semaines dans les rayonnages de librairie. C’est effectivement un peu frustrant. La frustration est venue aussi de ne pas pouvoir faire de la BD comme on le voulait en faire ou très difficilement. Enfin, frustration de ne pas pouvoir lire la revue que l’on voulait lire. Nous avons donc agi en conséquence…

Vous êtes passé par le crowfunding pour le lancement de la revue?

Pas exactement. Nous avons créé une société qui édite le titre. Nous sommes passés par le site « Ulule » pour une campagne de pré-abonnement.

Vous êtes content des premiers tirages?

Couverture de La revue dessinée -2- #02

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On a imprimé le numéro 1 à 15000 exemplaires et au bout de 15 jours, on en a réimprimé 6000 puis 3000 exemplaires. Les autres numéros sont imprimés à 20000 exemplaires. Nous sommes distribués dans le réseau des libraires et sur abonnements.

Le lancement du journal s’est bien réalisé et l’accueil fut bon d’ailleurs.

Oui c’est vrai, on était assez content du lancement.

Vous fonctionnez avec les mêmes dessinateurs?

On a travaillé jusqu’à présent avec près de 50 dessinateurs. Nous collaborons essentiellement avec des auteurs concernés par le monde qui les entoure. On veut aussi des dessinateurs qui nous apportent leurs points de vue sur les sujets traités. Seules les chroniques thématiques voient les mêmes auteurs revenir.

Je vois que vous avez travaillé avec Etienne Davodeau. D’autres aussi?

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Pour les plus renommés des dessinateurs, il y a Emmanuel Lepage, Carlos Nine,  Nicoby, Daniel Casanave, Benjamin Adam, Thibault Soulcié, James et tant d’autres. Pour nos diverses couvertures on a eu Gipi, Mattoti, De Crécy entre autres. Ce qui nous intéresse ce sont des auteurs BD qui ont une vraie intelligence, un sens critique et qui, bien entendu, savent dessiner. C’est vrai que l’on peut considérer que nos dessinateurs ont un univers parfois « arty » et moderne, mais cela nous convient très bien. Certains auteurs publient pour la première fois, même chose pour les journalistes.

Vous êtes trimestriel ; à terme, vous voulez être mensuel?

Non, nous resterons sur un rythme trimestriel.

Vos reportages BD sont beaucoup liés à l’état du monde, aux guerres, aux problèmes environnementaux.

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On est très fiers de nos numéros ; on a travaillé sur les nationalismes en Europe. On commence à travailler sur la ville, l’urbanisme. On travaille aussi sur beaucoup de domaines politiques, économiques et artistiques. On essaie de faire une revue variée. Nous souhaitons être présents dans l’espace médiatique, sociologique, journalistique et non dans l’espace BD. Je tenais à préciser que ce n’est pas une revue BD mais qui se sert du format BD pour traiter de l’actualité, ce qui est différent.

Vous avez donc un an d’existence

Oui, un an de publication. Tout juste avec ce numéro 5 qui sort le 12 septembre.

Vous êtes diffusés partout en France?

Oui, dans le réseau spécialisé et dans le réseau généraliste, les relais H, les grandes enseignes etc. Nous sommes également présents en Belgique, Suisse et Canada.

Vous allez faire de l’édition?

Plutôt de la co-édition, avec « Futuropolis » probablement.

Vous êtes passés par le fanzinat?

Non du tout, qu’il s’agisse de moi ou des autres auteurs de la revue.

Peut-on vous comparer à « l’Association »?

Non, je ne crois pas. C’est une petite structure avec des actionnaires, des journalistes et auteurs fondateurs, des budgets, une trésorerie, c’est une société par actions simplifiées et non pas une association. De plus, nous éditons une revue, on ne fait pas de livres. La même année de notre naissance, on a vu se créer, outre « La Revue Dessinée », les revues « Professeur Cyclope », « Mauvais Esprit » (malheureusement finie) et « Aaarg! » mais nous n’étions pas des revues sur les mêmes créneaux. Nous, nous sommes la première revue entièrement destinée à l’information en BD.

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Je me souviens bien, vous aviez eu un très bon retour des médias pour votre lancement.

Oui mais le problème, ce n’est pas le lancement mais de durer. C’est maintenant que c’est difficile. Pour les tirages, on en est à peu près au même niveau, mais nous espérons évidemment progresser sur la seconde saison.

La revue « Aaarg! » se définit comme une revue BD alternative, est-ce votre cas?

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Non, non on n’est pas alternatif, mais on est complètement indépendant. On ne dépend pas de subventions, ni de publicités. La revue tient des ventes en librairie et par abonnements. On a eu des aides essentiellement pour la partie I-PAD, mais rien d’autre.

Que pensez-vous de la surproduction BD actuelle?

http://www.acbd.fr/category/les-bilans-de-l-acbd/

Sans doute que l’on y participe indirectement. Je ne sais pas trop. Ce qui est sur, c’est que la surproduction, j’en ai été moi-même victime. Ce fut toujours difficile de trouver un éditeur et les avances sur droit sont beaucoup moins importantes. Il existe actuellement une véritable paupérisation des auteurs BD.

Vous connaissez les combats du SNAC-BD?

http://www.syndicatbd.org/

Oui bien sûr, j’ai été vice-président du SNAC pendant quelques temps. J’ai été dans le comité de pilotage, je connais donc bien ce syndicat. Je suis solidaire avec les combats de ce syndicat, trop d’auteurs ne sont pas adhérents, pourtant ce syndicat est bien utile pour les auteurs et il publie chaque année un rapport d’activités qui montre à quel point ce groupement est très utile.

Et pour « la revue dessinée », vous avez réalisé une étude de marché?

Non, on s’était dit, les revues marchent, une revue sur l’information en BD va donc sûrement marcher. Voilà notre étude de marché (rires). Mais c’est vrai que l’on a besoin actuellement de plus d’abonnements pour la revue. C’est une revue qui coûte très chèr à fabriquer, on paie tous ceux qui participent à cette revue. On a quand même des seuils de rentabilité et des coûts de production assez hauts.

Envisagez-vous un peu de publicité dans la revue?

Non, on ne veut pas en mettre pour l’instant. Pour en revenir à la revue numéro 5, revue qui est donc sortie  le 12 septembre 2014, il y a le sujet de Etienne Davodeau et de Benoit Colombat sur la mort du Juge Renaud, il y a un grand sujet sur les emprunts toxiques de la banque Dexia (de Catherine Legall et Benjamin Adam), un autre sujet de Carlos Nine sur Pierre Etaix, et un sujet sur le nationalisme écossais (de gauche) avec le prochain référendum du 18 septembre en Ecosse.

Ce sont les journalistes qui vous proposent ces sujets?

Oui le plus souvent, et on les met en relation avec des dessinateurs. On veut avant tout éviter les sujets tout faits du journal télévisé, permettre aux journalistes de bien raconter les choses avec de belles perspectives, avec intelligence. Nous misons sur la qualité des articles et l’intelligence de nos auteurs et des lecteurs.

https://www.youtube.com/watch?v=nYxpvaFuYJg

Propos recueillis par Dominique Vergnes

Images © La Revue Dessinée

Eric Corbeyran, le Jean Van Hamme français?

Eric Corbeyran, le futur Jean Van Hamme français? En tous les cas, il s’en rapproche petit-à-petit ; voilà un scénariste qui s’est « coltiné » à à peu près tous les genres possibles en BD: le thriller, le fantastique, la BD jeunesse… Il a lancé avec divers dessinateurs bon nombre de séries à succès (« le chant des Stryges », « Imago Mundi », « le Régulateur », « Asphodèle »…), ce qui montre la richesse de son univers scénaristique mais sa capacité aussi à se renouveler dans l’écriture et la syntaxe BD. Rencontre avec un scénariste à l’univers BD fort. Rencontre aussi avec un artisan de la BD, dont il s’agit de connaître les mécanismes d’écriture et de scénario. Rencontre surtout avec un scénariste dit « commercial », peu récompensé dans les festivals BD mais populaire au sens noble du terme. Rencontre en dernier lieu avec un bordelais d’adoption.

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La plupart de vos séries traîtent du fantastique, pourquoi ce genre vous plaît tant ?

EC: J’ai grandi avec des séries TV telles que « au pays des géants », au coeur du temps », « Star trek », « le Neptune », « Cosmos 99 », et j’en passe… pour un raconteur d’histoire, le fantastique est un terrain de jeu extraordinaire et sans limite. Il permet de pincer la réalité là où ça fait mal tout en faisant voyager et rêver le lecteur… 

Choisissez-vous vos dessinateurs pour vos séries ou sont-ce vos éditeurs ?

Ca dépend. Habituellement, une série naît d’une rencontre entre un scénariste et un dessinateur. On mêle nos univers, nos inspirations, nos références et ça donne quelque chose de neuf, d’inédit, d’étrange. il arrive parfois qu’un éditeur me propose une collaboration. mais la concrétisation du tandem passe là encore par une rencontre préalable et un échange sur les envies et les idées de chacun. Si le feeling est bon, l’aventure commence…    

Selon Nicolas Sarkozy (sic!), on retient plus de ses échecs que de ses succès, vous-même que retenez-vous comme leçon des échecs commerciaux de certaines de vos séries BD ?

Je ne sais plus qui disait : « réussir, c’est aller d’échec en échec, sans jamais perdre le moral ». Je trouve que c’est assez juste. Je suis hanté par mes bides et méfiant vis à vis de mes réussites. entendez par là qu’il ne faut pas davantage tirer gloire d’une série qui marche que se tirer une balle à cause d’un livre qui ne marche pas. si on avait la recette du succès, ça se saurait et… ça serait moins marrant ! Alors on continue à avancer dans le noir et de temps en temps, le public plébiscite un titre. Les raisons d’un succès comme celles d’un échec sont rarement parfaitement identifiables. On en trouve, bien sûr, mais ce sont rarement les bonnes.    

J’ai fait un entretien avec Thierry Joor de « Delcourt »et il m’a affirmé quelque chose d’assez étonnant, c’est que vous auriez prévu, dès le début de la série des « Stryges », tous les tomes prévus ?

http://www.bd-best.com/rencontre-avec-thierry-joor-news-6254.html

http://www.stryges.com/accueil.php

Pourquoi étonnant ? Je vais même vous dire un truc : les séries parallèles au « chant des stryges » étaient elles aussi prévues dès le départ. L’éditeur a juste préféré différer le lancement (par prudence) car on n’était pas sûr de l’impact. c’est donc le succès rencontré par le « chant des stryges » qui a permis à ces séries parallèles de voir le jour, et non le contraire (les mauvaises langues prétendent en effet que le succès nous a incité à multiplier les spin off). pour en revenir au « chant des stryges », c’est une vaste fresque fantastique dans laquelle Richard Guérineau et moi nous sommes engagés (immergés!) depuis 1996. C’est une gageure. gérer une telle saga est une usine à gaz et cela implique de bien calculer son coup. Aujourd’hui, alors que le tome 16 est bientôt en librairie, je suis en train de rédiger l’ultime volume. en même temps, nous venons de signer pour une adaptation télévisuelle avec une maison de production. « Le chant des stryges » vivra (si tout va bien) une nouvelle vie sur petit écran. ainsi la boucle sera bouclée puisque c’est notre passion commune pour les séries télé qui nous ont poussé Richard et moi à créer cette série fleuve.

https://www.youtube.com/watch?v=VqdoCT-Ohh0

https://www.youtube.com/watch?v=c8aT4fAQ7wo

Comme Arleston pour « Soleil », vous avez accompagné l’éclosion de « Delcourt » pour le monde de la BD dans les années 1990, que retenez-vous de cette fructueuse collaboration avec les années ?

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Signer chez « Delcourt » a été une grande chance pour moi, au milieu des années 90. il en résulte aujourd’hui quelques excellents titres qui se sont plutôt bien vendus, certaines de mes plus belles séries, des one shot dont je n’ai pas à rougir, et surtout, une confiance réciproque et une réelle complicité avec toute l’équipe.J’ai participé activement à étoffer le catalogue et ça a été une expérience irremplaçable. on était dans la création en permanence. C’était une époque jubilatoire et un jaillissement continu d’idée et de projets. aujourd’hui, les choses se sont un peu calmées car la demande est moins forte chez le lecteur, mais nous restons sur une belle dynamique avec les éditions « Delcourt » avec de gros projets (« zodiaque », « 14 18 »).  

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Avez-vous l’impression d’avoir fait des progrès dans la narration BD avec toutes vos séries publiées ?

Je suppose. Ce n’est pas vraiment à moi de répondre. j’apprends en permanence. je me nourris de tout. je regarde notamment comment font les scénaristes américains sur les séries TV et j’essaie de comprendre les mécanismes qui sont à l’oeuvre. du coup, quand je regarde une série télé toute la nuit, je peux claironner ensuite que j’ai bien travaillé ! (rires)

Connaissez-vous les combats du SNAC-BD ?

http://www.syndicatbd.org/http://www.syndicatbd.org/

Je reçois les courriers. Je les lis. je participe quand on me demande. mais je ne suis pas un grand communiquant.Je préfère laisser faire ceux qui savent faire. Il faut du courage et du talent pour prendre les causes à bras le corps. J’ai tendance à faire l’autruche.

Quelles sont les dernières BD qui vous ont marqué ?

J’adore « hellboy », « walking dead », « le tueur ». Ces séries-là sont bien ficelées, elles me transportent. 

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Vous êtes considéré comme un auteur BD commercial ; en ce sens, pensez-vous que vous ne serez jamais récompensé à de grands festivals BD (Angoulême, Saint-Malo, Bruxelles…)? Ce que je ne vous souhaite pas évidemment…

Bien sur que je suis sur de ne jamais être récompensé à Angoulême, ni ailleurs. Et ça ne m’émeut pas plus que ça. J’ai failli avoir le prix du meilleur album en 2000 à Angoulême pour ‘lie de vin’, que j’avais écrit pour Berlion. mais c’était le tour de Rabaté. L’intelligentsia récompense l’intelligentsia, cela va de soi. depuis, je ne pose plus la question, je reste en dehors du coup, mais je suis toujours là. Je m’éclate dans mon boulot. Je fais ce qui me plaît. Je n’en demande pas plus à ce métier. 

A quand une adaptation de vos séries (surtout pour « les Stryges ») à la télévision ou au cinéma ?

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Oups. je crois que j’ai répondu à cette question prématurément…

Ne pensez-vous pas que s’il y a tant d’adaptation BD au cinéma ou à la TV (« Boule et Bill, Largo Winch, Quai d’Orsay,Silex and the city… »), c’est dû au manque d’originalité des scénarios de fiction actuellement? En gros, on préfère accorder sa confiance à des valeurs sûres en BD.

C’est normal.L’industrie du cinéma ne prend jamais de risque ou rarement. Ils se fient aux chiffres, rarement au contenu (à part récemment pour « le bleu est une couleur chaude ») d’ailleurs, ces adaptations ne m’intéressent pas du tout, en tant que spectateur. « Blueberry », « Michel Vaillant », tout ça me fait bailler d’ennui, ce n’est pas ce cinéma que je regarde. Je préfère tourner mon regard vers les USA car c’est là que sont les vrais talents d’acteurs, de scénaristes et de réalisateurs.

Que pensez-vous de la surproduction BD actuelle? N’est-elle pas compensée par la qualité et la diversité des histoires BD ?

http://www.acbd.fr/category/les-bilans-de-l-acbd/

Je ne peux pas raisonnablement dire du mal de la surproduction (rires) j’en ai été l’un des premiers artisans. ça va peut être vous paraître paradoxal, mais je crois qu’un médium qui surproduit est un médium qui va bien. Ca fait des années que je répète qu’il y en a pour tous les goûts et que la bd aborde des rivages qu’elle n’osait même pas apercevoir il y a 25 ans. Bien sûr, il y aura toujours des râleurs pour dire qu’il y a trop de choix, mais ces mêmes râleurs disaient autrefois qu’il n’y en avait pas assez. les auteurs ont des idées, des envies, du talent, alors ils l’expriment. Qu’est-ce qui pourrait les empêcher de le faire ? Un auteur qui crée trouvera toujours un éditeur pour l’éditer mais c’est la même chose dans le monde de la musique ou du roman. Il y a pléthore de sorties pour le plus grand plaisir du public qui peut choisir selon ses goûts avec davantage d’acuité. Le seul problème, c’est l’éphémère. Une oeuvre ne reste pas longtemps sur la table du libraire. Elledisparaît très vite mais c’est le prix à payer pour cette liberté dont nous bénéficions. 

Tel le fan de base (caché et aux aguets!), j’ai eu l’occasion de vous voir au festival BD de Saint-Malo, vous avez un look travaillé (blouson noir, boucles d’oreille…), est-ce voulu et pourquoi ?

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Tous les looks sont dans la nature. j’imagine que je me sens a l’aise comme ça.

Vous êtes associé, en tant qu’artiste BD, à la belle ville de Bordeaux ? Est-ce lourd à porter ?

Eric Corbeyran

Je me suis installé à Bordeaux en 87 mais je n’ai acquis une reconnaissance dans cette ville que récemment, depuis que j’écris « Chateaux Bordeaux », c’est a dire en 2011. La traversée fut longue (rires) mais il y a encore du chemin à parcourir. D’ailleurs, mes albums ont une audience nationale, je ne me sens pas du tout dans la peau de l’auteur régionaliste.  

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Propos recueillis par Dominique Vergnes

Images © Delcourt & Glénat

Laetitia Coryn: fenêtre sur une auteure BD

Laetitia Coryn et Pénélope Bagieu ont un point commun: leur corps de bimbos (c’est mademoiselle Coryn qui le dit!) et leur amour de la BD dite « girly », cette passion de la BD se perpétue grâce à des albums comiques très originaux comme « le péril vieux », albums dont les thématiques se rapprochent de l’humour trash de Gotlib ou des auteurs de « Fluide Glacial ». Quand on sait, en plus, que cette auteure femme (et qui le revendique!) dessine sous les chaperonnages d’auteurs BD comme Florence Cestac ou Jean-Claude Mézières, elle est entre de bonnes mains et ne cherche pas à décevoir ses aînés dans l’humour baroque et trash.

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Rencontre donc avec une auteure en devenir et pleine de promesses qui, elle aussi, arrive de l’animation mais a su s’en affranchir afin de créer son propre univers BD et ainsi, alimenter son blog personnel (« Caca, le blog de Laetitia »).  Potacherie, nous voilà!

http://lcoryn.blogspot.fr/

Votre carrière débute quand ?

J’ai commencé en 2006 chez Witch, dans l’illustration jeunesse. Puis j’ai publié ma première planche de BD dans « le Psikopat ». J’ai signé mon premier album, « le monde merveilleux des vieux » l’année suivante, album assez trash, revendiqué d’ailleurs.

 

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Vous avez été à l’école Estienne?

Oui effectivement. J’ai fait un DMA cinéma d’animation, on était la première promotion. Je me suis aperçu au bout des 2 années que l’animation n’était peut-être pas faite pour moi…mais je me suis rendu compte que c’était d’abord de la BD que je voulais faire. Ca m’a pas empêché de me faire des potes pendant mes études et d’apprendre beaucoup à leur contact.

Votre rencontre avec Florence Cestac a été déterminante?

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Ah oui tout à fait, c’est elle qui m’a mis le pied à l’étrier, je ne ferais sans doute pas ce métier si elle n’avait pas été là. Jean-Claude Mézières aussi m’a beaucoup aidée. Déjà c’est lui qui m’a présenté Florence et il m’a suivie, conseillée durant toute mon adolescence. Je leur dois beaucoup à tous les deux.

Vous avez donc publié deux albums sur le monde merveilleux des vieux

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Oui, ainsi que « le Péril Vieux », chez Hugo Desinge. C’est un one shot mais l’humour reste grosso modo le même. Du trash potache ! Pas toujours facile à vendre aux éditeurs mais bon.

Vos influences BD?

Les auteurs de « Fluide Glacial » en général. Florence Cestac aussi, Vuillemin, Moebius… Pour les albums, dernièrement, j’ai adoré « Mauvais genre » de Chloé Cruchaudet, formidable cette BD. Dans l’animation, j’apprécie beaucoup le travail de Michel Ocelot ou Paul Grimault… et bien sûr « South Park » !

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Vous avez publié combien d’albums?

Couverture

 

J’en suis à 5 ( en plus des albums sur les vieux, j’ai fait « La question de Dieu » chez 12bis, avec Pat Perna au scénar, ainsi que « Fenêtre sur cour d’école » chez Dargaud )… de manière générale, je vois mon avenir dans la BD, même si j’ai toujours l’impression de recommencer à zéro. Je sors un sixième album l’année prochaine avec Philippe Brenot, sexologue et anthropologue, album sur l’histoire de la sexualité, je m’éclate à le faire. Personnellement, je préfère faire des albums différents, autant dans le thème que dans les outils que j’emploie. Comme j’ai du mal à me trouver un «style reconnaissable », autant varier les plaisirs ! Au départ, je m’éclatais à faire des potacheries comme « le monde merveilleux des vieux ». Ca m’amuse toujours mais il y avait peut-être plus d’innocence et de gaité dans les premiers ( j’étais plus jeune ! ). Maintenant, j’ai l’impression que je vais vers un humour plus « dur », un peu comme les pages que je fais pour la revue AAARG !

La surproduction BD actuelle, ça vous touche?

http://www.acbd.fr/category/les-bilans-de-l-acbd/

C’est un vrai problème effectivement. Disons qu’il y a toujours des lecteurs mais qu’il y a beaucoup d’albums qui sortent et que c’est difficile de se faire une place quand on démarre. Et même pour ceux qui sont là depuis un moment, j’en connais qui rament encore à 50 balais passés. Il y en a beaucoup qui cumulent plusieurs emplois. Personnellement je suis pas à plaindre, je fais un métier que j’aime beaucoup à côté, le doublage. Mais si je n’avais pas cette double casquette, je ne pourrais pas vivre de la BD.

Vous pensez quoi des combats du SNAC-BD?

http://www.syndicatbd.org/

Je suis solidaire, beaucoup d’auteurs BD sont en situation précaire alors que le marché de la BD se porte plutôt bien a priori. Les nouvelles réformes ne vont sûrement pas arranger les choses et on a peu de moyens de pression. Ah si, on peut s’arrêter de dessiner. Mais bon, pas sûre qu’on tienne très longtemps et pas sûre non plus qu’on soit pris très au sérieux.

Propos recueillis par Dominique Vergnes.

 

 

Cyrille Launais: la BD comme continuité artistique

Nantes, ce n’est pas seulement des salles de spectacle ou des lieux culturels qui innervent cette ville, mais ce sont aussi des auteurs et de petites maisons d’édition qui la font vivre ou la rendent si spéciales et intéressantes. Intéressons-nous donc à la collection BD « Casanostra » de « Sixtoéditions », spécialisée dans le thriller noir, très noir (il n’y a plus d’espoir!). Qui dit thriller noir, dit atmosphère de série noire, phrasé particulier avec des expressions à la nantaise. Rencontre avec l’auteur nantais, Cyrille Launais, qui a su si bien recréer une époque, les années 1950 à Nantes, avec sa première BD « les voleurs de cerveaux ». Entretien réalisé en février 2015. 

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Je reviens du festival d’Angoulême 2015, vous avez vu que les auteurs BD avec le SNAC BD ont manifesté dans les rues d’Angoulême le samedi 31 janvier.

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Oui, j’ai vu cela et ils ont bien raison. Moi-même, je n’ai publié qu’un seul livre mais je me sens bien sûr concerné par les problèmes des auteurs BD. C’est un métier très précaire, auteur BD.

Oui, à Angoulême se sont déroulés aussi les États généraux de la BD.

https://www.youtube.com/watch?v=HG6fXN18JBo

Oui, j’ai vu cela.

Au départ, sur le plan professionnel, vous avez travaillé au sein d’une troupe de marionnettistes.

Oui, on était dans une formation associative. Comme moi, j’étais graphiste et plasticien au départ, ça m’a permis de découvrir un autre univers professionnel. On a fait ainsi des ateliers de marionnettistes pour des adultes et des enfants, nous sommes intervenus en collège, en écoles primaires, en centre d’éducation spécialisée et hôpitaux…il s’agissait de faire apprendre et de savoir bricoler avec les mains, on leur apprenait à construire une marionnette. Ce fut une démarche passionnante, car c’est un art populaire! Avec les marionnettes, on peut toucher à bon nombre de personnages et créer des spectacles de qualité. Je fais ça en parallèle avec la BD.

Moi, j’ai arrêté l’école en troisième, j’étais un cancre fini, je m’ennuyais. Il n’y avait que les choses artistiques qui m’intéressaient, je voulais vraiment faire un métier de création, de graphisme. Ainsi, j’ai beaucoup travaillé en autodidacte car la BD, on est seul face à ses dessins. Je me suis vite retrouvé coincé par mon manque de technique classique. J’ai donc suivi une formation de dessin par correspondance pour acquérir les bases de formation classique. Plus tard, c’est au contact de collectifs d’artistes et sur des projets artistiques que j’ai appris la pédagogie et le travail avec du public.

A Angoulême, vous avez vu les auteurs BD récompensés ?

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Oui, j’ai vu pour Riad Sattouf, il le mérite pour son dernier album « l’arabe du futur », BD de circonstance d’ailleurs.

Et donc « les voleurs de cerveaux », c’est bien votre premier album ?

Les voleurs de cerveaux- Les Voleurs de cerveaux

Oui, et on en est à la seconde réédition avec près de 1000 exemplaires de plus.

Dans votre BD « les voleurs de cerveaux », vous avez recrée des rues et l’atmosphère de Nantes, même chose pour l’architecture nantaise.

Les Voleurs de cerveaux - BD, avis, informations, images, albums -  BDTheque.com

Oui, tout à fait, c’est une ville aux divers visages, ville industrielle avec plein de petites rues, ville avec des canaux, ville prolétaire, surréaliste aussi. J’ai un autre projet BD qui se passerait toujours à Nantes, mais là, pour l’histoire BD, la Tour de Bretagne aurait disparue du jour au lendemain, sans gravats, ni attentats. Une jeune inspectrice serait chargée de l’affaire, BD avec beaucoup d’humour, mais aussi un thriller noir.

Comme pour le premier album BD, vous allez tout faire: graphisme, encrage, scénario…

http://www.la-luciole.com/

Oui sûrement pour cette BD, mais je suis ouvert à toute proposition, j’ai l’habitude de travailler dans des collectifs d’artistes ; je suis ouvert à tout projet d’artiste, à toutes les idées. Je suis dans un collectif d’artiste appelé  « les ateliers de la luciole », où j’interviens aussi pour des caricatures, du modelage ou des sculptures. On réalise des expositions BD, on expérimente beaucoup aussi, c’est passionnant.

Votre style de dessin semble être très réaliste.

Assez finalement.Le personnage principal est assez simple, réaliste ; on peut facilement s’assimiler à lui, par contre, les gangsters le sont moins. Dans cette BD, j’ai beaucoup travaillé les dialogues. J’ai fait intervenir les différences sociales dans les dialogues, notamment le chef des gangsters qui est un homme en cravate, distingué mais qui est le pire de tous finalement, c’est lui le plus mauvais. J’ai travaillé sur le parler nantais à travers les personnages, avec des expressions du coin.

Finalement, vous aimez bien les dialogues à la Michel Audiard.

Oui, mais ce sont surtout des expressions nantaises ou du pays nantais C’est la musique ancienne du coin, des expressions imagées venant d’un peu partout car à Nantes est une ville cosmopolite.

Je suppose que vous avez pris sur croquis des monuments patrimoniaux nantais.

Image associée

Sur cet album, j’ai travaillé pendant 3 ans. Je savais, dès le départ, la chute de l’album ; j’ai travaillé et me suis renseigné sur les circuits de rue nantais de l’époque, c’est pourquoi, j’en ai fait un livreur, pour bien connaître les rues de Nantes.

Et vos influences, ce sont Maurice Tillieux, E.P. Jacobs, Tardi ?

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Oui et les lecteurs me le font bien remarquer. J’aime bien le classicisme en BD. De toute manière, ma maison d’édition nantaise « SIXTO » est vraiment spécialisée dans le polar noir, très noir. Que ce soit pour les BD  » collection Casanostra », ou pour les romans collection « Le Cercle ». Moi, dans mon album, ce n’est pas que du noir, j’y distille un peu d’humour.

Et donc votre album « les voleurs de cerveaux » a été tiré à combien d’exemplaires ?

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Il a été tiré à 1000 exemplaires. Et il va y avoir des rééditions d’albums de la collection « Casanostra » que ce soit « l’Ange Noir » et « les voleurs de cerveaux », tous les 2 tirés à 1000 exemplaires à nouveau. On est distribués dans tout le grand ouest français. Moi-même, je fais pas mal de festivals pour connaître mes lecteurs et je fais ma publicité sur réseaux sociaux.

Vous avez été au festival de Saint-Malo en 2014 ?

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Oui, ils avaient avancé les dates du festival d’ailleurs à cause de « la route du Rhum », il y avait moitié moins de visiteurs cette année. Malgré tout c’était très impressionnant! Fin février, j’irai au festival de Pouzauges en Vendée. Le 15 Mars à rennes au festival « Rue des Livres » et le 29 au salon BD de Loperhet (Brest).

Les derniers albums BD qui vous ont influencé ?

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Les auteurs, Briac et Le Gouëfflec, leur BD sur « la nuit Mac Orlan »par exemple est remarquable, histoire très surprenante ; Briac dessine comme un peintre, chaque case ressemble à une peinture d’ailleurs. A Saint-Malo, j’ai découvert aussi la BD en 3 D « Jim Curious » de Matthias Picard, graphiquement, c’est complètement délirant, c’est décalé, enfantin et poétique. J’ai relu un « Adèle Blanc-Sec »dernièrement, un Franquin de temps en temps aussi. J’aime bien  relire des classiques BD. C’est toujours intéressant d’avoir un pied dans la modernité et un dans le classique!

Votre premier album « les voleurs de cerveaux » a été accepté de suite à « Casanostra »?

Ils m’ont fait confiance. Je leur ai proposé un synopsis. J’ai beaucoup travaillé avec des notes, des croquis aussi. La narration étant très importante, j’ai fais attention aux nombreux détails de l’album.

http://sixto-editions.over-blog.com/2015/01/cyrille-launais-illustrateur-et-marionnettiste.html

Propos recueillis par Dominique Vergnes.

Lien utile: http://sixto-editions.over-blog.com/

Pixel Vengeur nous parle

Après Mo/CDM, rencontrons son acolyte de « FLUIDE GLACIAL »Pixel Vengeur. Auteur BD qui est un ouvrier de la satire et du comique BD. C’est un vieux de la vieille qui connaît bien les titres phares de ce genre BD avec des journaux comme « Psikopat, Fluide Glacial, Métal Hurlant… » ; dans un monde de la BD et du livre de plus en plus uniformisé, réaliser de la BD humoristique relève du sacerdoce et de la foi en des saints nommés Gotlib, Lauzier, Vuillemin ou Goossens.

 

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GOOSSENS                                            LAUZIER

 

Rencontre avec un dessinateur au graphisme plutôt ligne claire, qui sait rendre hommage à des classiques BD comme « Blake et Mortimer« , « Flash Gordon » par la satire et le grand n’importe quoi. Rencontre donc avec un dangereux dessinateur. Mais est-ce un déviant? Un malade? Un surhomme? Non, juste Pixel Vengeur qui prend son envol tel Superman.

une aventure intersidérante de splash gordon dans mongo fury de ...Les éditions Rouquemoute | Pixel Vengeur

 

 

 

Bonjour Pixel ou plutôt Benoît Serrou! D’ailleurs, pourquoi cette signature « Pixel Vengeur »?
En 1999, Carali  (fondateur de Psikopat) me prenait ma première BD pour son « Psikopat » (j’en avais déjà sorti une dans les années 80, il s’appelait à l’époque le « Petit Psikopat illustré » et d’autres dans « Viper » puis même une illustration dans le journal « Rigolo » (pour les connaisseur), mais j’en reparlerai) et Carali donc m’avait demandé si je pouvais changer ma signature qui était trop proche d’une autre signature du journal (Sirou, pour pas le nommer).
Durant cette période je travaillais aussi en illustrations pour le Net et je signais Pixel Vengeur (car c’était sur ordinateur, quoi). Ne me demandez pas pourquoi j’ai associé ces deux mots, je ne me souviens plus. Je pense que ça sonnait bien, c’est tout. Alors j’ai dit à Carali que je signerai ainsi maintenant. Et voilà.
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Vous avez débuté dans le graphisme et les jeux vidéos, comment êtes-vous venu dans le monde de la BD ensuite?

Ben, dès l’âge de 7 ans, je voulais faire de la BD. Plus tard, dans les années 80, comme je le disais, j’ai essayé de percer via les journaux de l’époque : Fluide Glacial, Métal Hurlant, L’écho des savanes et même Hara Kiri (qui avait un cahier BD sous l’égide du regretté Gébé.) Mais ça a été compliqué pour moi. Finalement j’ai bossé dans « Viper » et sorti ma BD dans « Le Petit Psikopat Illustré » et mon illustration dans « Rigolo ». Mais c’était une sale époque pour la presse et les journaux fermaient déjà les uns après les autres… Je me suis tourné vers autre chose, donc, et je suis revenu à la BD plus tard, après avoir beaucoup bossé sur ordinateur. J’avais développé un style et une méthode de dessin en espérant revenir à la BD et en faisant tout sur ordinateur (totalement inconsciemment et… novateur à l’époque). Bizarrement, ça a tout de suite marché… Le Psikopat, Fluide Glacial ont accepté ce que je faisais. Comme quoi, des fois, faut savoir attendre.

Votre dernier coup de coeur en séries, auteurs et personnages BD?
Je suis fan absolu de Red Ketchup de Godbout et Fournier. De la BD made in Québec qui décape vraiment bien. Ces mecs devraient proposer des trucs à Fluide je trouve.
Mo/CDM me disait que les albums de « Fluide Glacial » étaient bien mal distribués en librairie, vous confirmez?
Oui, je confirme, mais la nouvelle équipe travaille dur pour faire changer les choses. Vendre de l’humour en album n’est pas chose aisée. Il est beaucoup plus difficile de faire rire que pleurer et ça, dans tous les arts. L’humour est très mal considéré dans tous les arts… Allez y comprendre quelque chose.
Comme Mo/CDM et son « Geek War », vous réalisez des albums satiriques et drôles, quelles sont vos influences dans ce cadre-là? 
Hitler=SS
Lauzier & Alexis avec « Al Crane« , « Hitler = SS » de Gourio & Vuillemin sont des modèles de dérision pour moi, totalement impossibles à refaire de nos jours et je le regrette sincèrement.
Mais les crétins ne voient pas plus loin que le bout de leur nez stupide, c’est ainsi… Sinon, Gotlib, Mad, Monthy Python, Les Nuls, la série anglaise « Bottom » etc etc… Tout ce qui est con est bon pour moi. En parlant de con, j’aime beaucoup Mo/cdm…
Geek War -:- sur www.BD-Tek.com
Votre graphisme est très reconnaissable, quelque chose que vous avez beaucoup travaillé avec les années?
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Je ne sais pas. Je le trouve assez classique mon graphisme. Un mélange de Gotlib, Alexis, Moebius / Arno, avec des fois des pointes d’expression à la Goossens (j’essaye de m’en guérir de ça). Je trouve tous ces auteurs (à part Goossens), somme toute, très « classiques », non ?
Je tiens à préciser que je n’arrive pas à la cheville de tous ces gars-là, loin s’en faut. J’ai toujours voulu dessiner de la sorte. Dessiner chaque boulon d’une chenillette de Panzer est une sale manie chez moi. J’adore être très précis pour tout ce qui est matériel et assez « gros nez » pour les personnage, ça donne justement ce style (c’est Pochep qui me le faisait remarqué à un bouclage de Fluide). Je n’analyse pas trop ce que je fais, je fais comme ça m’amuse et puis c’est tout.
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Il n’y a que pour la série avec Monsieur Le Chien, que j’ai essayé autre chose en graphisme, d’être plus « réaliste » à ma façon… Je n’en suis pas vraiment satisfait encore, mais bon, peut être qu’avec le temps… J’avais déjà touché à ça dans l’album « Baron Samedi » (Eric Adam et Didier Convard au scénario.) Mais le style réaliste, c’est tellement compliqué. Je suis abasourdi par le savoir-faire de Dominique Bertail par exemple et de son « Ghost Money« … Je sais que j’en suis totalement incapable.
Ghost Money 5. Le Black Cloud
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Vous avez crée votre propre blog, indispensable actuellement pour se faire connaître et faire connaître ces travaux BD?
Heu… non, je ne crois pas avoir créé quoique ce soit de ce côté-là. Sauf à la grande époque du site de Fluide Glacial (@Fluidz ) monté par les frangins Solé, Vincent et Julien, où j’avais effectivement un blog (Blog à Part) qui se moquait des blogs justement. J’y racontais n’importe quoi, globalement je faisais exactement l’inverse des blogs à la mode de l’époque (la grande époque des blogs BD), pour me moquer gentiment, et j’étais payé pour ça !
Je crois être le tout premier blogueur rémunéré d’ailleurs. Non, je suis sur Facebook et c’est déjà assez suffisant et contraignant je trouve. FB c’est quand même de la merde faut dire et les rapports humains sont totalement biaisés, mais bon, ça permet facilement de communiquer sur son travail et parfois, de sortir une bonne connerie. Je ne résiste jamais à une bonne connerie.
Le journal « Fluide Glacial », le journal le plus novateur actuellement en terme d’humour BD, d’accord avec ça?
BD fluide glacial 2012 N°429 - revue bd - bd humour - revue bd
Ben on va dire que la concurrence est maigre en ce moment… Alors oui, car même le Psikopat s’est tourné vers la politique et tout le monde sait que la politique est tout sauf drôle… Quoique. Mais Fluide Glacial a repris du poil de la bête, n’en déplaise aux vieux ronchons partisans du « c’était mieux avant » qui voudraient déterrer les Alexis, Lelong, Moerell etc… MAIS ILS SONT MORTS BON DIEU D’BOIS ! MORTS! Non, plus sérieusement en festival en ce moment je rencontre de plus en plus de jeunes abonnés et ça, ça fait fichtrement plaisir et ça donne envie de bosser encore plus.
Vous collaborez avec la maison d’édition  Vide cocagne , comment s’est concrétisée cette collaboration?
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Elle s’est concrétisée par la sortie d’un magnifique petit grand album « Le Petit Livre Noir de Dominique » ! En fait, c’est mon pote Terreur Graphique à qui j’ai proposé l’idée de raconter une histoire de petit tapir. Il m’a dit : « Ok, ça me plaît, vas-y, la seule contrainte, c’est que tu fais ce que tu veux ! »
Dur en affaire le bonhomme…surtout que je ne lui avais absolument rien raconté comme trame d’histoire étant donné que je n’en avais aucune ! Les gars de « Vide Cocagne » sont des gens biens et travailler avec des gens bien… c’est bien. Très bien bien, même. Je les embrasse d’ailleurs, tiens.
Suivez-vous les combats du SNAC-BD? Et les Etats Généraux de la BD, ça vous parle?
Bien sûr ! Comment ne pas se sentir concerné par ça ? Nous les indépendants, nous sommes déjà la vache à lait de cette économie vacillante… On paie le prix de notre indépendance ! Et quand on nous en rajoute sur le dos, comment ne pas plier un peu plus sans rechigner.
Vos prochains projets et festivals BD?
Alors deux albums chez Fluide : le premier sort le 16 septembre « Les Trois Petits Cochons Reloaded » avec Mo/cdm au scénario et plus tard « La Méthode Champion » avec Monsieur le Chien au scénario.
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Et puis pour 2016 chez Vide Cocagne (je ne sais pas encore quand et eux non plus je pense) « Le Nécrodominicon » tout seul et librement adapté des « Montagnes Hallucinées » de HP Lovecraft. Très librement, même… En fait c’est le retour de Dominique, le petit tapir qui va vivre une aventure dans le monde de Cthulhu, genre… du grand n’importe quoi.
Et en ce qui concerne les festivals, c’est assez chargé, je serais fin septembre à Paris lors du Parcours BD samedi 26 en compagnie de Denis Sire (que j’embrasse aussi d’ailleurs) ensuite les 18 et 19 octobre je présiderais le festival de Burzet en Ardèche, puis peut-être je serais à St Malo et sûr, à Brignais, et au salon du Livre de Royat, voilà… Bref, je sors des albums donc je recommence à faire des festivals, chose que je ne faisais plus vraiment… Un peu ras le bol. Faut savoir varier les plaisirs.
Vous êtes ami avec Laetitia Coryn avec qui vous avez travaillé (et dont le dernier album BD « Fenêtre sur cour d’école » est remarquable). Vous vous adorez mais pourtant, pouvez-vous en dire du mal en quelques lignes?
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Laetitia est tellement mignonne que je voudrais lui faire plein d’enfants de toutes les races et dans tous les sens mais ce n’est pas possible, parce qu’elle pète.
Propos recueillis par Dominique Vergnes

Images © Fluide Glacial-PIXEL VENGEUR

Mo/CDM et son monde

Mo/CDM le plus grand auteur comique BD français? Pour moi un des plus drôles en tous les cas sur un marché pas si concurrentiel que cela. Seniors, geeks, « vieunes », savants fous, base militaire cachée, « Cosmik Roger »…voilà un bestiaire caricatural que Mo/CDM sait nous dessiner avec allégresse avec ces codes à décrypter ou à assimiler publiés dans les journaux BD « Fluide Glacial » et « Psikopat ». 

Entretien, réalisé en juillet 2014, avec un fin connaisseur de la BD qui sait tout faire pour réaliser un album, aussi bien l’encrage, la maquette, les gags ou la quatrième de couverture et dont les références BD sont multiples mais prestigieuses (Cela passe aussi bien de Moebius qu’à l’immense Goossens pour aller vers Paul Gillon et Raymond Poïvet…). Etat des lieux aussi d’un certain comique BD face aux grandes séries traditionnelles BD.Voilà un vrai « chieur de monde », son monde BD à lui…A noter que Mo/CDM et Pixel Vengeur ont reçu le prix « Charlie Schlingo » pour leur BD « les 3 petits cochons » (éd. Fluide Glacial, 2015) à Angoulême en cette année 2016, sous les yeux ravis de Florence Cestac.

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https://www.youtube.com/watch?v=eJOemRaiKa4

A côté de moi, j’ai vos 2 albums phares: « Geek war » et « le grand cirque de la vie », 2 albums tirés de Fluide Glacial?

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Geek War -:- sur www.BD-Tek.com

Non, le second est tiré de « Psikopat », une page publiée par mois à l’époque où le magazine tirait en noir et blanc. Pour « Fluide », on part du principe que lorsqu’on a assez de pages publiées pour faire un album, on le fait

Et l’esprit « Fluide Glacial » vous convient bien?

Ah bien sûr, j’étais lecteur avant d’être dessinateur. « Fluide Glacial », c’est un peu ma famille ; j’y suis venu naturellement. De manière générale, ce journal est enterré régulièrement et il va pourtant fêter ses 40 ans cette année. Ce n’est pas une grosse structure « Fluide », le nom est très connu mais la rédaction n’est pas nombreuse. Moi, personnellement, j’en suis à mon 5ème rédacteur en chef.

Je trouve qu’actuellement, « Fluide Glacial » est le journal le plus novateur en terme de comique BD.

Magazine Fluide Glacial T517 - Fluide Glacial - à lire en ligne

Ah oui tout à fait, l’esprit « Fluide glacial » existe bel et bien, on profite de ce logo, nous auteurs, et de cet état d’esprit. « Fluide Glacial  » est un vrai laboratoire BD, on peut y mettre ce que l’on veut. Et c’est un journal sans publicité !

Et votre pseudonyme Mo/CDM, il vient d’où?

CDM veut dire « chieur de monde ». On me prend souvent pour un autre, pour le frère de Ju/CDM par exemple, en dédicaces le plus souvent ; on me prend aussi pour le fils de Jean Solé. Ce n’est pas bien grave, du moment que les gens se marrent avec mes BD.

Et si « Fluide Glacial » est si novateur en terme de comique BD, c’est que finalement, il y a une certaine forme de conservatisme dans les autres journaux BD.

Fluide glacial novateur par rapport à certains, plus classique par rapport à d’autres, mais gardons à l’esprit qu’il n’y a rien de plus subjectif que l’humour !!! Et n’oublions pas bon nombre d’auteurs BD, de comiques BD présents sur la place, il y a des gens très talentueux dans ce secteur.

Et pour vos BD, avez-vous des retours favorables?

Cosmik Roger - Intégrale volume 01 | FLUIDE GLACIAL

Je ne sais pas trop ; je vais rarement  sur le net. Je fais aussi peu de festivals, et le public festival est un public conquis le plus souvent, un public de collectionneurs, cherchant les dédicaces. le vrai lectorat « Fluide », j’ai peu de contacts avec lui. Il existe des forums sur Internet, mais moi, j’ai du mal avec le net. J’essaie d’avancer pour le reste…

Dans votre album « Geek war », vous avez très bien conceptualisé le gouffre geek/seniors dans notre société.

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Ah oui tout à fait. Actuellement, il n’y a jamais eu autant de moyens de communication, de réseaux sociaux mais les clivages n’ont jamais été aussi profonds, les gens ne se comprennent pas et n’ont jamais autant campé sur leurs positions. Je suis très pessimiste là-dessus.

Au départ, vous aviez un fanzine que vous avez su dépasser pour publier et toucher un plus large public.

Ah oui mais c’est le lot de tout fanzine ; c’est quoi un fanzine? Un journal auto-publié par des jeunes le plus souvent, un jeune qui a plein de passion, de sève. Un fanzine c’est donc une marche qui amène à quelque chose de plus professionnel. Malheureusement, actuellement, il existe des éditeurs qui ne jouent plus leur rôle d’éditeur mais qui veulent faire de l’argent rapidement. Beaucoup de petits  fanzines sont devenus de petites maisons d’édition, certains fanzines ont peu de moyens financiers mais beaucoup de liberté ; pour certains, cela marche, pour d’autres non. Le plus souvent, cela donne de chouettes bouquins.  C’est sur que publier « les blagues de Toto », on en vend beaucoup mais au niveau du courage éditorial, cela se pose là. Ce n’est pas très audacieux.

Moi-même, certains vont considérer que je fais essentiellement du commercial ; une petite maison d’édition ne vit pas par magie. A « Fluide Glacial », on est très nombreux à vivre des « Bidochons ». Il faut bien comprendre qu’une petite maison d’édition, il y a des pertes, des gains, ce sont des vases communicants. Ce que je regrette c’est que souvent dans les librairies, on voit ainsi d’énormes séries BD qui enfoncent tout et derrière, c’est difficile de « placer ses billes ».

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Je trouve, personnellement, que la maison d’édition « Fluide Glacial » est bien peu présente dans les librairies.

Oui je confirme, nos albums sont assez mal distribués. C’est un des problèmes majeurs de « Fluide Glacial ».

Une question récurrente que j’ai posé, par exemple, à Florence Cestac: il y a, actuellement, une grosse surproduction BD mais toujours autant de BD de qualité, vous confirmez?

http://www.acbd.fr/category/les-bilans-de-l-acbd/

Ah oui, oui je suis d’accord avec ça. Il y a beaucoup d’albums BD édités mais un gâteau qui se ressert petit à petit. tout est compressé actuellement ; en 1980, on pouvait passer un an sur un album ce qui, aujourd’hui, est un luxe énorme. Les éditeurs laissent beaucoup moins de temps pour encrer, mettre en image, colorier un album. Le camembert grossit mais comme on est beaucoup plus d’auteurs, les parts rapetissent.

Et vos supports BD? Ce sont lesquels?

« Fluide Glacial » et « Psikopat » essentiellement, je fais des dessins aussi dans « Sciences et vie junior ». Je ne fais pas du dessin de presse car je doute d’être assez doué pour cela.Je ne pense pas être assez observateur, je suis d’une école laborieuse.

Concernant « Geek war », vos références viennent essentiellement de films « survival » à la John Carpenter ou George Miller.

Geek War - BD, informations, cotes

Ah oui c’est clair, « New-York 1997 » est un film fondateur « Brazil » aussi. Pour les vieux, dans l’album, j’ai grossi plusieurs fois le trait à savoir: la casquette vissée sur la tête, écoutant immuablement « les grosses têtes » et « RTL », bon, les vieux ne sont pas tous comme cela heureusement (rires).

Et pour cette  BD, possibilité d’adaptation au cinéma ou à la télévision?

Ah non, je n’ai pas été contacté. Pour « Geek war », ce qui pose problème, c’est l’absence de personnages. Il y a un vieux qui sert de fil rouge, mais ce n’est pas un vrai personnage. De toute manière, les producteurs veulent d’abord des valeurs sûres pour toute adaptation BD comme « Boule et Bill » par exemple. En France, ce sont souvent les albums d’humour qui sont adaptés. On est loin des « Walking dead » ou des « Watchmen », les adaptations en France ce sont essentiellement « le petit Nicolas », « Lucky Luke », « Boule et Bill »…vraiment de l’humour grand public.

Avez-vous l’impression d’avoir fait des progrès sur le plan dessin ou graphisme?

J’espère en tous cas je m’y emploie. il faut se battre pour être publié vous savez, car il y a pléthore de très bons dessinateurs en France, il y a de la relève, de la qualité derrière. C’est une forme d’émulation.

Et votre maison d’édition « Fluide Glacial » vous aide-t-elle pour vos albums?

Pas plus que ça..Je sais qu’ils sont là, que je peux compter sur eux,mais je travaille dans mon coin. La BD d’humour s’apparente à du funambulisme. Plus facile d’être seul sur le fil pour trouver son équilibre.

Pour « Forbidden Zone », les influences sont lesquelles? La « quatrième dimension »?

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Oui, des influences qui viennent d’un peu partout: les savants fous, la « quatrième dimension », John Carpenter…Et puis ces albums ont été agréables à dessiner, les docteurs fous, une base militaire, des expérimentations secrètes…j’utilise souvent le décalage en BD pour faire avancer le comique. Daniel Goossens l’utilise beaucoup dans ces albums pour faire progresser l’action. Il y a d’ailleurs une exposition sur Paris des originaux de Goossens, c’est génial ; lui, il maîtrise vraiment le décalage. Ces planches originales sont souvent à mourir de rire.

Les gags, comment les trouvez-vous?

Pour moi, un gag qui vient en un quart de seconde est généralement bon, un gag qui vient en une journée, pas trop. Moins c’est laborieux, meilleur c’est, mais bon, il n’y a pas vraiment de recettes. Je conçois la BD comme un tout, du scénario à la maquette de l’album. J’imagine la BD comme de la cuisine. Je fais les courses, je prépare, je sers et je range la cuisine, je m’éclate à tout réaliser.Je mets environ 2 ans à réaliser un album, 2 ans avec de nombreuses interruptions.  

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Et vos influences en BD? Vous avez parlé, dans une vidéo, de Moebius, de Jack Davis, de Goossens, de Larcenet…il y en a d’autres?

Oui tout cela. Pour l’encrage, j’aime bien dessiner au pinceau ; chez les vieux dessinateurs encreurs, il y a Paul Gillon et Raymond Poïvet comme références. Pour l’humour BD, il y a Goossens évidemment.

Un gag de GOOSSENS:

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Franquin aussi?

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Franquin dessiné par GOTLIB

J’ai beaucoup d’admiration bien sûr, mais je ne l’ai jamais pris comme modèle. Il n’y a pas de décalage dans ses BD. Franquin est trop évident dans ses BD, trop classique et trop fort !!!

Et quelle est votre formation initiale?

J’ai fait un bac A3 à l’époque avec 2 heures de dessin par semaine et j’ai fait une année de remise à niveau BTS ; au bout de l’année, on m’a proposé des travaux d’études, de réaliser des dessins…j’ai pu assez vivre rapidement du dessin . J’ai rencontré dans ma vie 3 profs de dessin, j’en ai pas vu beaucoup non plus dans ma carrière.

Et pour 2014, un album publié?

Non pas pour 2014 mais pour janvier 2015 pour le festival BD d’Angoulême sortira Philipp KRADOW Détective privé.

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Vous connaissez les combats du SNAC-BD?

http://www.syndicatbd.org/

Oui un peu sur les cotisations retraite notamment. Je suis solidaire avec eux bien sûr. Moi, je suis payé aux rendus, c’est dur de vivre de la BD en général.

A « Fluide Glacial », j’aime beaucoup aussi la dessinatrice « ISA ».

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Ah oui, c’est une très grande caricaturiste, elle est capable en 3 traits de dessiner le commandant Cousteau, Serge  Dassault et Laurence Parisot ; elle est excellente dans la caricature.

Propos recueillis par Dominique Vergnes

Images © Fluide Glacial-Mo/CDM